Tolstoy Leo

La Pensée de l'Humanité


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comme celui qui tombe sans avoir trébuché. Si l'on trébuche et que l'on tombe, il n'y a rien à y faire, mais si l'on n'a pas trébuché, pourquoi tomber exprès? Si tu peux vivre chaste, sans pécher, il est préférable de ne pas te marier.

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      C'est une erreur de croire que la chasteté est contraire à la nature humaine. La chasteté est possible et donne bien plus de bonheur qu'un mariage, même heureux.

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      Les excès de nourriture sont funestes à une vie honnête; mais les excès sexuels le sont plus encore. C'est pourquoi moins l'homme s'adonne aux uns et aux autres, mieux cela vaut pour sa vie spirituelle. La différence entre les uns et les autres est toutefois très sensible. En renonçant entièrement à la nourriture, l'homme ne peut prolonger sa vie, alors qu'en renonçant au besoin sexuel, il ne supprime ni sa vie, ni la vie de son espèce qui ne dépend pas de lui seul.

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      «Celui qui n'est pas marié, s'occupe des choses du Seigneur pour plaire au Seigneur. Mais celui qui est marié s'occupe des choses du monde pour plaire à sa femme. Il y a cette différence entre la femme mariée et la vierge, que celle qui n'est pas mariée s'occupe des choses du Seigneur pour être sainte de corps et d'esprit, tandis que celle qui est mariée s'occupe des choses du monde pour plaire à son mari.

I COR., 7, 33.6

      Si les gens se marient avec la conviction qu'ils servent ainsi Dieu et les hommes en prolongeant l'espèce humaine, ils s'abusent. Au lieu de se marier pour augmenter le nombre des enfants, ils feraient bien mieux de concourir au sauvetage de millions de petits êtres qui périssent de misère et manquent de soins.

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      Bien que très peu d'hommes puissent atteindre à une chasteté absolue, chacun doit comprendre et se rappeler qu'il peut toujours être plus chaste qu'il ne l'a été, et que plus l'homme se rapproche de la chasteté absolue, plus il sera heureux lui-même et pourra concourir au bonheur des autres.

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      On dit que si tous étaient chastes, le genre humain s'éteindrait. Or, suivant l'Eglise, la fin du monde doit arriver; de même suivant la science, la vie humaine et notre planète même doivent avoir une fin.

      Pourquoi dès lors nous révolter à l'idée qu'une vie morale amènerait également le genre humain à sa fin?

      En réalité, l'extinction ou la prolongation du genre humain ne doit pas nous préoccuper. Chacun de nous ne doit avoir qu'un souci: vivre honnêtement, ce qui, pour le désir sexuel, veut dire s'efforcer d'être aussi chaste que possible.

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      Un savant a calculé que si l'humanité continue à se doubler tous les 50 ans, suivant la progression actuelle, dans 7.000 ans un couple aura produit tant d'hommes qu'en les entassant l'un contre l'autre sur toute l'étendue du globe, une 27e partie seulement de tous les hommes pourrait s'y placer.

      Pour éviter cette alternative, il n'y a qu'un moyen, celui indiqué par tous les sages de la terre et qui s'accorde avec les aspirations de l'âme humaine: la chasteté; il faut tendre à la plus grande chasteté réalisable.

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      «Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens (dit le Christ en citant les paroles de la loi de Moïse): tu ne commettras point d'adultère. Mais moi, je vous dis, que quiconque regarde une femme pour la convoiter, a déjà commis un adultère avec elle clans son cœur.» (MATTH., V, 27-28).

      Ces paroles ne peuvent signifier autre chose que la possibilité pour l'homme d'aspirer à la chasteté absolue.

      «Comment la réaliser? objectera-t-on. Si les hommes deviennent entièrement chastes, le genre humain disparaîtra.» Mais en parlant ainsi, on oublie qu'indiquer la perfection à laquelle l'homme doit tendre, ce n'est point exiger la perfection absolue. Il n'est pas donné à l'homme d'atteindre la perfection en aucune chose. La destinée de l'homme est dans la marche vers la perfection.

