des bureaux du sous-sol pour remonter vers le premier étage qui était lui aéré et spacieux.
– Dans quel domaine déjà ?
– J’ai fait un double master, chimie et histoire du monde, lui rappela-t-elle.
Non pas que ce soit important, il aurait sûrement oublié dans quelques minutes. Matt avait l’art de faire croire qu’il s’intéressait à tout le monde. Mais en réalité, sa principale préoccupation était sa chevelure brun cuivré et comment la coiffer pour être le plus séduisant.
Lex coinça consciencieusement ses longs cheveux bruns derrière ses oreilles, sentant les pointes caresser son cou. Elle ne savait pas pourquoi ça lui importait. En dehors bien sûr du fait que Matt soit une sorte de superstar au bureau. Pour sa part, elle faisait plus ou moins partie des meubles.
Tout le monde les attendait dans la salle de réunion vitrée, assis autour d’une table ovale, leurs cahiers de notes et stylos posés devant eux. Lex réalisa d’emblée qu’elle avait laissé ses propres affaires sur son bureau. Une autre grossière erreur. Impossible de retourner les chercher maintenant, elle avait déjà tellement retardé la réunion.
– Je l’ai trouvée, annonça victorieusement Matt.
Il passa les portes aux poignées métalliques, les bras levés comme pour recueillir les applaudissements. Ses collègues jouèrent le jeu et il y eut un murmure d’appréciation autour de la table.
– Je suis vraiment désolée, balbutia Lex en se dépêchant de rejoindre sa place. Les épreuves viennent d’arriver, je me suis laissé distraire et…
– Bien, bien, dit Bryce Kowlowski, l’associé principal.
C’était le chef des acquisitions, le patron direct de Lex et il n’avait pas l’air content. Mauvais signe, surtout qu’il avait le pouvoir de décider combien de nouveaux auteurs elle pouvait recruter chaque année. Et elle avait déjà un tout petit budget.
– Asseyez-vous Alexis. Bien. Les rapports mensuels, s’il vous plaît.
– Je commence, dit Matt en souriant.
Il ouvrit son calepin depuis son siège à la droite de Bryce.
– Le lancement du cinquième tome de L'école des sorcières pour filles rebelles se porte très bien. Nous sommes restés numéro un du New York Times et au sommet des ventes chez Barnes & Noble deux semaines d’affilée. Les quatre premiers tomes sont aussi dans la liste. Les négociations avec Warner Brothers sont presque finalisées pour une franchise de sept films.
– Merveilleux, dit Bryce en laissant tomber son stylo sur la table pour l’applaudir. Très bonne nouvelle, Matt. Bon travail.
Autour du reste de la table, Lex et les autres applaudirent docilement. Elle était encore sonnée, ébranlée à l’idée de devoir faire tout son rapport de tête. Non pas qu’il y ait grand-chose à rapporter… Ce qui ne la réconfortait pas.
– Et de votre côté Karen ? demanda Bryce en s’adressant à l’éditrice assise à la droite de Matt.
C’était une belle femme aux traits fins qui avait toujours rappelé à Lex les sorcières du film Hocus Pocus. Prêtes à sacrifier autant d’enfants qu’il serait nécessaire pour lancer leur sortilège de beauté. La seule différence entre elle et ces sorcières était son accent de Boston qui était des plus prononcés.
Ce n’était sûrement pas une coïncidence si Karen était spécialisée dans les biographies et les mémoires. Elle s’occupait généralement des clients célèbres. Autrefois, Lex pensait qu’elle adorait tous les genres littéraires. Mais c’était avant qu’elle n’essaie de lire l’un des livres que Karen avait acquis pour l’entreprise.
– Juste un Trudeau vient de dépasser la barre des cent mille copies, rapporta Karen de sa voix nasillarde.
Elle s’arrêta pour recevoir les félicitations, mais Bryce ne fit que hocher la tête pour l’encourager à poursuivre.
