Уильям Шекспир

Tout est bien qui finit bien


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pour les commettre subtilement.

      LE BOUFFON. – Vous n'ignorez pas, madame, que je suis un pauvre diable.

      LA COMTESSE. – C'est bien, monsieur.

      LE BOUFFON. – Non, madame, il n'est pas bien que je sois pauvre, quoique la plupart des riches soient damnés. Mais si je puis obtenir le consentement de Votre Seigneurie pour entrer dans le monde, la jeune Isabeau et moi, nous ferons comme nous pourrons.

      LA COMTESSE. – Tu veux donc aller mendier?

      LE BOUFFON. – Je ne mendie rien, madame, que votre consentement dans cette affaire.

      LA COMTESSE. – Dans quelle affaire?

      LE BOUFFON. – Dans l'affaire d'Isabeau et la mienne. Service n'est pas héritage; et je crois bien que je n'obtiendrai jamais la bénédiction de Dieu, avant d'avoir une postérité de mon sang; car on dit que les enfants sont une bénédiction.

      LA COMTESSE. – Dis-moi ta raison: pourquoi veux-tu te marier?

      LE BOUFFON. – Mon pauvre corps, madame, le demande: je suis poussé par la chair; et il faut qu'il aille celui que le diable pousse.

      LA COMTESSE. – Sont-ce là toutes les raisons de monsieur?

      LE BOUFFON. – Vraiment, madame, j'en ai encore d'autres, et de saintes; qu'elles soient ce qu'elles voudront.

      LA COMTESSE. – Peut-on les savoir?

      LE BOUFFON. – J'ai été, madame, une créature corrompue, comme vous et tous ceux qui sont de chair et de sang; et, en vérité, je me marie, afin de pouvoir me repentir 7

      LA COMTESSE. – De ton mariage plutôt que de la méchanceté.

      LE BOUFFON. – Je suis absolument dépourvu d'amis, madame, et j'espère m'en procurer par ma femme.

      LA COMTESSE. – Maraud! de tels amis sont tes ennemis.

      LE BOUFFON. – Vous n'y êtes pas, madame, ce sont de grands amis; car les fripons viennent faire pour moi ce que je suis las de faire. Celui qui laboure ma terre épargne mon attelage et me laisse en recueillir la moisson: si je suis déshonoré, il est mon valet: celui qui réjouit ma femme est le bienfaiteur de ma chair et de mon sang; celui qui fait du bien à ma chair et à mon sang aime ma chair et mon sang; celui qui aime ma chair et mon sang est mon ami: Ergo, celui qui embrasse ma femme est mon ami. Si les hommes pouvaient être contents de ce qu'ils sont, il n'y aurait aucune crainte à avoir dans le mariage; car le jeune Charon le puritain, et le vieux Poysam le papiste, quoique leurs coeurs diffèrent en religion, leurs têtes à tous les deux n'en font qu'une. Ils peuvent jouer de la corne ensemble comme tous les daims du troupeau.

      LA COMTESSE. – Seras-tu donc toujours une mauvaise langue et un drôle calomniateur?

      LE BOUFFON. – Je suis un prophète 8, madame, et je dis la vérité par le plus court chemin.

      «Je répéterai la ballade

      Que les hommes trouveront vraie

      Le mariage vient par destinée;

      Le coucou chante par nature.»

      LA COMTESSE. – Retirez-vous; je vous parlerai plus tard.

      L'INTENDANT. – Voudriez-vous, madame, lui dire d'appeler Hélène: j'ai à vous parler d'elle?

      LA COMTESSE. – L'ami, dites à Mademoiselle que je voudrais lui parler; c'est Hélène que je demande.

      LE BOUFFON.

      Quoi, dit-elle, était-ce ce beau visage

      Qui fut cause que les Grecs saccagèrent Troie?

      Folle entreprise! folle entreprise!

      Était-ce là la joie du roi Priam?

      Elle soupira en s'arrêtant,

      En s'arrêtant elle soupira

      Et prononça cette sentence:

      «Sur neuf mauvaises s'il y en a une bonne,

      Il y en a donc une bonne sur dix.»

      LA COMTESSE. – Quoi, une bonne sur dix! Vous altérez la chanson, coquin.

