Peter Foerthmann

SOUS LA VOILE


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sa place parmi les dispositifs automatiques, de plus en plus nombreux. Sur les navires commerciaux et les bateaux de pêche, la grande majorité des équipements sur et sous le pont – des dispositifs de charge aux cabestans en passant par les écoutilles des cargos et les winchs destinés à remonter plus rapidement les filets – ont été rapidement dotés de moteurs électriques ou hydrauliques. Avant que les grands bateaux ne soient équipés d’un système complexe de générateurs électriques et d’une kyrielle d’instruments très gourmands en énergie, et tant que le moteur principal n’était pas en panne, il y avait de l’énergie à revendre à bord.

      Aujourd’hui, tous les navires commerciaux et bateaux de pêche du monde naviguent exclusivement sur pilote automatique – une donne qui devrait donner matière à réflexion aux plaisanciers. Même l’officier de quart le plus vigilant à bord d’un navire porte-conteneurs se déplaçant à une vitesse de 22 nœuds est incapable de faire virer son bâtiment instantanément de bord. Un cargo est plus vite là qu’on ne le pense, surtout à bord d’un yacht à voile où la hauteur des yeux est virtuellement nulle. Les collisions entre voiliers et cargos, telles qu’immortalisées par le dessinateur de bandes dessinées Mike Peyton, sont le cauchemar de tout navigateur. Les magazines de voile font régulièrement état de mésaventures de ce genre, les unes plus terrifiantes que les autres, au terme desquelles, dans la plupart des cas, le bateau rejoint les poissons au fond de la mer. Parfois l’équipage est sauvé et l’histoire se termine bien. Mais il y a aussi celle de ce navigateur solitaire dont le yacht a heurté un cotre de pêche pendant qu’il dormait. Une histoire tout aussi hallucinante qu’exceptionnelle qui a défrayé la chronique et s’est terminée devant les tribunaux.

      À la lumière de ces histoires, on serait tenté de taxer la voile en solitaire de sport extrêmement dangereux – tout skipper étant tôt ou tard obligé de dormir. Or, on oublie trop souvent que la nuit, les navires commerciaux qui sillonnent les océans sont souvent laissés à la vigilance d’un seul homme... Et que si cet homme s’assoupit ou s’endort, le résultat est le même : le navire se transforme en un bateau fantôme constituant un énorme danger pour le navigateur qui a le malheur de croiser sa route juste à ce moment-là.

      L’époque du barreur en chair et en os est pratiquement révolue. Le pilote automatique, non seulement infatigable, mais aussi plus fiable et performant, rend le barreur quasiment superflu. Même dans les fjords les plus étroits de la côte suédoise, les grands ferries de la compagnie Stena Line se faufilent sans encombre, à plein régime, entre les rochers et bancs de sable en se fiant entièrement à leur pilote automatique et aux signaux de leur système de navigation Decca. Dans de telles conditions, l’homme n’a plus qu’un rôle de supervision – un rôle qu’il ne peut, bien entendu, exercer que lorsqu’il a les yeux ouverts !

      

À la barre du Sedov, un quatre-mâts russe à gréement carré

      1. Historique

      Traverser l’océan à la voile en solitaire est au départ l’affaire quelques rares pionniers téméraires et musclés. Le premier à réussir cet exploit est Joshua Slocum, à bord de son légendaire Spray. On raconte que pour maintenir un cap relativement stable, Slocum utilisait un ingénieux système d’écoutes ou qu’il immobilisait sa barre à roue avec une corde. Pour maintenir le cap, il sacrifiait délibérément une partie de la puissance de navigation au profit d’une plus grande voilure. C’est vrai que le Spray était déjà naturellement enclin à bien tenir le cap en raison de sa quille qui était presque aussi longue que sa ligne de flottaison.

      En 1919, Hambley Tregoning envoie une lettre au Yachting Monthly dans laquelle il explique comment monter une girouette sur la barre franche d’un voilier. Suite à la publication de cette lettre, les propriétaires de modèles réduits s’empressent d’équiper leurs bateaux miniatures d’un tel dispositif : les résultats sont surprenants, même avec la jonction mécanique la plus élémentaire. Ce système ne sera pourtant jamais appliqué, pour la bonne raison que les forces générées par une girouette sans plus ne suffisent pas à agir sur la barre franche d’un bateau de taille normale.