II. —Le péché de luxure1

      Un homme non dépravé éprouve toujours du dégoût et de la honte à parler des rapports sexuels et à y penser. Garde ce sentiment. Ce n'est pas sans raison que ce sentiment est propre à l'homme. Il l'aide à se contenir de l'impudicité et à rester chaste.

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      On désigne par le même mot l'amour spirituel, – pour Dieu et son prochain, – et l'amour charnel de l'homme pour la femme et de la femme pour l'homme.

      C'est une grande erreur. Il n'y a rien de commun entre ces sentiments. Le premier, – l'amour spirituel pour Dieu et son prochain – est la voix de Dieu; le second – l'amour entre homme et femme – est la voix de la bête.

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      La loi de Dieu consiste à aimer Dieu et son prochain, c'est-à-dire, tous les hommes sans distinction. Dans l'amour sexuel, l'homme aime une femme plus que tous et la femme n'aime qu'un seul homme. Il s'ensuit le plus souvent que l'amour sexuel empêche l'homme d'observer la loi divine.

III.– Malheurs provoqués par la licence sexuelle1

      Tant que tu n'as pas exterminé dans sa racine le désir sexuel que tu éprouves pour une femme, ton esprit sera lié aux choses de la terre, comme le veau-têtard est lié à sa mère.

      Les gens pris de désir s'agitent comme un lièvre pris dans un piège. Dès qu'ils sont pris dans les filets de la passion charnelle, ils restent longtemps sans pouvoir se débarrasser des souffrances.

Sagesse bouddhiste.2

      Le papillon de nuit vole vers la lumière parce qu'il ne sait pas qu'il se brûlera les ailes; le poisson avale l'amorce parce qu'il ne sait pas que cela le fera périr. Mais nous savons que le désir sexuel nous engluera, nous fera sûrement périr; malgré cela, nous nous y abandonnons.

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      De même que les feux follets des marécages conduisent les hommes aux fondrières, puis disparaissent; les plaisirs sexuels illusionnent l'homme.

      Il s'égare, empoisonne son existence et, lorsqu'il se dégrise, il n'aperçoit même plus le mirage auquel il avait sacrifié une partie de sa vie.

D'après SCHOPENHAUER.IV. —Altitude criminelle des conducteurs d'âmes dans la question sexuelle1

      Pour bien comprendre toute l'immoralité, tout esprit anti-chrétien de la vie des peuples chrétiens, il suffit de se rappeler que la situation des femmes qui vivent du vice est reconnue et réglementée dans tous les pays.

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      Les gens riches se sont fait une conviction partagée par la fausse science, suivant laquelle les rapports sexuels seraient indispensables; seulement, le mariage n'étant pas toujours possible, les rapports sexuels n'engageraient à rien, sauf à les payer, et seraient absolument naturels. Cette conviction est devenue tellement générale et inébranlable que les parents, sur les conseils d'un médecin, organisent la débauche pour leurs enfants, et les institutions dont le seul but est de s'occuper du bien-être des citoyens, autorisent l'existence d'une classe de femmes qui doivent périr moralement et physiquement, pour satisfaire à la dépravation de l'homme.

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      Parler de l'utilité ou de la nocivité des rapports sexuels, reviendrait à demander s'il est utile ou nuisible de boire le sangd'autrui.

V. —Lutte contre le péché sexuel1

      L'homme, comme l'animal, est obligé de lutter contre les autres êtres et se reproduire pour assurer l'existence de son espèce. Mais, créature douée de raison et d'amour, l'homme ne doit pas lutter contre les autres êtres et ne doit pas penser à se reproduire; il doit rester chaste. De la combinaison de ces deux aspirations contraires résulte la vie humaine telle qu'elle doit l'être.

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      La lutte contre le désir sexuel est la lutte la plus difficile, et il n'y a pas de situation ni d'âge, excepté l'enfance et la profonde vieillesse, où l'homme en est libéré. C'est pourquoi tout adulte, homme ou femme, doit surveiller l'ennemi qui n'attend qu'une occasion propice pour attaquer.

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      De même que nous devons prendre sur les animaux l'exemple de tempérance dans la nourriture: ne manger que lorsqu'on a faim et sans en abuser, nous devons les imiter dans