      LE BOUFFON. – Une bonne femme sur dix, c'est purifier la chanson, madame. Si le bon Dieu voulait pourvoir ainsi le monde toute l'année, je ne me plaindrais pas de la dîme des femmes, si j'étais le curé. Une sur dix! vraiment s'il nous naissait seulement une bonne femme à chaque comète, ou à chaque tremblement de terre, la loterie serait bien améliorée; mais à présent un homme peut s'arracher le coeur avant de tirer une bonne femme.

      LA COMTESSE. – Voulez-vous vous en aller, monsieur le drôle, et faire ce que je vous commande?

      LE BOUFFON. – Qu'un homme puisse être aux ordres d'une femme sans qu'il en arrive malheur! Quoique l'honnêteté ne soit pas puritaine… elle ne veut cependant faire de mal à personne; et elle consentira à porter le surplis de l'humilité sur la robe noire d'un coeur gonflé d'orgueil. Sérieusement je pars: mon affaire est de dire à Hélène de venir ici.

(Il sort,)

      LA COMTESSE. – Eh bien! maintenant! qu'y a-t-il?

      L'INTENDANT. – Je sais, madame, que vous aimez tendrement votre suivante.

      LA COMTESSE. – Oui, je l'aime: son père me l'a léguée; et elle-même, sans autre considération, a des droits légitimes à toute l'amitié qu'elle trouve en moi. Je lui dois bien plus qu'il ne lui a été payé, et je lui payerai plus qu'elle ne demandera.

      L'INTENDANT. – Madame, je me trouvai dernièrement beaucoup plus près d'elle qu'elle ne l'eût désiré, je pense. Elle était seule, et confiait ses secrets à ses propres oreilles: elle pensait, j'oserais le jurer pour elle, qu'ils n'arriveraient point à des oreilles étrangères. Elle disait qu'elle aimait votre fils. «La fortune, dit-elle, n'est point une déesse, puisqu'elle a mis une si grande différence entre son rang et le mien: l'amour n'est point un dieu, puisqu'il ne veut montrer son pouvoir que lorsque les avantages sont égaux. Diane n'est point la reine des vierges, puisqu'elle a pu permettre que sa pauvre chevalière fût surprise sans défense à la première attaque, et qu'elle la laisse sans espoir de rançon.» Elle disait cela avec l'accent du plus amer chagrin que j'aie jamais entendu exprimer à une vierge. J'ai cru, madame, qu'il était de mon devoir de vous en instruire sur-le-champ, puisqu'il vous importe un peu de le savoir, à cause du malheur qui pourrait en arriver.

      LA COMTESSE. – Vous avez rempli le devoir d'un honnête homme; mais gardez ce secret pour vous seul. Bien des probabilités m'avaient déjà instruite de ce fait; mais elles étaient toutes si incertaines que je ne pouvais ni les croire ni les rejeter. Laissez-moi, je vous prie: conservez ceci dans votre âme: je vous remercie de vos bons soins; je vous en dirai davantage une autre fois. (L'intendant sort; Hélène entre.) Voilà comme j'étais quand j'étais jeune. Si nous écoutons la nature, c'est ce qui nous arrive; cette épine est inséparablement attachée à la rose de notre jeunesse. Notre sang est à nous, et ceci est né dans notre sang. Partout où la forte passion de l'amour s'imprime dans un jeune coeur, c'est le sceau et la preuve de la vérité de la nature. Le souvenir de ces jours, qui sont passés pour moi, me rappelle les mêmes fautes. Ah! je ne croyais pas alors que ce fussent des fautes. Je le vois bien maintenant; son oeil en est éteint.

      HÉLÈNE. – Quel est votre bon plaisir, madame?

      LA COMTESSE. – Tu sais, Hélène, que je suis une mère pour toi.

      HÉLÈNE. – Vous êtes mon honorable maîtresse.

      LA COMTESSE. – Non, mais une mère. Pourquoi pas ta mère? Lorsque j'ai prononcé le nom de mère, j'ai cru que tu venais de voir un serpent. Qu'y a-t-il donc dans ce nom de mère, pour qu'il te fasse tressaillir? Je dis que je suis votre mère, et je vous mets au nombre de ceux que j'ai portés dans mon sein. On a vu souvent l'adoption le disputer à la nature; et notre choix nous donne un rejeton naturel né de semences étrangères. Tu n'as jamais oppressé mon sein des douleurs de mère,