Darwin Charles

Observations Géologiques sur les Îles Volcaniques Explorées par l'Expédition du «Beagle»


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de taches, irrégulièrement arrondies, d'une matière terreuse, ocreuse et tendre. Cette matière terreuse présente une couleur brun-jaunâtre pâle, et paraît être un mélange de fer et de carbonate de chaux; elle fait effervescence avec les acides, elle est infusible mais noircit au chalumeau et devient magnétique. La forme arrondie des petites taches de substance terreuse, ainsi que les diverses étapes qu'on peut constater jusqu'à leur isolement parfait, et qu'on peut suivre en examinant une série d'échantillons, montrent clairement qu'elles ont été formées, soit par l'attraction des particules terreuses entre elles, soit plus vraisemblablement par une attraction réciproque des atomes de carbonate de chaux amenant alors la ségrégation de ces impuretés terreuses étrangères. Ce fait m'a vivement intéressé, car j'avais observé souvent des roches quartzeuses (par exemple aux îles Falkland, et dans les couches siluriennes inférieures des Stiper-Stones dans le Shropshire) mouchetées, d'une manière précisément analogue, par de petites taches d'une substance terreuse blanchâtre (feldspath terreux?); on avait déjà toutes raisons de croire alors que ces roches avaient été modifiées ainsi sous l'action de la chaleur, et cette hypothèse reçoit maintenant sa confirmation. Cette texture tachetée pourrait fournir peut-être quelques indications pour distinguer les roches quartzeuses, qui doivent leur structure actuelle à une action ignée, de celles formées par voie purement aqueuse; distinction qui doit avoir fait hésiter bien des géologues dans l'étude des régions arénacéo-quartzeuses, si j'en juge par ma propre expérience.

      En s'épanchant sur les sédiments étalés au fond de la mer, les parties inférieures et les plus scoriacées de la lave ont empâté une grande quantité de matière calcaire, qui forme maintenant la pâte très cristalline et blanche comme neige, d'une brèche renfermant de petits fragments de scories noires et brillantes. Un peu au-dessus de cette couche, là où le calcaire est moins abondant et la lave plus compacte, les interstices de la masse de lave sont remplis d'un grand nombre de petites sphères, formées de spicules de calcaire spathique, qui rayonnent autour d'un centre commun. Dans une certaine partie de Quail-island, où les laves surincombantes n'ont pas plus de 14 pieds d'épaisseur, le calcaire a pu cristalliser sous l'influence de la chaleur dégagée par ces matières éruptives; on ne peut pas admettre que cette faible couche de lave ait été plus épaisse à l'origine, et que son épaisseur ait été réduite par une érosion postérieure, l'état celluleux de sa surface nous le montre. J'ai déjà fait observer que la mer où le dépôt calcaire s'est opéré devait être peu profonde; le dégagement de l'anhydride carbonique a donc été entravé par une pression de loin inférieure à celle, équivalant à une colonne d'eau haute de 1.708 pieds, que Sir James Hall considérait comme nécessaire pour empêcher ce dégagement. Depuis l'époque de ses expériences on a découvert que c'est moins la pression que la nature de l'atmosphère ambiante qui intervient pour retenir l'acide carbonique gazeux. Ainsi, il résulte d'expériences de M. Faraday7 que des masses importantes de calcaire se fondent quelquefois et cristallisent, même dans des fours à chaux ordinaires. Suivant M. Faraday, le carbonate de chaux peut être chauffé, pour ainsi dire, à toute température dans une atmosphère d'acide carbonique, sans se décomposer; et Gay-Lussac a montré que des fragments de calcaire, chauffés dans un tube à une température insuffisante par elle-même pour provoquer leur décomposition, dégageaient cependant l'acide carbonique dès qu'on faisait passer au travers du tube un courant d'air ou de vapeur d'eau: Gay-Lussac attribue ce phénomène au déplacement de l'acide carbonique naissant. La matière calcaire, qui se trouve sous la lave, surtout celle qui forme les aiguilles cristallines renfermées dans les vacuoles des scories, ne peut pas avoir subi l'action du passage d'un courant gazeux, quoiqu'elle ait été chauffée dans une atmosphère contenant vraisemblablement une très forte proportion de vapeur d'eau. Peut-être est-ce pour cette raison qu'elle a conservé son acide carbonique sous cette pression relativement faible.

