Darwin Charles

Observations Géologiques sur les Îles Volcaniques Explorées par l'Expédition du «Beagle»


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Terceira, roches trachytiques; leur décomposition remarquable par l'action de la vapeur à haute température. —Tahiti, passage de la wacke au trapp: roche volcanique intéressante à vacuoles tapissées de mésotype. —Maurice, preuves de son émersion récente; structure de ses plus anciennes montagnes; analogie avec San Thiago. —Rochers de Saint-Paul. Ils ne sont pas d'origine volcanique, leur composition minéralogique singulière.

       Fernando Noronha. – J'ai observé fort peu de choses dignes d'une description pendant notre courte visite à cette île et aux quatre îles suivantes. Fernando Noronha est située dans l'océan Atlantique, par 3°50' lat. S., et à 230 milles de la côte de l'Amérique méridionale. Ce groupe est formé de divers îlots, ayant ensemble 9 milles de longueur sur 3 de largeur. Tout l'ensemble paraît être d'origine volcanique; bien qu'il n'y ait de trace d'aucun cratère ni d'aucune éminence centrale. Le trait le plus remarquable de l'île est une colline haute de 1.000 pieds, dont la partie supérieure, comprenant 400 pieds, constitue un cône escarpé d'une forme étrange, composé de phonolite colonnaire contenant de nombreux cristaux de feldspath vitreux et quelques aiguilles de hornblende. Du point le plus élevé qu'il m'ait été possible d'atteindre sur cette colline, j'ai pu apercevoir, dans différentes parties du groupe, plusieurs autres collines coniques, qui sont probablement de la même nature.

      Il y a à Sainte-Hélène de grandes masses protubérantes et coniques de phonolite, hautes d'environ 1.000 pieds, formées par l'injection de lave feldspathique fluide dans des couches qui ont cédé sous la pression. Si, comme tout le fait supposer, cette colline a une origine semblable, la dénudation doit s'être produite ici sur une très grande échelle. Près de la base de la colline, j'ai observé des lits de tuf blanc coupés par de nombreux dikes de basalte amygdaloïde ou de trachyte, et des lits de phonolite schisteux avec plans de feuilletage orientés N. – W. et S. – E. Certaines parties de cette roche, où les cristaux étaient rares, ressemblaient beaucoup à une ardoise ordinaire modifiée au contact d'un dike de trapp. Ce feuilletage de roches qui ont été incontestablement fluides me semble un sujet bien digne d'attention. Sur la plage il y avait de nombreux fragments de basalte compact, et à distance on voyait comme une façade à colonnes formées par cette roche.

       Terceira dans les Açores. – La partie centrale de cette île est constituée par des montagnes irrégulièrement arrondies, assez peu élevées, formées de trachyte dont le caractère général se rapproche beaucoup de celui du trachyte de l'Ascension que nous décrirons plus loin. Cette formation est recouverte en bien des points, et suivant l'ordre de superposition ordinaire, par des coulées de lave basaltique, qui, près de la côte, constituent la surface du sol presque tout entière. On peut souvent suivre de l'oeil la route que ces coulées ont parcourue à partir de leurs cratères. La ville d'Angra est dominée par une colline cratériforme (Mount Brazil), entièrement constituée par des couches minces d'un tuf à grain fin, rude au toucher et coloré en brun. Les couches supérieures paraissent recouvrir les coulées basaltiques sur lesquelles la ville est bâtie. Cette colline est presque identique, au point de vue de la structure et de la composition, à un grand nombre de collines cratériformes de l'archipel des Galapagos.

       Action de la vapeur d'eau sur les roches trachytiques. – Dans la partie centrale de l'île, on observe en un point des vapeurs qui s'échappent constamment, en jets, du fond d'une petite dépression en forme de ravin sans issue, et qui est accolée à une chaîne de montagnes trachytiques. La vapeur est projetée de plusieurs fentes irrégulières; elle est inodore, noircit rapidement le fer, et possède une température beaucoup trop élevée pour que la main puisse la supporter. Le trachyte compact est altéré d'une manière fort curieuse sur les bords de ces orifices: la base devient d'abord terreuse, avec des taches rouges dues évidemment à l'oxydation de particules de fer; ensuite elle devient tendre, et enfin les cristaux de feldspath vitreux cèdent eux-mêmes à l'agent de décomposition. Lorsque toute la masse est transformée en argile, l'oxyde de fer semble entièrement éliminé de certaines parties de la roche qui sont parfaitement blanches, tandis qu'il paraît s'être déposé en grande quantité sur des parties voisines colorées d'un rouge éclatant; d'autres masses sont marbrées de ces deux couleurs. Certains échantillons de cette argile blanche, maintenant desséchés, ne sauraient être distingués à l'oeil nu de la craie lavée la plus fine; et broyés sous la dent, ils présentent l'impression d'une finesse de grain uniforme; les habitants se servent de cette substance pour badigeonner leurs maisons. La cause pour laquelle le fer a été dissous dans certaines parties de la roche et déposé à peu de distance de là, est obscure, mais le fait a été observé en plusieurs autres points13. J'ai trouvé, dans des échantillons à moitié décomposés, de petits agrégats globulaires d'hyalite jaune, ressemblant à de la gomme arabique, et qui a été, sans aucun doute, déposée par la vapeur.

