Rolf Nagel

La fin de la mafia mondiale


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d'une éducation et d'une prestance pareilles.

      Il devait donc s'agir d'une dame de la haute société. Ils continuèrent à bavarder un certain temps sur la ville et sur ses attractions touristiques lorsque tout d'un coup il entendit : « Karl, je serais très heureuse que vous soyez mon hôte ce soir pour le dîner et que vous me teniez compagnie. Peut-être pourriez-vous me parler plus longuement de la ville ? Si vous me permettez la question. »

      Sous le charme, et totalement pris au dépourvu par cette proposition, Karl répondit simplement : « Oui, volontiers ! » Ce n'est qu'après avoir prononcé ces mots qu'il s'étonna lui-même et constata qu'il avait, contre toute attente, accepté un rendez-vous. Un bruit fracassant retentit soudain et Karl se retourna, alarmé. Tout aussi choquée, sa voisine regarda derrière elle.

      On vit aussitôt que deux voitures étaient entrées en collision. Le visage de Marian était maintenant encore plus pâle qu'auparavant. Le bruit fracassant du choc ne s'apparentait pas clairement au bruit d'un accident. Cela ressemblait bien plus à l'explosion d'une bombe. La peur qui en découla était disproportionnée. Il n'était rien arrivé aux occupants des véhicules, ceux-ci étaient sortis sains et saufs de leur voiture et débattaient haut et fort pour savoir qui pouvait bien être le coupable. Pourtant, la frayeur de Marian était telle qu'elle commença à trépigner.

      Marian se tourna vers Karl et dit : « Bien, si vous le permettez, ma voiture viendra vous chercher à huit heures ? Cela vous convient-il, Karl ? » Ses yeux interrogateurs ne lâchaient pas son regard.

      Il répondit de nouveau comme un automate : « Oui ! Oui, bien sûr, volontiers ! »

      En se disant que cela ne lui ressemblait vraiment pas de bégayer, il sortit une carte de visite privée de sa veste et la lui tendit sans un mot. « Je me réjouis Karl, nous nous verrons donc pour le dîner. Je dois malheureusement partir maintenant. » Elle se leva et se dirigea vers le parking. Ce tour de force était apparemment tout aussi épuisant pour la novice Marian. Elle était vraiment contente d'avoir si bien mené son affaire. De loin, Karl la vit monter dans une limousine blanche pendant qu'un homme lui tenait la portière arrière. Il monta alors lui-même à la place du conducteur et fit tranquillement démarrer la voiture.

      Le corps de Karl fut parcouru d'une puissante secousse. Que s'était-il passé ? Il venait d'être arraché à sa vie monotone en quelques phrases. En l'espace de quelques minutes seulement, sa soirée était prise sans même qu'il ait eu une seule chance de protester. Il était comme en état de transe. De toute sa vie, il n'avait jamais rien vécu de tel.

      Devait-il s'en réjouir ? Ou s'en inquiéter ? Sans qu'il n'ait rien fait, quelqu'un s'immisçait dans sa vie. De la gente féminine en plus de ça, et il n'avait même pas eu l'ombre d'une chance d'user de son instinct de chasseur. Toutefois, un peu flatté, il s'abandonna à son sort. De toute évidence, cela devait être imputé à son manque d'expérience avec le sexe opposé. Quelles conséquences cela allait-il avoir sur sa vie future ? À vrai dire, tout cela était simplement effrayant. Mais son rendez-vous, il ne l'aurait pour rien au monde laissé tomber.

      Il fallait qu'il se concentre et mette au point un plan de bataille. Il consulta donc sa nouvelle montre de luxe et remarqua qu'il ne lui restait plus que deux heures. Oui, c'était bien trop court pour élaborer un plan colossal avec les parades appropriées. Il ne pouvait pas, non plus, appeler les rares amis qu'il avait. De toute façon, ils n'auraient certainement pas cru à son histoire, même s'il passait pour être totalement digne de foi. Il se dépêcha finalement de rejoindre son appartement.

      Au premier étage, il déverrouilla sa porte et entra prestement. Une fois la porte refermée sur lui, il se retrouva dans son environnement familier et se sentit de nouveau à l'abri et en sécurité. La sécurité, c'était sa devise personnelle. Mais dans quelle aventure imprévisible se trouvait-il tout à coup ?

      Se doucher et se raser, coiffer ses cheveux et choisir à la hâte la chemise, la cravate et le costume assortis pour l'occasion. Pur stress !

