George Gordon Byron

Œuvres complètes de lord Byron, Tome 12


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dit en passant), pour la première fois de ma vie, dans votre chambre, au collége de la Trinité.

      »On conserve ici quelques commentaires curieux sur Dante, que vous devrez voir.

      »Croyez-moi toujours, etc.»

      LETTRE CCCLIX

À M. MURRAY

      Ravenne, 1er mars 1820.

      «Je vous ai envoyé par le dernier courrier la traduction du premier chant du Morgante Maggiore, et je désire que vous vous informiez auprès de Rose du mot sbergo, c'est-à-dire usbergo, que j'ai traduit par cuirasse; je soupçonne qu'il veut dire aussi un casque. Maintenant, s'il en est ainsi, lequel des deux sens s'accorde le mieux avec le texte? J'ai adopté la cuirasse; mais je serai facile à me rendre aux bonnes raisons. Parmi les nationaux, les uns disent d'une façon, les autres de l'autre; mais on n'est pas fort sur le toscan dans la Romagne. Toutefois, j'en parlerai demain à Sgricci (le fameux improvisateur), qui est natif d'Arezzo. La comtesse Guiccioli, qui passe pour une jeune dame fort instruite, et le dictionnaire, interprètent le mot par cuirasse. J'ai donc écrit cuirasse; mais le casque me trotte néanmoins dans la tête, – et je le mettrai fort bien dans le vers: le faut-il? voilà le point principal. J'en parlerai aussi à la Sposa Spina Spinelli, fiancée florentine du comte Gabriel Rusponi, récemment arrivée de Florence, et je tirerai de quelqu'un le véritable sens.

      »Je viens de visiter le nouveau cardinal, qui est arrivé avant-hier dans sa légation. Il paraît être un bon vieillard, pieux et simple, et tout-à-fait différent de son prédécesseur, qui était un bon vivant dans le sens mondain du mot.

      »Je vous envoie ci-joint une lettre que j'ai reçue de Dallas il y a quelque tems. Elle s'expliquera elle-même. Je n'y ai pas répondu. Voilà ce que c'est que de faire du bien aux gens. En différentes fois (y compris les droits d'auteur), cet homme a eu environ 1,400 livres sterling de mon argent, et il écrit ce qu'il appelle une oeuvre posthume sur mon compte, et une plate lettre où il m'accuse de le maltraiter, quand je n'ai jamais rien fait de pareil. Il est vrai que j'ai interrompu avec lui ma correspondance, comme je l'ai fait presque avec tout le monde; mais je ne puis découvrir comment par-là je me suis mal comporté envers lui.

      »Je regarde son épître comme une conséquence de ce que je ne lui ai pas envoyé 100 autres livres sterling, pour lesquelles il m'écrivit il y a environ deux ans, et que je jugeai à propos de garder, parce qu'à mon sens il avait eu sa part de ce dont je pouvais disposer en faveur d'autres personnes.

      »Dans votre dernière, vous me demandez ce dont j'ai besoin pour mon usage domestique: je crois que c'est comme à l'ordinaire; ce sont des bull-dogs, de la magnésie, du soda-powder, de la poudre dentifrice, des brosses, et toutes choses de même genre qu'on ne peut se procurer ici. Vous demandez encore que je retourne en Angleterre: hélas! à quel propos? Vous ne savez pas ce que vous réclamez; je dois probablement revenir un jour ou l'autre (si je vis), tôt ou tard; mais ce ne sera point par plaisir, et cela ne pourra finir en bien. Vous vous informez de ma santé et de mon humeur en grosses lettres. Ma santé ne peut être très-mauvaise; car je me suis guéri moi-même en trois semaines, par le moyen de l'eau froide, d'une rude fièvre tierce qui n'avait pas quitté durant des mois entiers mon plus vigoureux gondolier, malgré tout le quinquina de l'apothicaire; – chose fort surprenante pour le docteur Aglietti, qui disait que c'était une preuve de la force des fibres, surtout dans une saison si épidémique. Je l'ai fait par dégoût pour le quinquina, que je ne puis supporter, et j'ai réussi, contrairement aux prophéties de tout le monde, en me bornant à ne prendre rien du tout. Quant à l'humeur elle est inégale, tantôt haut, tantôt bas, comme chez les autres personnes, je suppose, et dépend des circonstances.

