George Gordon Byron

Œuvres complètes de lord Byron, Tome 12


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il établissait sa croyance à la possibilité d'un rapprochement entre lady Byron et moi. J'y ai répondu comme j'ai coutume; et il m'a écrit une seconde lettre, où il répète son dire, à laquelle lettre je n'ai jamais répondu, ayant mille autres choses en tête. Il m'écrit maintenant comme s'il croyait qu'il m'eût offensé en touchant ce sujet; et je désire que vous l'assuriez que je ne le suis pas du tout, – mais qu'au contraire je suis reconnaissant de sa bonne disposition. En même tems montrez-lui que la chose est impossible. Vous savez cela aussi bien que moi, – et finissons-en.

»Je crois que je vous montrai son épître l'automne dernier. Il me demande si j'ai entendu parler de mon lauréat37 à Paris, – de quelqu'un qui a écrit une «épître sanglante» contre moi; mais est-ce en français ou en allemand? sur quel sujet? je n'en sais rien, et il ne me le dit pas, – hors cette remarque (pour ma propre satisfaction) que c'est la meilleure pièce du volume de l'individu. Je suppose que c'est quelque chose dans le genre accoutumé; – il dit qu'il ne se rappelle pas le nom de l'auteur.

Note 37: (retour) Lamartine.

      »Je vous ai écrit il y a environ dix jours, et j'attends une réponse de vous quand il vous plaira.

      »L'affaire de la séparation continue encore, et tout le monde y est mêlé, y compris prêtres et cardinaux. L'opinion publique est furieuse contre lui, parce qu'il aurait dû couper court à la chose dès l'abord, et ne pas attendre douze mois pour commencer. Il a essayé d'arriver à l'évidence, mais il ne peut rien produire de suffisant; car ce qui ferait cinquante divorces en Angleterre, ne suffit pas ici, – il faut les preuves les plus décisives… .........

      »C'est la première cause de ce genre soulevée à Ravenne depuis deux cents ans; car, quoiqu'on se sépare souvent, on déclare un motif différent. Vous savez que les incontinens du continent sont plus délicats que les Anglais, et n'aiment pas à proclamer leurs couronnes en plein tribunal, même quand il n'y a pas de doute.

»Tous les parens de la dame sont furieux contre lui. Le père l'a provoqué en duel, – valeur superflue, car cet homme ne se bat pas, quoique soupçonné, de deux assassinats, – dont l'un est celui du fameux Monzoni de Forli. Avis m'a été donné de ne pas faire de si longues promenades à cheval dans la forêt des Pins, sans me tenir sur mes gardes; aussi je prends mon stiletto38 et une paire de pistolets dans ma poche durant mes courses quotidiennes.

Note 38: (retour)38 Poignard italien.

      »Je ne bougerai pas du pays jusqu'à ce que le procès soit terminé de manière ou d'autre. Quant à elle, elle a autant de fermeté féminine que possible, et l'opinion est à tel point contre l'homme, que les avocats refusent de se charger de sa cause, en disant qu'il est bête ou coquin; – bête s'il n'a pas reconnu la liaison jusqu'à présent; coquin s'il la connaissait, et qu'il ait, dans une mauvaise intention, retardé de la divulguer. Bref, il n'y a rien eu de pareil dans ces lieux, depuis les jours de la famille de Guido di Polenta.

»Si l'homme m'escofie, comme Polonius, dites qu'il a fait une bonne fin de mélodrame. Ma principale sécurité est qu'il n'a pas le courage de dépenser vingt scudi39, – prix courant d'un bravo à la main preste; – autrement il n'y a pas faute d'occasions, car je me promène à cheval dans les bois chaque soir, avec un seul domestique, et quelquefois un homme de connaissance qui depuis peu fait une mine un peu drôle dans les endroits solitaires et garnis de buissons.

      »Bonjour. – Écrivez à votre dévoué, etc.»

Note 39: (retour)Footnote 39: Écus.

      LETTRE CCCLXXVII

À M. MURRAY

      Ravenne, 7 juin 1820.

