me provoquait afin de me séduire.
Son touche léger et délicat avait quelque chose d’intime et detendre, mais je ne me laissai pas émoustiller.
J’allais me retirer lorsque sa main droite s’empara de lamienne.
Son tremblement cessa instantanément.
Je la fixai.
De son côté elle m’examinait. Son expression était perturbéemais ses yeux me regardaient fixement comme si elle espérait ytrouver une réponse.
“Et maintenant, te souviens-tu de moi ?”, demandai-je.
De nouveau confronté à son silence, je me détachai d’elle mais,à peine ma main abandonna la sienne, Kendra, effrayée, sursauta etse souleva brusquement pour la reprendre.
Un geste qui lui engendra une nouvelle douleur à lapoitrine.
La douleur la fit hurler et cela l’empêcha de se pencherdavantage pour m’atteindre.
J’avais la tête qui palpitait sourdement et je ne comprenaisrien.
Mon cerveau était vide de tout souvenir et ombre de raison, iln’était plus que douleur et confusion.
Cet homme devant moi m’effrayait mais, en même temps, il merassurait un peu. Était-ce dû au fait qu’il semblait me connaître ?Mais son regard et son attitude, sévères et implacables,résonnaient comme une sirène d’alarme pour moi.
Une partie de moi-même voulait s’enfuir tandis que l’autre mesuppliait de rester et de lui demander de l’aide.
Je ne savais pas quoi faire et, quand une nouvelle vague de peuret de douleur me submergea, ce ne fut qu’entre ses bras que jeperçus quelque chose de vaguement familier.
Peut-être était-ce le parfum de sa peau ? Une essence de bois,fraîche et chargée d’arômes. Intense et virile. Elle me rappelaitconfusément quelque chose… mais quoi ?
Et ce visage…
Je l’avais déjà vu, mais tout était si confus dans mon esprit,du moins jusqu’à ce que mon regard fût attiré par le sien.
Je percevais quelque chose dans ces yeux d’un noir d’ébène. À lafois quelque chose de sauvage et de maîtrisé. Puissant etmagnétique mais également élégant, à l’image des habits qu’ilportait.
Tout de suite, j’avais ressenti une certaine timidité face à ceregard qui me fixait, comme si j’avais l’habitude de reculer pouréviter de déchaîner son côté agressif, qui semblait prêt à jaillirhors de lui pour détruire quiconque se fût trouvé dans lesparages.
Cette voix enfin… Oui, je la connaissais. J’en étais sûre.C’était cette voix qui m’avait tant déconcertée parce que j’étaissûre de l’avoir déjà entendue ; mais c’était ce ton grave, rude etavec un accent étranger, qui m’avait rendue nerveuse.
Même ses paroles m’avaient effrayée.
J’avais recherché leur signification, la raison pour laquelle ilétait autant en colère contre moi, mais je ne l’avais pastrouvée.
Cette pensée m’avait fait perdre mon calme et j’étais prête àfuir ce danger que je sentais planer au-dessus de moi, telle uneépée de Damoclès.
J’étais terrorisée et toujours plus affaiblie, tant et si bienque mes jambes ne me portaient plus, mais, prise de vertige,j’avais pu reprendre mon souffle entre ses bras, rassurée parl’odeur de sa peau.
Toutefois, il m’avait laissée et, tandis que mes mainsparcouraient ses bras jusqu’à la pointe de ses doigts, je sentis àl’improviste la panique me submerger et m’étouffer.
Quand je vis sa main se séparer de la mienne, je fus envahied’une peur inexplicable.
Je me voyais de l’extérieur, comme une spectatrice, pendant quemon corps tendait vers ce qui semblait être la seule issue avant detomber définitivement dans le néant.
Je bondis en avant quand, à l’improviste, une douleur à lapoitrine, un peu en dessous de l’épaule gauche, me transperça commesi on me poignardait.
Cela ne dura qu’un bref moment et, l’instant d’après, le monderéel s’obscurcit autour de moi.
Je me sentis déconnectée de la réalité, comme si j’avais étéparachutée dans un autre univers.
J’étais au sommet d’un grand escalier, ample et élégant.
La main de cet homme était devant moi.
Elle était tendue vers moi et je pouvais sentir mon corps tendrevers elle, mais la douleur dans ma poitrine revint encore plusforte qu’auparavant.
J’eus la respiration bloquée dans la gorge pendant que mon corpstombait en arrière, basculant dans le vide.
En vain je m’efforçai de contraster cette force invisible quim’entraînait dans le gouffre, sans y parvenir.
Devant moi il n’y avait que cet homme penché en avant pour merattraper.
Je vis sa main tendue vers moi mais je ne pus l’effleurer qu’unefraction de seconde.
Je levai brièvement les yeux avant de tomber.
Mon regard croisa celui de cet homme.
J’y perçus une ombre de peur et d’incrédulité.
Je murmurai : “Aleksej”, à la recherche désespérée d’aide, alorsque sa main s’éloignait de plus en plus et la douleur grandissaitjusqu’à devenir intolérable.
Puis tout disparut dans le néant.
Une obscurité seulement déchirée par mes hurlements mêlés à ceuxde cet homme qui appelait un médecin.
Mon cœur battait à tout rompre et, le corps secoué de peur, jerouvris les yeux pour m’apercevoir que je pleurais.
J’étais totalement recroquevillée sur moi-même, telle unefeuille morte avant qu’elle finisse à la poubelle.
Je clignai les yeux pour me libérer des larmes et je la visenfin : la main de cet homme était entre les miennes.
Je la serrais fort au point de lui enfoncer les ongles dans lapeau.
Cette image fut comme un doux réveil pour moi.
“J’y suis parvenue… Je t’ai attrapé…”, balbutiai-je, secouéeà la fois de pleurs de soulagement et de ce qui paraissait être unehallucination étant donné que j’étais revenue dans la chambreblanche où je m’étais réveillée.
“Que dis-tu ?’, me demanda-t-il confus, la respirationsaccadée.
“Je… J’allais tomber. Aleksej…”, m’efforçai-je d’expliquer,sans toutefois parvenir à l’exprimer. J’étais anéantie au point dene plus être capable de construire une phrase structurée.
“Tu te rappelles de moi maintenant”, siffla-t-il avec une nuancede sarcasme dans la voix qui me perturba.
Aleksej.
Oui, je me souvenais de lui, même s’il ne s’agissait que d’unnom et d’un corps physique sans aucune identité pour le moment.
Une petite lueur d’espoir et les souvenirs d’un passé lointainet encore confus.
J’ébauchai un sourire de soulagement.
A ce moment-là, le médecin arriva, accompagné de deuxinfirmières.
Aussitôt j’entendis l’homme se fâcher et crier quelque chose. Ilme fallut du temps pour comprendre qu’il s’exprimait dans une autrelangue.
Une langue que, petit à petit, je me rappelais avoir connue.
Ils parlaient de choc post-traumatique, d’hémorragie cérébraleen cours de résorption, d’anxiolytiques, tandis que l’homme à moncôté était furieux de n’avoir pas été informé de ce qui venaitd’arriver : il hurlait