      »Envoyez-moi, je vous prie, les nouveaux romans de Walter Scott. Quels en sont les noms et les personnages? Je lis quelques-unes de ses premiers, au moins une fois par jour, pendant une heure ou à-peu-près. Les derniers sont faits trop à la hâte: Scott oublie le nom de Ravenswood, et l'appelle tantôt Edgar, et tantôt Norman; et Girder, le tonnelier, est écrit tantôt Gilbert, et tantôt John. Il n'y en a pas assez sur Montrose, mais Dalgetty est excellent, ainsi que Lucy Ashton et sa chienne de mère. Qu'est-ce que c'est qu'Ivanhoe? et qu'appelez-vous son autre roman? Est-ce qu'il y en a deux? Faites-lui-en écrire, je vous prie, au moins deux par an: il n'est aucune lecture que j'aime autant.

      »L'éditeur du Télégraphe de Bologne m'a envoyé un numéro qui contient des extraits de l'Athéisme réfuté de M. Mulock (ce nom me rappelle toujours Muley Moloch de Maroc), où se trouve un long éloge de ma poésie et une grande compassion pour mon malheur. Je n'ai jamais pu comprendre quel est le but de ceux qui m'accusent d'irréligion: toutefois ils peuvent aller leur train. Cet homme-ci paraît être mon grand admirateur, ainsi je prends en bonne part ce qu'il dit, comme il a évidemment une intention charitable, à laquelle je ne m'accuse pas moi-même d'être insensible.

      »Tout à vous.»

      LETTRE CCCLX

À M. MURRAY

      Ravenne, 5 mars 1820.

«Au cas que, dans votre pays, vous ne trouviez pas aisément sous votre main le Morgante Maggiore, je vous envoie le texte original du premier chant, pour le mettre en regard de la traduction que je vous envoyai il y a quelques jours. Il est tiré de l'édition de Naples in-quarto, 1732, – datée Florence, néanmoins, par un tour du métier, que vous, un des souverains alliés de la profession, comprendrez parfaitement sans plus grande spiegazione18.

Note 18: (retour) Explication.

»Il est étrange que personne ici ne comprenne la signification précise de sbergo ou usbergo19, vieux mot toscan que j'ai traduit par cuirasse (mais je ne suis pas sûr qu'il ne veuille pas dire casque). J'ai interrogé au moins vingt personnes, savans et ignorans, hommes et femmes, y compris poètes et officiers civils et militaires. Le dictionnaire dit cuirasse, mais ne cite aucune autorité; et une dame de mes amies dit positivement cuirasse, ce qui me fait douter du fait encore plus qu'auparavant. Ginguené dit bonnet de fer avec l'aplomb superficiel d'un Français, en sorte que je ne le crois point. Choisir entre le dictionnaire, la femme italienne et le critique français! – On ne peut pas se fier à leur autorité. Le texte même, qui devrait décider, admet également l'un ou l'autre sens, comme vous le verrez. Interrogez Rose, Hobhouse, Merivale et Foscolo, et votez avec la majorité. Frere est-il bon Toscan? S'il l'est, consultez-le aussi. J'ai tenté, comme vous voyez, d'être aussi exact que j'ai pu. Ceci est ma troisième ou quatrième lettre ou paquet depuis vingt jours.»

Note 19: (retour) Usbergo en italien; hauberk, habergeon, en anglais; haubert, haubergeon, en français, viendraient, suivant une note de Moore, de l'allemand hals-berg, mot-à-mot, montagne du cou. L'étymologie serait donc pour le sens de casque, armure qui surmonte et défend le cou; mais comme les dérivés anglais et français ont pris, par une catachrèse-synecdoque, le sens de cuirasse, il n'est pas improbable que le dérivé italien ait reçu la même extension. Le doute n'est donc pas résolu. (Notes du Trad.)

      LETTRE CCCLXI

À M. MURRAY

      Ravenne, 14 mars 1820.

«Je vous envoie ci-joint la Prophétie du Dante20: nommez-la d'ailleurs Vision ou autrement, peu importe. Là où j'ai donné plus d'une leçon (ce que j'ai fait souvent), vous adopterez celle que Gifford, Frere, Rose, Hobhouse, et les autres membres de votre sénat toscan jugeront la meilleure ou la moins mauvaise. La préface expliquera tout ce qui est explicable. Ce ne sont là que les quatre premiers chants: s'ils sont bien accueillis, je continuerai. Soignez, je vous prie, l'impression, et confiez la correction des citations italiennes à quelque homme instruit dans la langue.

Note 20: (retour) Il y avait primitivement