sa fille dans cet état.
– Je ne sais pas, répondit-elle en feignant l’indifférence pendant que sa mère courait se faire un café avant de filer au travail. Elle commença à raconter :
– Je me suis réveillée comme d’habitude, je me suis étirée, me suis frotté les yeux et puis j’ai touché mes cheveux. Et je me suis retrouvée avec une montagne de crème fouettée sur les mains, que j’ai étalée partout. Je me débattais avec la crème quand j’ai levé le bras et que j’ai trouvé ce faux rat attaché à mon poignet. Ce qui m’a fait bondir du lit tellement vite que je me suis froissée un muscle dans le dos.
Mais sa mère ne semblait même pas l’écouter. Elle buvait son café rapidement en écrivant un email sur son smartphone. J’avais envie de lui prendre le téléphone et de le jeter dans la piscine ! C’était si compliqué d’écouter sa fille cinq secondes ?
– Et puis ? j’insistai, vu qu’Alice s’était arrêtée en voyant sa mère la saluer et partir sans même commenter ce qu’elle avait entendu.
– Et puis j’ai remarqué que quelqu’un avait voulu me faire croire que je m’étais fait pipi dessus de peur, mais ce n’est pas vrai. J’allais courir te chercher quand j’ai vu le plateau d’Oreo, mes biscuits préférés, sur la commode avec un petit mot : “Maintenant nous sommes à égalité. Bonne journée, Easton”. Stupide comme je suis, je t’ai cru et j’ai mangé un biscuit, pour découvrir que tu avais remplacé la crème à la vanille avec quelque chose de dégoûtant.
– Dans certains, j’ai mis de la mayonnaise. Dans d’autres du dentifrice à la menthe je lui expliquai, fier de mon génie.
– Inutile de dire que j’ai couru à la salle de bain me rincer la bouche et me laver les dents mais…
Et ce moment-là, on explosa tous de rire.
– … mais quelqu’un a sûrement passé ma brosse à dents dans du piment ou un truc du même genre parce que j’ai la bouche en feu. J’ai encore les larmes aux yeux de douleur et mes lèvres me font un mal de chien ! conclut-elle. J’allais me laver avant de descendre mais les parois de la douche étaient recouvertes de ce que je pense être du colorant alimentaire rouge, sans parler de la vieille marionnette étendue dans le fond comme si on venait de l’assassiner. Je ne peux même pas imaginer ce que la femme de ménage va penser de moi quand elle ira nettoyer ma chambre.
– On a fait un beau travail d’équipe, s’exclama Ryo enthousiasmé par le résultat.
– Ant a eu l’idée de la crème, Logan celle du rat, Ryo celle du piment. Le reste, c’est mon œuvre, j’expliquai à Alice triomphant. Elle vint vers moi et me frappa au bras. J’en renversai presque mon café.
– Ça, c’est pour avoir détruit mon histoire d’amour avec les Oreo, dit-elle furieuse. Elle me prit le visage et m’embrassa légèrement sur les lèvres. J’étais tellement abasourdi par son geste que je ne bougeai pas.
L’instant d’après je sentis ma bouche piquer et s’enflammer. Alice avait encore du piment sur la bouche !
– Merde ! je grognai douloureusement.
– Ça t’apprendra ! Donnez-moi de la glace ! J’ai hyper mal aux lèvres ! nous supplia-t-elle les larmes aux yeux.
– Oui, de la glace. Tout de suite ! j’ordonnai furieusement, en me nettoyant la bouche.
Logan courut au congélateur prendre deux sachets de surgelés. Alice et moi pouvions enfin nous soulager un peu.
***
ALICE
Après ce réveil de cauchemar, j’allai me laver.
Entretemps, les amis d’Easton étaient partis et il nageait seul.
Je le rejoignis.
– C’est incroyable, chaque fois que je te vois, tu es dans la piscine je lançai.
– C’est le seul endroit où mon père ne viendra jamais. C’est ma zone de sécurité, où je suis tranquille.
– Il a peur de l’eau ?
– Oui.
– Alors pourquoi il a fait installer deux piscines ? Celle-ci et la petite avec l’hydromassage.
– Parce que la société l’exige. Mon père est plus attaché aux conventions sociales qu’à son propre bien-être.
– J’ai remarqué qu’entre ton père et toi non plus tout n’est pas rose.
– Il n’y a rien du tout entre lui et moi. On s’évite. Tu n’as pas remarqué qu’il n’était jamais là ces trois derniers jours ?
– Même chose pour ma mère. Je pensais qu’elle voulait rester avec moi. C’est elle qui m’a demandé de venir en Oregon trois jours avant le début des cours pour être un peu ensemble et rencontrer son compagnon. Et en fait, elle me traite comme un effet collatéral à cacher ou à éviter.
– Tu as ton père au moins.
– Oui. Et toi ? Ta mère ?
– Elle est morte, je ne veux pas en parler.
– Désolée. Je ne savais pas.
– J’étais petit. Je ne me souviens presque pas d’elle.
– Mais tu as un frère. Moi, je suis fille unique et j’aurais aimé avoir une sœur.
– Je te le donne si tu veux. Je ne le supporte pas. Il a quatre ans de plus que nous mais c’est un idiot qui joue à l’adulte responsable. En réalité, il est parti pour Stanford à la première occasion et je ne crois pas qu’il reviendra en Oregon.
– Peut-être qu’il souffre lui aussi.
– Je ne sais pas ce que souffrir veut dire. Il coupa court et m’envoya un regard glacial qui me fit frissonner. Quelque chose en Easton arrivait toujours à me troubler. Comme le souvenir de la veille au soir.
Je n’arrivais pas encore à croire ce que j’avais fait.
En un instant j’avais enfreint au moins une dizaine de mes règles personnelles, notamment de ne jamais laisser un garçon qui ne m’aimait pas m’embrasser. Encore moins mettre mes jambes autour de sa taille et sentir son érection sous ses vêtements ou celle de ne pas pleurer ou me confesser auprès d’un semi-inconnu. Ou pire encore, auprès de quelqu’un qui me détestait et ne me supportait pas.
Rien qu’à y penser, je rougissais comme un coquelicot. Heureusement, Easton était trop occupé à nager pour s’en rendre compte.
J’étais fascinée par ses mouvements, par ses brasses et sa respirations parfaitement coordonnées.
Il était beau à couper le souffle et possédait ce charme dangereux et insondable qui lui donnait une aura séduisante de mystère et aurait tourné la tête de n’importe quelle fille.
Un pouvoir qui fonctionnait aussi sur moi, comme je m’en rendis compte avec déception.
J’avais été stupide de me jeter dans l’eau chaude du jacuzzi avec lui.
Je continuais à me répéter que ce n’était qu’un moment de crise, de faiblesse, qui m’avait déstabilisée et fait perdre le contact avec la réalité. Au point de prendre goût à ses baisers et à ses mains sur mon corps. Mais plus j’y repensais, et plus je sentais sa bouche sur ma peau. Personne ne m’avait jamais touchée de façon aussi impudique, sans ce que j’appelais