George Gordon Byron

Œuvres complètes de lord Byron, Tome 12


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Mais je désire donner à toutes les parties intéressées l'occasion de me contredire ou de me rectifier.

Note 46: (retour) Cette épithète fait allusion à l'expression irlandaise dont Moore s'était servi: To be in a wisp pour to be in a scrape. (Note du Tr.)

      »Je ne m'oppose point à ce que l'on montre cet écrit à qui de droit; – ceci, comme toute autre chose, a été écrit pour être lu, bien que beaucoup d'écrits ne parviennent pas à ce but. Par rapport à mon embarras, le pape a prononcé leur séparation. Le décret est arrivé hier de Babylone; – c'étaient elle et ses amis qui le demandaient, en raison de la conduite extraordinaire de son mari (le noble comte). Il s'y est opposé de tout son pouvoir, à cause de la pension alimentaire qui a été assignée, outre la restitution de tous les biens, meubles, voiture, etc., appartenant à la dame. En Italie on ne peut divorcer. Il a insisté pour qu'elle m'abandonnât, et promis de tout pardonner ensuite, même l'adultère, qu'il jure être en pouvoir de prouver par de notables témoins. Mais, dans ce pays, les cours de justice ont de telles preuves en horreur, les Italiens étant d'autant plus délicats en public que les Anglais, qu'ils sont plus passionnés en particulier.

      »Les amis et les parens, qui sont nombreux et puissans, lui répliquent: «Vous-même vous êtes un sot ou un gredin; – un sot si vous n'avez pas vu les conséquences du rapprochement de ces deux jeunes gens; – un gredin, si vous y avez prêté la main. Choisissez, – mais ne soulevez pas (après douze mois de la plus étroite intimité, sous vos yeux et avec votre sanction positive) un scandale qui ne peut que vous rendre ridicule en la rendant malheureuse.»

»Il a juré avoir cru que notre liaison était purement amicale, et que j'étais plus attaché à lui qu'à elle, jusqu'à ce qu'une triste démonstration eût prouvé le contraire. À cela on répond que l'auteur de cet embarras n'était pas un personnage inconnu, et que la clamosa fama47 n'avait pas proclamé la pureté de mes moeurs; – que le frère de la dame lui avait écrit de Rome, il y a un an, pour l'avertir que sa femme serait infailliblement égarée par ce feu follet, à moins que lui, légitime époux, ne prît des mesures convenables, lesquelles il avait négligé de prendre, etc., etc.

»Alors il dit qu'il a encouragé mon retour à Ravenne pour voir in quanti piedi di acqua siamo48, et qu'il en a trouvé assez pour se noyer.

Note 47: (retour) La criarde renommée.

Note 48: (retour) À combien de pieds d'eau nous sommes.

      Ce ne fut pas le tout; sa femme se plaignit.

      Procès. – La parenté se joint en excuses, et dit

      Que du docteur venait tout le mauvais ménage;

      Que cet homme était fou, que sa femme était sage.

      On fit casser le mariage.

      »Il n'y a qu'à laisser les femmes seules dans le conflit; car elles sont sûres de gagner le champ de bataille. La comtesse retourne chez son père, et je ne puis la voir qu'avec de grandes restrictions, telle est la coutume du pays. Les parens se sont bien comportés; – j'ai offert une donation, mais ils ont refusé de l'accepter, et juré qu'elle ne vivrait pas avec G*** (puisqu'il avait essayé de la convaincre d'infidélité), mais qu'il l'entretiendrait; et, dans le fait, un jugement a été rendu hier à cet effet. Je suis, sans doute, dans une situation assez mauvaise.

      »Je n'ai plus entendu parler des carabiniers qui ont pétitionné contre ma livrée. Ces soldats ne sont pas populaires, et l'autre nuit, dans une petite échauffourée, l'un d'eux a été tué, un autre blessé, et plusieurs mis en fuite par quelques jeunes Romagnols qui sont adroits et prodigues de coups de poignards. Les auteurs du méfait ne sont pas découverts, mais j'espère et crois qu'aucun de mes braves ne s'en est mêlé, quoiqu'ils soient un peu farouches et portent des armes cachées comme la plupart des habitans. C'est cette façon d'agir qui épargne quelquefois beaucoup de procès.