      Le premier régulateur d’allure

      Le premier régulateur d’allure sera installé, paradoxalement, sur un bateau à moteur. Pour sa spectaculaire traversée de 18 jours en solitaire de New York au Havre en 1936, le navigateur français Marin Marie monte en effet une girouette surdimensionnée reliée par des drosses au gouvernail de son yacht à moteur de 14 m/46 ft, l’Arielle. Ce régulateur d’allure est aujourd’hui exposé au Musée de la Marine à Port Louis.

      En 1955, le navigateur anglais Ian Major effectue à bord de son Buttercup la traversée en solitaire Europe-Antilles, utilisant pour ce faire une petite girouette qui actionne un flettner monté sur le safran principal. Telle est la solution utilisée le plus couramment à l’époque. La même année, le navigateur britannique Michael Henderson équipe son fameux Mick the Miller, un bateau de 17 ft, d’un système de son invention qu’il baptise Harriet, the third hand. Son objectif : centrer le safran principal et utiliser une girouette qui agit sur un safran auxiliaire, plus petit. Ce système fonctionne à merveille et est capable de s’acquitter de plus de la moitié des tâches du skipper. En 1957, Bernard Moitessier dote à son tour son Marie Thérèse II d’un flettner. En 1965, il équipe son Joshua du même système, mais simplifié en ce sens que la girouette est montée directement sur la mèche du flettner.

      La première édition de l’OSTAR (course à la voile en solitaire entre Plymouth (GB) et Newport (USA), dont le coup d’envoi est donné le 11 juin 1960) marque le début de l’ère des régulateurs d’allure. Sans eux, aucun des cinq participants (Frances Chichester, Blondie Hasler, David Lewis, Valentine Howells et Jean Lacombe) ne serait jamais arrivé à bon port.

      Le premier régulateur d’allure de Frances Chichester, baptisé Miranda, consiste en une girouette surdimensionnée (aérien de près de 4 m2/43 ft2 ) et un contrepoids de 12 kg/26,5 lb, et est relié à la barre franche par un système de drosses et de poulies. Vu le comportement anarchique de cette girouette géante, Chichester se voit cependant contraint de revoir à la baisse les dimensions de son aérien et de son gouvernail.

      Blondie Hasler est le premier à monter à bord de son Jester un safran pendulaire assisté à différentiel. David Lewis etValentine Howells utilisent tous deux un simple flettner actionné directement par une girouette. Jean Lacombe équipe son bateau d’un régulateur d’allure à flettner doté d’une transmission à rapport variable qu’il a développé avec Marcel Gianoli.

      Safran pendulaire assisté Hasler sur un S & S 30

      Le Britannique Hasler et le Français Gianoli joueront un rôle majeur dans le développement des régulateurs d’allure. Les principes qu’ils énoncent à l’époque font toujours autorité. Quant à leurs systèmes, nous en reparlerons plus loin dans cet ouvrage.

      La deuxième édition de l’OSTAR a lieu en 1964. Une fois de plus, tous les participants ont recours à des régulateurs d’allure, six d’entre eux optant pour le safran pendulaire assisté de Hasler qui, entre-temps, s’est mis à les produire en petites séries. Lors des Round Britain Races de 1966 et 1970, la plupart des bateaux sont équipés d’un régulateur d’allure, les autopilotes électriques étant toujours proscrits.

      L’OSTAR de 1972 connaît un tel succès que pour l’édition de 1976, les organisateurs seront obligés de limiter à 100 le nombre des participants. Les autopilotes électriques sont désormais autorisés, mais consomment trop que pour être alimentés par les moteurs ou générateurs présents à bord. De nombreux participants utilisent donc des régulateurs d’allure construits par des concepteurs professionnels : 12 Hasler, 10 Atoms, 6 Aries, 4 Gunning, 2 QME, 2 électriques, 2 systèmes à