Морган Райс

Une Chanson pour des Orphelines


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était probablement trop souvent ivre pour remarquer grand-chose.

      “Peu importe”, dit-il. “Je recherchais quelqu'un qui aurait pu passer par ici mais je ne pense pas que tu puisses m'aider. Je suis désolé de t'avoir embêté.”

      Il se retourna vers son cheval.

      “Attendez”, dit l'homme. “Vous … vous êtes Sebastian, n'est-ce pas ?”

      Sebastian se figea en entendant son nom puis se retourna vers l'homme en fronçant les sourcils.

      “Comment sais-tu mon nom ?” demanda-t-il.

      L'homme trébucha un peu. “Quel nom ?”

      “Mon nom”, dit Sebastian. “Tu viens de m'appeler Sebastian.”

      “Alors, vous êtes Sebastian ?”

      Sebastian fit tout son possible pour être patient. Visiblement, cet homme le recherchait et Sebastian ne pouvait imaginer que peu de raisons pour cela.

      “Oui”, dit-il. “Ce que je veux savoir, c'est pourquoi vous me recherchez.”

      “Je …” L'homme s'interrompit un moment en fronçant les sourcils, perplexe. “J'étais supposé vous transmettre un message.”

      “Un message ?” dit Sebastian. Cela semblait être trop beau pour être vrai mais, malgré tout, il osa espérer. “De qui ?”

      “Il y avait cette femme”, dit l'ivrogne, et cela suffit à redonner tout son espoir à Sebastian.

      “Quelle femme ?” dit Sebastian.

      Cependant, maintenant, l'autre homme ne le regardait plus. En fait, on aurait dit qu'il était sur le point de se rendormir. Sebastian l'attrapa et, tout en l'empêchant de tomber, le secoua pour le réveiller.

      “Quelle femme ?” répéta-t-il.

      “Il y avait quelque chose … une femme rousse sur un chariot.”

      “C'est elle !” dit Sebastian, se laissant alors dominer par son excitation. “Était-ce il y a quelques jours ?”

      L'ivrogne prit le temps d'y réfléchir. “Je ne sais pas. Peut-être. On est quel jour ?”

      Sebastian ne répondit pas. Il lui suffisait d'avoir trouvé l'indice que Sophia avait laissé pour lui. “La femme … c'est Sophia. Où est-elle allée ? Quel était son message ?”

      Quand l'ivrogne recommença à s'endormir, Sebastian le secoua à nouveau et il dut admettre qu'il le faisait au moins en partie par exaspération. Il fallait qu'il sache quel message Sophia avait confié à cet homme.

      Pourquoi lui ? N'y avait-il eu personne d'autre à qui Sophia aurait pu confier son message ? En regardant l'homme qu'il empêchait quasiment de s'écrouler au sol, Sebastian trouva la réponse : elle avait été sûre que Sebastian rencontrerait cet homme parce qu'elle avait deviné qu'il n'irait nulle part. Il avait été le meilleur moyen de faire passer un message à Sebastian s'il partait à sa recherche.

      Cela signifiait qu'elle voulait qu'il la recherche. Elle voulait qu'il puisse la retrouver. Rien que cette pensée suffisait à redonner courage à Sebastian parce que cela signifiait que Sophia était peut-être prête à lui pardonner tout ce qu'il lui avait fait. Si elle n'envisageait pas qu'ils soient à nouveau ensemble dans l'avenir, elle ne lui fournirait pas le moyen de savoir où elle était partie, n'est-ce pas ?

      “Quel était le message ?” répéta Sebastian.

      “Elle m'a donné de l'argent”, dit l'homme. “Elle m'a dit de dire que … zut, je sais que je m'en souvenais …”

      “Réfléchissez”, dit Sebastian. “C'est important.”

      “Elle m'a dit de vous dire qu'elle était partie à Barriston !” dit l'ivrogne d'un ton triomphant. “Elle m'a dit de dire que je l'avais vue de mes propres yeux.”