      »Il y a une révolution à Naples. Si elle se fait, elle laissera probablement une carte à Ravenne, en faisant route jusqu'en Lombardie.

      »Vos éditeurs semblent vous avoir traité comme moi. M*** a fait la grimace, et presque insinué que mes dernières productions sont sottes. Sottes, monsieur! – Dame, sottes! je crois qu'il a raison. Il demande l'achèvement de ma tragédie sur Marino Faliero, dont rien n'est encore parvenu en Angleterre. Le cinquième acte est presque achevé, mais il est terriblement long; – quarante feuilles de grand papier, de quatre pages chaque, – environ cent cinquante pages d'impression; mais tellement pleines «de passe-tems et de prodigalités,» que je le crois ainsi.

      »Envoyez-moi, je vous prie, et publiez votre Poème sur moi; et ne craignez point de trop me louer. J'empocherai mes rougeurs.

»Non actionnable! – Chantre d'enfer!49 par Dieu! c'est une injure, – et je ne voudrais pas l'endurer. Le joli nom à donner à un homme qui doute qu'il y ait un lieu pareil.

Note 49: (retour) Nom que Lamartine donne à Byron dans un de ses poèmes. (Note du Trad.)

      »Ainsi Mme Gail est partie, – et Mrs. Mahony ne veut pas mon argent. J'en suis content. – J'aime à être généreux sans frais. Mais priez-la de ne point me traduire.

      »Oh! je vous en prie, dites à Galignani que je lui enverrai un sermon s'il n'est pas plus ponctuel. Quelqu'un retient régulièrement deux et quelquefois quatre de ses Messagers dans la route. Priez-le d'être plus exact. Les nouvelles valent de l'or dans ce lointain royaume des Ostrogoths.

      »Répondez-moi, je vous prie. J'aimerais beaucoup à partager votre champagne et votre Lafitte, mais en général je suis trop Italien pour Paris. Dites à Murray de vous envoyer ma lettre; – elle est pleine d'épigrammes.

      »Votre, etc.»

      La séparation qui avait eu lieu entre le comte Guiccioli et sa femme, s'était faite à la condition que la jeune dame habiterait, à l'avenir, sous le toit paternel: – en conséquence, Mme Guiccioli quitta Ravenne le 16 juillet, et se retira dans une villa appartenant au comte Gamba, et située à environ quinze milles de cette ville. Lord Byron allait la voir rarement, – une ou deux fois peut-être par mois, – et passait le reste de son tems dans une solitude complète. Pour une ame comme la sienne, qui avait tout son monde en elle-même, un tel genre de vie n'aurait peut-être été ni nouveau ni désagréable; mais pour une femme jeune et admirée, qui avait à peine commencé à connaître le monde et ses plaisirs, ce changement, il faut l'avouer, était une expérience fort brusque. Le comte Guiccioli était riche, et la comtesse, comme une jeune épouse, avait acquis sur lui un pouvoir absolu. Elle était fière, et la position de son mari la plaçait à Ravenne dans le rang le plus élevé. On avait parlé de voyager à Naples, à Florence, à Paris; – bref, tout le luxe que la richesse peut donner était à sa disposition.

      Maintenant elle sacrifiait volontairement et irrévocablement tout cela pour Lord Byron. Sa splendide maison abandonnée, – tous ses parens en guerre ouverte avec elle, – son bon père se bornant à tolérer par tendresse ce qu'il ne pouvait approuver: – elle vécut alors avec une pension de deux cents livres sterling par an, et n'eut loin du monde, pour toute occupation, que la tâche de se donner à elle-même une éducation digne de son illustre amant, et pour toute récompense, que les rares et courtes entrevues que permettaient les nouvelles restrictions imposées à leur liaison. L'homme qui put inspirer et faire durer un dévoûment si tendre, on peut le dire avec assurance, n'était pas tel qu'il s'est représenté lui-même dans les accès de son humeur fantasque; et d'autre part, l'histoire entière de l'affection de la jeune dame montre combien une femme italienne, soit par nature, soit par suite de sa position sociale, est portée à intervertir le cours ordinaire que suivent chez nous les faiblesses semblables, et comment, faible pour résister aux premières attaques de la passion, elle réserve toute