      Le téléphone se mit à sonner et il sortit de la salle de bains pour courir au téléphone. « Mère, je suis vraiment désolé, je n'ai pas le temps. Non, mère, tout va bien ! Mais oui, je te l'assure. Oui, vraiment. J'ai seulement rendez-vous avec une femme. Comment ? Non, non, je ne me marie pas. Mais d'où te vient cette idée ? Bien sûr, je te la présenterai dans ce cas ! Je te raconterai demain. À bientôt alors. »

      Mon dieu, sa chère mère pensait déjà au mariage. Mais il n'avait vraiment pas le temps de s'en préoccuper maintenant.

      Il se dit à lui-même : « Vite ! Le temps presse ! » Mais que pouvait bien arriver à faire un homme en une heure ? Ah ! les chaussettes, mais où sont-elles ? Oui, bien sûr, dans la commode ! Une ? Mais elles sont toujours par deux ! Un foulard assorti au costume, les deux assortis à la cravate. La chaussette ! Où est cette foutue chaussette ? Une noire et une grise. Ça, ça ne se faisait pas chez lui. Tout était toujours en ordre. Chaque chose avait sa place. Mais que se passait-il ? Ce jour-là, tout devenait désordre. L'appartement semblait être l'incarnation même du chaos. Les chaussures ! Oui, là ! Magnifique. Maintenant, les enfiler. Bien sûr les deux mêmes, une paire donc. Oui, une paire, c'est mieux. Halte ! Les chaussettes d'abord. Mais c'était toujours les mêmes chaussettes dépareillées. Seul un cognac pouvait aider. Il se rappela à l'ordre. « Mais enfin Karl, un cognac au milieu de l'après-midi ? Non, ce n'est pas possible, ce n'est vraiment pas possible ! » La bouteille retourna à sa place.

      Karl pensa : « Je ne vais jamais y arriver de cette façon. Il faut simplement que je m'en tienne à un plan – comme d'habitude. Les sous-vêtements, puis les chaussettes et la chemise et pour finir, nouer la cravate. »

      Encore trente minutes. Une entreprise apparemment irréalisable en si peu de temps. Mais soudain, la deuxième chaussette, de la même couleur en plus, comme il se doit, deux chaussures allant ensemble, une paire. Magnifique !

      À vrai dire, Karl était prêt pour les Jeux Olympiques. Bon allez, au miroir. La cravate s'enroula impeccablement autour de son cou dans le col prévu à cet effet. Parfait ! On continue ! Le pantalon ! L'homme a aussi besoin d'une ceinture pour son pantalon. La veste. Terminé !

      Du jamais vu, le tout en un temps record de cinquante minutes. Une voix intérieure lui rappela les fleurs juste à temps. Comment ? Ça encore ? Oui, les fleurs. Mais d'abord, mettre les boutons de manchettes. Et où prendre les fleurs ? On attendait des fleurs d'un gentleman, du moins lors de la première rencontre.

      Il l'avait déjà compris, toute sa vie sera désormais sous le signe du chaos. Il n'empêche que le lendemain, comme d'habitude, il devait accomplir son travail à la banque. Le mieux serait qu'il se rende demain chez un médecin et qu'il présente un certificat médical. Désemparé comme il l'était, il n'était vraiment pas capable de faire un travail impeccable. Jusqu'à ce jour, il n'avait jamais manqué une seule heure de travail de toute sa carrière.

      Il lui restait encore un quart d'heure. Son univers allait bientôt s'écrouler. Il se dit que seul un raz-de-marée pourrait le sauver. Mais apparemment, il ne pourrait plus avoir lieu avant 20 heures en Allemagne. Cela ne servait plus à rien de se lamenter. Il descendit les escaliers en courant. Un fleuriste, sauvé ! Il lui sembla qu'une multitude de gens se ruait sur les rares fleurs qui restaient dans le magasin. Il n'avait jamais rien vu de tel. Toutefois, il réalisa qu'il n'avait pas dû rentrer une seule fois chez un fleuriste ces vingt dernières années. Il offrait toujours des chocolats à mère, ceux fourrés à la liqueur.

      Au bout d'un certain temps, c'était fait. La vendeuse lui composa le plus beau bouquet qu'il n'ait jamais vu. Le prix dépassait, à ses yeux, le total des dépenses pour la réunification allemande. Ah oui ! Payer, sa bourse était chez lui. Il n'avait jamais vu la vendeuse de sa vie, pourtant elle lui dit : « Ce n'est pas un problème. Passez payer demain, je vous connais. »

      Il retourna à toute allure à son appartement. Tout était comme il faut, plus rien ne pouvait mal tourner. Déjà, on sonnait à sa porte. Il fut d'un bond à la fenêtre. Dans la rue, il vit une limousine blanche, une Rolls-Royce. « C'est ma voiture ce soir ? Karl de la classe moyenne dans une Rolls-Royce