Уильям Шекспир

Henri VI. 1


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le siége.

      RENÉ. – Je crois que, par quelque étrange invention, par quelque sortilége, leurs armes sont ajustées pour frapper sans relâche, comme des battants de cloche; autrement, ils ne pourraient jamais tenir aussi longtemps. – Si l'on suit mon avis, nous les laisserons ici.

      ALENÇON. – Soit; laissons-les.

(Entre le bâtard d'Orléans.)

      LE BATARD. – Où est le dauphin? J'ai des nouvelles pour lui.

      LE DAUPHIN. – Bâtard d'Orléans, sois trois fois le bienvenu.

      LE BATARD. – Il me semble que vos regards sont tristes, votre visage pâle. Est-ce la dernière défaite qui vous a fait ce mal? Ne vous découragez pas: le secours est proche: j'amène ici avec moi une jeune et sainte fille, qui, dans une vision que le Ciel lui a envoyée, a reçu l'ordre de faire lever cet ennuyeux siége et de chasser les Anglais de France. Elle possède l'esprit de prophétie bien mieux que les neuf Sibylles de Rome. Elle peut raconter le passé et l'avenir. Dites, la ferai-je entrer? Croyez-en mes paroles: elles sont certaines et infaillibles.

      CHARLES. – Allez, faites-la venir. (Le bâtard sort.) Mais, pour éprouver sa science, René, prends ma place et fais le dauphin. Interroge-la fièrement; que tes regards soient sévères. Par cette ruse, nous sonderons son habileté.

(Entrent la Pucelle, le bâtard d'Orléans et autres.)

      RENÉ. – Belle fille, est-il vrai que tu veux exécuter ces étonnants prodiges?

      LA PUCELLE. – René, espères-tu me tromper? – Où est le dauphin? – Sors, sors, ne te cache plus là derrière. Je te connais sans t'avoir jamais vu. Ne sois pas étonné, rien n'est caché pour moi. Je veux t'entretenir seul et en particulier. – Retirez-vous, seigneurs, et laissez-nous un moment à part.

      RENÉ. – Elle débute hardiment.

(Ils s'éloignent.)

      LA PUCELLE. – Dauphin, je suis née fille d'un berger; mon esprit n'a été exercé dans aucune espèce d'art. Il a plu au Ciel et à Notre-Dame-de-Grâce de jeter un regard sur mon obscure condition. Un jour que je gardais mes tendres agneaux, exposant mon visage aux rayons brûlants du soleil, la mère de Dieu daigna m'apparaître; et, dans une vision pleine de majesté, elle me commanda de quitter ma basse profession, et de délivrer mon pays de ses calamités: elle me promit son assistance et me garantit le succès. Elle daigna se révéler à moi dans toute sa gloire. J'étais noire et basanée auparavant; les purs rayons de lumière qu'elle versa sur moi me douèrent de cette beauté que vous voyez. Fais-moi toutes les questions que tu pourras imaginer, et je répondrai sans préparation; essaye mon courage dans un combat, si tu l'oses, et tu verras que je surpasse mon sexe. Sois certain de ceci: tu seras heureux si tu me reçois pour ton compagnon de guerre.

      CHARLES. – Tu m'as étonné par la hauteur de ton discours. Je ne veux que cette preuve de ton mérite; tu lutteras avec moi dans un combat singulier: si tu as l'avantage, tes paroles sont vraies; autrement je te refuse ma confiance.

      LA PUCELLE. – Je suis prête. Voilà mon épée à la pointe affilée, ornée de chaque côté de cinq fleurs de lis. Je l'ai choisie dans le cimetière de Sainte-Catherine en Touraine, parmi un amas de vieilles armes.

      CHARLES. – Viens donc: par le saint nom de Dieu! je ne crains aucune femme.

      LA PUCELLE. – Et moi, tant que je vivrai, je ne fuirai jamais devant un homme.

(Ils combattent.)

      CHARLES. – Arrête, arrête; tu es une amazone: tu combats avec l'épée de Débora.

      LA PUCELLE. – La mère du Christ me seconde; sans elle, je serais trop faible.

      CHARLES. – Quelle que soit la main qui te secoure, c'est toi qui dois me secourir. Un désir ardent consume mon âme; tu as vaincu à la fois et ma force et mon coeur. Sublime Pucelle, si tel est ton nom, permets que je sois ton serviteur et non pas ton souverain: c'est le dauphin de France qui te conjure ainsi.