      “A Barriston ?” demanda Sebastian en regardant le panneau du carrefour. “Tu en es certain ?”

      Cette ville ne lui semblait pas être un endroit où Sophia aurait une quelconque raison de se rendre mais peut-être était-ce le but de la manœuvre, vu qu'elle était en fuite. C'était une sorte de ville provinciale qui, bien que n'ayant ni la taille ni la population d'Ashton, avait acquis une certaine richesse grâce à l'industrie du gant. Peut-être n'était-ce pas une si mauvaise destination pour Sophia.

      L'autre homme hocha la tête et cela suffit à convaincre Sebastian. Si Sophia lui avait laissé un message, alors, peu importait la personne qu'elle avait choisie pour le transmettre. Ce qui comptait, c'était qu'il avait reçu son message et qu'il savait où il fallait qu'il aille la chercher. En guise de remerciement, Sebastian prit une pièce dans la bourse qu'il avait à la ceinture, la jeta à l'homme du carrefour puis remonta précipitamment à cheval.

      Il fit partir sa monture vers l'ouest et l'éperonna pour qu'elle fonce dans la direction de Barriston. Il allait lui falloir du temps pour y arriver mais il forcerait son cheval à aller aussi vite qu'il l'oserait. Il la rattraperait là-bas ou peut-être même sur la route. D'une façon ou d'une autre, il la retrouverait et ils seraient à nouveau ensemble.

      “J'arrive, Sophia”, promit-il pendant que, autour de lui, le paysage des Ridings défilait à toute vitesse. Maintenant qu'il savait que Sophia voulait qu'il la trouve, il ferait tout ce qu'il faudrait pour la rattraper.

      CHAPITRE CINQ

      Au milieu de ses jardins, la Reine Douairière Marie de la Maison de Flamberg leva une rose blanche jusqu'à son nez et en goûta le parfum délicat. Au cours des années, elle avait appris à bien masquer son impatience et, quand il s'agissait de son fils aîné, l'impatience était une émotion qui lui venait beaucoup trop facilement.

      “Quelle est cette rose ?” demanda-t-elle à un des jardiniers.

      “C'est une variété créée par une de nos jardinières liées par contrat synallagmatique”, dit l'homme. “Elle l'appelle l'Étoile Brillante.”

      “Félicitez-la pour son travail et informez-la que, dorénavant, on l'appellera l'Étoile de la Douairière”, dit la Reine. C'était en même temps un compliment et une façon de lui rappeler que ceux qui possédaient la dette des travailleuses liées par contrat synallagmatique pouvaient faire ce qu'ils voulaient des créations de ces dernières. C'était un genre de décision ambiguë dont la Douairière appréciait l'efficacité.

      Elle avait également appris à bien prendre ce genre de décision. Après les guerres civiles, peu à peu, elle aurait pu reperdre son pouvoir avec beaucoup trop de facilité. En fait, elle avait trouvé un équilibre entre l'Assemblée des Nobles et l'église de la Déesse Masquée, entre les masses crasseuses et les marchands. Elle l'avait fait intelligemment, implacablement et patiemment.

      Cela dit, même la patience avait ses limites.

      “Avant de le faire”, dit la Douairière, “ayez l'amabilité d'extraire mon fils du dernier bordel où il s'est fourré et de lui rappeler que sa reine l'attend.”

      La Douairière se tenait près d'un cadran solaire et regardait progresser l'ombre en attendant le bon à rien qui était aussi l'héritier du royaume. L'ombre avait progressé de toute la largeur d'un doigt quand elle entendit approcher Rupert.

      “Je dois devenir sénile avec le temps”, dit la Douairière, “parce que, visiblement, j'oublie des choses. Par exemple, il me semblait bien t'avoir convoqué il y a une demi-heure.”

      “Bonjour à vous aussi, Mère”, dit Rupert sans la moindre humilité.

      Cela aurait été plus facile à accepter s'il y avait donné l'impression de passer son temps à faire quelque chose d'utile. En fait, son air débraillé indiquait à la Douairière qu'elle avait bien deviné