– Les droits pour Entre Dwayne Johnson et Le Rock viennent d’être achetés en vue d’un biopic. Nous constatons un nombre impressionnant de précommandes pour Kevin Hart : Histoires et Nouvelles, qui devrait logiquement se retrouver en haut de tous les classements pour les sorties de la semaine prochaine.
– C’est génial Karen, félicitations, s’exclama Bryce en levant les mains pour une nouvelle tournée d’applaudissements. Deux best-sellers à la suite, bien joué toute l’équipe. Cela va réaffirmer notre position de leader dans la publication de biographies des célébrités. Nous sommes bien partis pour dépasser les éditions Tout Ce Qui Conte.
Des murmures de félicitations s’élevèrent autour de la table mais Lex ne pouvait se résoudre à y participer. C’était tellement superficiel. Elle avait assisté à des réunions où les manuscrits de célébrités avaient été acceptés ou refusés uniquement en fonction du nombre d’abonnés Instagram de leurs auteurs. Il n’y avait aucune intégrité, aucune passion.
Lex se concentra sur la vue de Boston qu’elle apercevait par la fenêtre derrière Bryce et se perdit dans ses pensées tandis que celui-ci continuait son tour de table. Le temps était dégagé et la ville était comme toujours époustouflante. Même si elle avait eu le temps de s’y habituer depuis qu’elle travaillait ici. C’était chez elle, mais la vue ne l’aidait pas à déstresser. Elle essayait désespérément de se souvenir des chiffres qu’elle devait rapporter tout en se maudissant d’avoir oublié son calepin qui contenait précisément tous ses résultats. Elle savait que ça ne changerait pas grand-chose. Les chiffres n’étaient pas élevés comparés à ceux des célébrités.
Pourtant, les autobiographies en elles-mêmes n’étaient ni bonnes, ni véridiques. Elles étaient pleines de rumeurs, de on-dit et d’histoires inventées pour améliorer l’image des célébrités. Tout ce qu’ils avaient à faire, c’était de citer « M. X » ou de prétendre qu’ils changeaient les noms pour des raisons de sécurité et ils pouvaient raconter ce qu’ils voulaient en toute impunité.
– Mademoiselle Blair ? dit Bryce.
Lex sursauta, tirée de sa rêverie. Elle fit tomber le stylo qu’elle tenait sur la table et vit en regardant ses mains que la pointe avait créé une tache noire sur son doigt.
– Et vous ?
Lex bougea inconfortablement sur sa chaise, essayant de cacher son pouce dans la paume de sa main. Elle ne voulait pas que Matt et Karen remarquent sa maladresse et se moque à nouveau d’elle.
– Économie des Colons : Comment Vivaient les Nouvelles Colonies fait partie des favoris pour le Prix Wolfson, et le National Book Award dans la catégorie Documentaires, dit-elle en espérant que Bryce ne lui réclame pas de chiffres. La rumeur d’un Pulitzer d’Histoire court pour Registres postaux et tendances migratoires. Nous n’en serons certains que lors de l’annonce évidemment.
– Et le nombre de ventes ? demanda Bryce dans l’expectative, son crayon planant au-dessus de son calepin.
Lex déglutit.
– Moins de cinq mille, admit-elle.
– Pour lequel ? Économie ou Registres ?
– Pour tout, dit Lex.
Elle sentit plus qu’elle n’entendit les souffles coupés dans la pièce. C’était son plus mauvais mois. La grande majorité de ses ventes avaient été pour des bibliothèques et des écoles.
Le regard de Bryce s’attarda sur elle un moment avant qu’il ne secoue la tête et se détourne pour prendre des notes. Elle savait que ce n’était pas assez. Malheureusement, il n’y avait pas beaucoup de demandes pour les spécialités de sciences et textes historiques. Ces livres étaient importants, tellement importants qu’elle aurait voulu monter sur la table et le crier jusqu’à ce que les autres éditeurs s’en rendent compte. Mais il n’y avait qu’une minorité