Уильям Шекспир

Titus Andronicus


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pour les âmes généreuses.

      TITUS. – Peuple romain, et vous tribuns du peuple, je demande vos voix et vos suffrages; voulez-vous en accorder la faveur à Andronicus?

      LES TRIBUNS. – Pour satisfaire le brave Andronicus et le féliciter de son heureux retour à Rome, le peuple acceptera l'empereur qu'il aura nommé.

      TITUS. – Tribuns, je vous rends grâces: je demande donc que vous élisiez empereur le fils aîné de votre dernier souverain, le prince Saturninus, dont j'espère que les vertus réfléchiront leur éclat sur Rome, comme Titan réfléchit ses rayons sur la terre, et mûriront la justice dans toute cette république: si vous voulez, sur mon conseil, couronnez-le et criez vive notre Empereur!

      MARCUS. – Par le suffrage et avec les applaudissements unanimes de la nation, des patriciens et des plébéiens, nous créons Saturninus empereur, souverain de Rome, et nous crions vive Saturninus, notre empereur!

(Une longue fanfare, jusqu'à ce que les tribuns descendent.)

      SATURNINUS. – Titus Andronicus, en reconnaissance de la faveur de ton suffrage dans notre élection, je t'adresse les remercîments que méritent tes services, et je veux payer par des actions ta générosité; et pour commencer Titus, afin d'illustrer ton nom et ton honorable famille, je veux élever ta fille Lavinia au rang d'impératrice, de souveraine de Rome et de maîtresse de mon coeur, et la prendre pour épouse dans le Panthéon sacré: parle, Andronicus, cette proposition te plaît-elle?

      TITUS. – Oui, mon digne souverain; je me tiens pour hautement honoré de cette alliance; et ici, à la vue de Rome, je consacre à Saturninus, le maître et le chef de notre république, l'empereur du vaste univers, mon épée, mon char de triomphe et mes captifs, présents dignes du souverain maître de Rome. – Recevez donc, comme un tribut que je vous dois, les marques de mon honneur abaissées à vos pieds.

      SATURNINUS. – Je te rends grâces, noble Titus, père de mon existence. Rome se souviendra combien je suis fier de toi et de tes dons, et lorsqu'il m'arrivera d'oublier jamais le moindre de tes inappréciables services, Romains, oubliez aussi vos serments de fidélité envers moi.

      TITUS, à Tamora. – Maintenant, madame, vous êtes la prisonnière de l'empereur; de celui qui, en considération de votre rang et de votre mérite, vous traitera avec noblesse, ainsi que votre suite.

      SATURNINUS. – Une belle princesse, assurément, et du teint dont je voudrais choisir mon épouse, si mon choix était encore à faire. Belle reine, chassez ces nuages de votre front; quoique les hasards de la guerre vous aient fait subir ce changement de fortune, vous ne venez point pour être méprisée dans Rome; partout vous serez traitée en reine. Reposez-vous sur ma parole; et que l'abattement n'éteigne pas toutes vos espérances. Madame, celui qui vous console peut vous faire plus grande que n'est la reine des Goths. – Lavinia, ceci ne vous déplaît pas?

      LAVINIA. – Moi, seigneur? Non. Vos nobles intentions me garantissent que ces paroles sont une courtoisie royale.

      SATURNINUS. – Je vous rends grâces, aimable Lavinia. – Romains, sortons; nous rendons ici la liberté à nos prisonniers sans aucune rançon; vous, seigneur, faites proclamer notre élection au son des tambours et des trompettes.

      BASSIANUS, s'emparant de Lavinia. – Seigneur Titus, avec votre permission, cette jeune fille est à moi.

      TITUS. – Comment? seigneur, agissez-vous sérieusement, seigneur?

      BASSIANUS. – Oui, noble Titus, et je suis résolu de me faire justice à moi-même, et de réclamer mes droits.

      (L'empereur fait sa cour à Tamora par signes.)

      MARCUS. -Suum cuique 6 est le droit de notre justice romaine; ce prince en use et ne reprend que son bien.

      LUCIUS. – Et il en restera le possesseur, tant que Lucius vivra.

      TITUS. – Traîtres, loin de moi. Où est la garde de l'empereur? Trahison, seigneur! Lavinia est ravie.

      SATURNINUS. – Ravie? par qui?