      LA PUCELLE. – Je ne dois céder à aucun voeu d'amour, car ma vocation a été consacrée d'en haut. Quand j'aurai chassé tes ennemis de ces lieux, je songerai alors à une récompense.

      CHARLES. – En attendant, jette un regard de bonté sur ton esclave dévoué.

      RENÉ, en dedans de la tente avec Alençon. – Monseigneur, il me semble, a un long entretien.

      ALENÇON. – N'en doutez pas: il sonde cette femme en tout sens; autrement il n'aurait pas prolongé à ce point la conférence.

      RENÉ. – Le dérangerons-nous, puisqu'il ne garde aucune mesure?

      ALENÇON. – Il prend peut-être des mesures plus profondes que nous ne savons: les femmes sont de rusées tentatrices avec leur langue.

      RENÉ. – Mon prince, où êtes-vous? Quel objet vous occupe si longtemps? Abandonnerons-nous Orléans, ou non?

      LA PUCELLE. – Non, non, vous dis-je, infidèles sans foi! Combattez jusqu'au dernier soupir: je serai votre sauvegarde.

      CHARLES. – Ce qu'elle dit, je le confirmerai: nous combattrons jusqu'à la fin.

      LA PUCELLE. – Je suis destinée à être le fléau des Anglais. Cette nuit je ferai certainement lever le siége. Puisque je me suis engagée dans cette guerre, comptez sur un été de la Saint-Martin, sur les jours de l'alcyon. La gloire est comme un cercle dans l'onde; il ne cesse de s'élargir et de s'étendre, jusqu'à ce qu'à force de s'étendre il s'évanouisse. La mort de Henri est le terme où finit le cercle des Anglais; toutes les gloires qu'il renfermait sont dispersées. Je suis maintenant comme cet orgueilleux vaisseau qui portait César et sa fortune.

      CHARLES. – Si Mahomet était inspiré par une colombe 8, tu l'es donc, toi, par un aigle. Ni Hélène, la mère du grand Constantin, ni les filles de saint Philippe 9 ne t'égalèrent jamais. Brillante étoile de Vénus, descendue sur la terre, par quel culte assez respectueux pourrai-je t'adorer?

      ALENÇON. – Abrégeons les délais, et faisons lever le siége.

      RENÉ. – Femme, fais ce qui est en ton pouvoir pour sauver notre honneur. Chasse-les d'Orléans, et immortalise-toi.

      CHARLES. – Nous allons en faire l'essai. Allons, marchons à l'entreprise. Si sa promesse est trompeuse, je ne crois plus à aucun prophète.

(Ils sortent.)

      SCÈNE III

Londres. – Colline devant la Tour Entre LE DUC DE GLOCESTER qui s'approche des portes de la Tour, avec ses gens vêtus de bleu

      GLOCESTER. – Je viens pour visiter la Tour: je crains que depuis la mort de Henri il ne s'y soit commis quelque larcin. Où sont donc les gardes, qu'on ne les trouve pas à leur poste? Ouvrez les portes: c'est Glocester qui vous appelle.

      PREMIER GARDE. – Qui frappe ainsi en maître?

      PREMIER SERVITEUR DE GLOCESTER. – C'est le noble duc de Glocester.

      DEUXIÈME GARDE. – Qui que ce soit, vous ne pouvez entrer ici.

      DEUXIÈME SERVITEUR DE GLOCESTER. – Misérables, est-ce ainsi que vous répondez au lord protecteur?

      PREMIER GARDE. – Que Dieu protége le protecteur: voilà notre réponse. Nous n'agissons que d'après nos ordres.

      GLOCESTER. – Qui vous les a donnés? Quelle autre volonté que la mienne doit commander ici? Il n'est point d'autre protecteur du royaume que moi. (A ses gens.) Forcez ces portes: je serai votre garant. Me laisserai-je jouer de la sorte par de vils esclaves?

(Les gens de Glocester cherchent à forcer les portes.)

      WOODVILLE, en dedans. – Quel est ce bruit? Qui sont ces traîtres?

      GLOCESTER. – Lieutenant, est-ce vous dont j'entends la voix? Ouvrez les portes: c'est Glocester qui veut entrer.

      WOODVILLE. – Patience, noble duc; je ne puis ouvrir. Le cardinal de Winchester le défend: j'ai reçu de lui l'ordre exprès de ne laisser