      Comme il n'y a pas d'issue pour l'eau de pluie, qui ruisselle le long des parois de la cavité en forme de ravin d'où s'échappe la vapeur, toute la masse doit passer au travers des fissures qui sont au fond de cette cavité et s'infiltrer dans le sol. Quelques habitants m'ont rapporté que, d'après la tradition, des flammes (un phénomène lumineux?) s'étaient échappées autrefois de ces fissures, et qu'aux flammes avaient succédé des émanations de vapeur; mais il m'a été impossible d'obtenir des renseignements certains, quant à la date à laquelle ces faits se seraient produits, ni sur les faits eux-mêmes.

      L'étude des lieux m'a conduit à supposer que l'injection d'une grande masse rocheuse semi-fluide, comme serait le cône de phonolite à Fernando Noronha, en soulevant en voûte la surface du sol, peut avoir déterminé la formation d'une cavité en forme de coin à fond crevassé, et que l'eau des pluies, pénétrant jusqu'au voisinage des masses à haute température, a été transformée en vapeur et expulsée sous cette forme pendant une longue suite d'années.

       Tahiti (Otaheite). – Je n'ai visité qu'une partie de la région nord-ouest de cette île, elle est entièrement formée de roches volcaniques. Près de la côte on observe plusieurs variétés de basalte, dont les unes abondent en grands cristaux d'augite et en olivine altérée, et dont d'autres sont compactes et terreuses; – quelques-unes sont légèrement vésiculaires, et d'autres parfois amygdaloïdes. Ces roches sont d'habitude fortement décomposées, et, à ma grande surprise, je remarquai que dans plusieurs coupes il était impossible de distinguer, même approximativement, la ligne de séparation entre la lave décomposée et les lits de tuf alternant avec elle. Depuis que les échantillons se sont desséchés, il est cependant plus facile de distinguer les roches ignées décomposées des tufs sédimentaires. Je pense que l'on peut expliquer cette transition de caractères entre des roches dont l'origine est aussi différente, par le fait que les parois des cavités vésiculaires, qui occupent une grande partie de la masse dans plusieurs roches volcaniques, ont cédé sous la pression, lorsqu'elles étaient ramollies par l'action de la chaleur. Comme le nombre et la dimension des vacuoles s'accroissent généralement dans les parties supérieures d'une coulée de lave, les effets de leur compression s'accroîtront en même temps. En outre, chaque vacuole située plus bas doit contribuer, en cédant sous la pression, à déranger toute la masse pâteuse qui la surmonte. Nous pouvons donc nous attendre à trouver une gradation complète depuis une roche cristalline non modifiée jusqu'à une roche dont toutes les particules (quoique faisant partie, à l'origine, d'une même masse solide) ont subi un déplacement mécanique; et ces particules pourront être difficilement distinguées d'autres dont la composition est la même, mais qui ont été déposées comme matières sédimentaires. Puisque des laves sont quelquefois laminées à leur partie supérieure, on comprend que des lignes horizontales, rappelant celles des dépôts aqueux, ne peuvent pas dans tous les cas être envisagées comme une preuve d'origine sédimentaire. Si l'on tient compte de ces considérations, on ne sera pas surpris qu'autrefois beaucoup de géologues aient cru qu'il existait des transitions réelles réunissant les dépôts aqueux, en passant par la wacke, aux trapps ignés.

      Dans la vallée de Tia-auru, les roches les plus fréquentes sont des basaltes riches en olivine, et parfois presque entièrement composés de grands cristaux d'augite. J'ai recueilli quelques spécimens contenant beaucoup de feldspath vitreux et dont le caractère se rapproche de celui du trachyte. On rencontre aussi