«Vous trouverez ci-joint quelque chose qui vous intéressera, l'opinion du plus grand homme de l'Allemagne-peut-être de l'Europe-sur un des grands hommes de vos prospectus (tous fameux fiers-à-bras, comme Jacob Tonson avait coutume de nommer ses salariés); – bref, une critique de Goëthe sur Manfred. Vous avez à-la-fois l'original et deux traductions, l'une anglaise, l'autre italienne; gardez tout dans vos archives, car les opinions d'un homme tel que Goëthe, favorables ou non, sont toujours intéressantes, – et le sont beaucoup plus quand elles sont favorables. Je n'ai jamais lu son Faust, car je ne sais pas l'allemand; mais Mathieu Lewis-le-Moine, en 1816, à Coligny, en a traduit la plus grande partie viva voce40, et naturellement j'en fus très-frappé: mais c'est le Steinbach, la Yungfrau et autres choses pareilles qui me firent écrire Manfred. La première scène, néanmoins, et celle de Faust, se ressemblent beaucoup. Accusez réception de cette lettre.

      »Tout à vous à jamais.

»P. S. J'ai reçu Ivanhoe; – c'est bon. Envoyez-moi, je vous prie, de la poudre pour les dents et de la teinture de myrrhe de Waite, etc. Ricciardetto41 aurait dû être traduit littéralement, ou ne pas l'être du tout. Quant au succès de Whistlecraft, il n'est pas possible; je vous dirai quelque jour pourquoi. Cornwall est un poète, mais gâté par les détestables écoles du siècle. Mrs. Hemans est poète aussi, – mais trop guindée et trop amie de l'apostrophe, – et dans un genre tout à-fait mauvais. Des hommes sont morts avec calme avant et après l'ère chrétienne, sans l'aide du christianisme; témoins les Romains, et récemment Thistlewood, Sand et Louvel: – «hommes qui auraient dû succomber sous le poids de leurs crimes, même s'ils avaient cru.» Le lit de mort est une affaire de nerfs et de constitution, et non pas de religion. Voltaire s'effraya, et non Frédéric de Prusse: les chrétiens pareillement sont calmes ou tremblans, plutôt selon leur force que selon leur croyance. Que veut dire H*** par sa stance! qui est une octave faite dans l'ivresse ou dans la folie. Il devrait avoir les oreilles frappées par le marteau de Thor pour rimer si drôlement.»

Note 40: (retour) De vive voix.

Note 41: (retour) Poème de Fortiguerra.

Ce qui suit est l'article tiré du Kunst und Altertum42 de Goëthe, renfermé dans la lettre précédente. La confiance sérieuse avec laquelle le vénérable critique rapporte les créations de son confrère en poésie à des personnes et à des événemens réels, sans faire même la moindre difficulté pour admettre un double meurtre à Florence, et donner ainsi des bases à sa théorie, offre un exemple plaisant de la disposition, prédominante en Europe, à peindre Byron comme un homme de merveilles et de mystères, aussi bien dans sa vie que dans sa poésie. Ce qui a sans doute considérablement contribué à donner de lui ces idées exagérées et complètement fausses, ce sont les nombreuses fictions qui ont dupé le monde sur le compte de ses voyages romanesques et de ses miraculeuses aventures dans des lieux qu'il n'avait jamais vus43; et les relations de sa vie et de son caractère, répandues sur tout le continent, sont à un tel point hors de la vérité et de la nature, que l'on peut mettre en question si le héros réel de ces pages, l'homme de chair et de sang, – l'esprit sociable et pratique, enfin le Lord Byron Anglais, avec toutes ses fautes et ses actes excentriques, – ne risque pas de ne paraître, aux imaginations exaltées de la plupart de ses admirateurs étrangers, qu'un personnage ordinaire, non romantique, mais prosaïque.

Note 42: (retour) L'art et l'antiquité.

Note 43: (retour) De ce genre sont les relations pleines de toute sorte de circonstances merveilleuses touchant sa résidence dans l'île de Mitylène, ses voyages en Sicile et à Ithaque avec la comtesse Guiccioli, etc., etc. Mais le plus absurde, peut-être, de tous ces mensonges, c'est l'histoire racontée par Fouqueville sur les religieuses conférences du poète dans la cellule du père Paul à Athènes; c'est la fiction encore plus déraisonnable