      BASSIANUS. – Par celui qui peut avec justice enlever au monde entier sa fiancée.

(Marcus et Bassianus sortent avec Lavinia.)

      MUTIUS. – Mes frères, aidez à la conduire hors de cette enceinte; et moi, avec mon épée, je me charge de garder cette porte.

      TITUS, à Saturninus. – Suivez-moi, seigneur, et bientôt je la ramènerai dans vos bras.

      MUTIUS, à Titus. – Seigneur, vous ne passerez point cette porte.

      TITUS. – Quoi, traître, tu me fermeras le chemin à Rome!

(Il le poignarde.)

      MUTIUS, tombant. – Au secours, Lucius, au secours?

      LUCIUS. – Seigneur, vous êtes injuste, et plus que cela; vous avez tué votre fils dans une querelle mal fondée.

      TITUS. – Ni toi, ni lui, vous n'êtes plus mes fils: mes fils n'auraient jamais voulu me déshonorer. Traître, rends Lavinia à l'empereur.

      LUCIUS. – Morte, si vous le voulez; mais non pas pour être son épouse, puisqu'elle est légitimement promise à la tendresse d'un autre.

(Il sort.)

      SATURNINUS. – Non, Titus, non. L'empereur n'a pas besoin d'elle; ni d'elle, ni de toi, ni d'aucun de ta race; il me faut du temps pour me fier à celui qui m'a joué une fois; jamais tu n'auras ma confiance, ni toi, ni tes fils perfides et insolents, tous ligués ensemble pour me déshonorer. N'y avait-il donc dans Rome que Saturninus, dont tu pusses faire l'objet de tes insultes? Cette conduite, Andronicus, cadre bien avec tes insolentes vanteries lorsque tu dis que j'ai mendié l'empire de tes mains.

      TITUS. – O c'est monstrueux! quels sont ces reproches?

      SATURNINUS. – Poursuis; va, cède cette créature volage à celui qui brandit pour elle son épée, tu auras un vaillant gendre, un homme bien fait pour se quereller avec tes fils déréglés et pour exciter des tumultes dans la république de Rome.

      TITUS. – Ces paroles sont autant de rasoirs pour mon coeur blessé.

      SATURNINUS. – Et vous, aimable Tamora, reine des Goths, qui surpassez en beauté les plus belles dames romaines, comme Diane au milieu de ses nymphes, si vous agréez ce choix soudain que je fais, dans l'instant même, Tamora, je vous choisis pour épouse, et je veux vous créer impératrice de Rome. – Parlez, reine des Goths, applaudissez-vous à mon choix? Et je le jure ici par tous les dieux de Rome, puisque le pontife et l'eau sacrée sont si près de nous, que ces flambeaux sont allumés, et que tout est préparé pour l'hyménée, je ne reverrai point les rues de Rome, ni ne monterai à mon palais, que je n'emmène avec moi de ce lieu mon épouse.

      TAMORA. – Et ici, à la vue du ciel, je jure à Rome, que si Saturninus élève à cet honneur la reine des Goths, elle sera l'humble servante, la tendre nourrice et la mère de sa jeunesse.

      SATURNINUS. – Montez, belle reine, au Panthéon. Seigneurs, accompagnez votre illustre empereur, et sa charmante épouse, envoyée par le ciel au prince Saturninus, dont la sagesse répare l'injustice de sa fortune: là, nous accomplirons les cérémonies de notre hymen.

(Saturninus sort avec son cortége; avec lui sortent aussi Tamora et ses fils, Aaron et les Goths.)

      TITUS ANDRONICUS, seul. – Je ne suis pas invité à suivre cette mariée. – Titus, quand donc t'es-tu jamais vu ainsi seul, déshonoré, et provoqué par mille affronts?

      MARCUS. – Ah! vois, Titus, vois, vois ce que tu as fait; tuer un fils vertueux dans une injuste querelle!

      TITUS. – Non, tribun insensé, non; il n'est point mon fils, – ni toi, ni ces hommes complices de l'attentat qui a déshonoré toute notre famille. Indigne frère! indignes enfants!

      LUCIUS. – Mais accordez-lui du moins la sépulture convenable, donnez à Mutius une place dans le tombeau de nos frères.

      TITUS. – Traîtres, écartez-vous: il ne reposera point dans cette tombe. Ce monument subsiste depuis cinq siècles, je l'ai