      Les fragments de scories renfermés dans la pâte calcaire cristalline sont d'un noir de jais, à cassure brillante comme celle de la rétinite. Cependant leur surface est recouverte d'une couche d'une substance translucide orange-rougeâtre, que l'on peut gratter facilement au canif; ces fragments apparaissent alors comme s'ils étaient recouverts d'une couche mince de matière résineuse. Les plus petits d'entre eux présentent des parties complètement transformées en cette substance; transformation qui semble tout à fait différente d'une décomposition ordinaire. Nous verrons dans un autre chapitre qu'à l'archipel des Galapagos de grandes couches de cendres volcaniques, avec particules scoriacées, ont subi une transformation à peu près identique.

       Extension et horizontalité du dépôt calcaire. – La limite supérieure du dépôt calcaire, si nettement marquée à cause de la couleur blanche de cette roche, et si voisine de l'horizontale, court le long de la côte sur une distance de plusieurs milles, à l'altitude de 60 pieds environ au-dessus du niveau de la mer. La nappe de basalte qui la recouvre présente une épaisseur moyenne de 80 pieds. A l'ouest de Porto-Praya, au-delà de Red Hill, la couche blanche avec le basalte qui la surmonte, sont recouverts par des coulées plus récentes. J'ai pu la suivre de l'oeil, au nord de Signal-Post Hill, s'étendant au loin sur une distance de plusieurs milles, le long des falaises de la côte. Mes observations ont porté sur une étendue d'environ 7 milles le long de la côte, mais la régularité de cette couche me porterait à croire qu'elle s'étend beaucoup plus loin. Dans des ravins perpendiculaires à la côte, on la voit plonger doucement vers la mer, probablement suivant l'inclinaison qu'elle présentait lors de son dépôt sur les anciens rivages de l'île. Je n'ai trouvé dans l'intérieur de l'île qu'une seule coupe où cette couche fût visible, à la hauteur de quelques centaines de pieds, c'est à la base de la colline marquée A; elle y repose, comme d'habitude, sur la roche augitique compacte associée avec de la wacke, et elle y est recouverte par la grande nappe de lave basaltique récente. En certains points cependant cette couche blanche ne conserve pas son horizontalité; à Quail-island sa surface supérieure ne s'élève qu'à 40 pieds au-dessus du niveau de la mer; ici également la nappe de lave qui la recouvre n'a que 12 à 15 pieds d'épaisseur; d'autre part, au nord-est du port de Porto-Praya, la couche calcaire ainsi que la roche sur laquelle elle repose atteignent une hauteur supérieure au niveau moyen. Je crois que dans ces deux cas la différence de niveau ne provient pas d'un exhaussement inégal, mais de l'irrégularité primitive du fond de la mer. Ce fait peut être démontré à Quail-island, car le dépôt calcaire y offre en un certain point une épaisseur de beaucoup supérieure à la moyenne, alors qu'en d'autres points cette roche ne se montre pas; dans ce dernier cas les laves basaltiques récentes reposent directement sur les laves plus anciennes.

      Sous Signal-Post Hill la couche blanche plonge dans la mer d'une manière bien intéressante. Cette colline est conique, haute de 450 pieds, et offre encore quelques traces de structure cratériforme; elle est constituée en majeure partie de matières éruptives émises postérieurement au soulèvement de la grande plaine basaltique, mais en partie aussi de laves très anciennes, probablement de formation sous-marine. La plaine environnante et le flanc oriental de la colline ont été découpés par l'érosion en falaises escarpées surplombant la mer. La couche calcaire blanche est visible dans ces ravinements à la hauteur de 70 pieds environ au-dessus du rivage, et s'étend au nord et au sud de la colline, sur une longueur de plusieurs milles, en dessinant une ligne qui paraît parfaitement horizontale; mais, au-dessous de la colline, elle plonge dans la mer et disparaît sur une longueur d'environ un quart de mille. Le plongement est graduel du côté du sud, et plus brusque du côté du nord, comme le montre la figure. Ni la couche calcaire ni la lave basaltique surincombante (pour autant qu'on puisse distinguer cette dernière des coulées plus récentes) n'augmentent d'épaisseur à mesure qu'elles plongent; j'en conclus que ces couches n'ont pas été originairement accumulées dans une dépression dont le centre serait devenu plus tard un point d'éruption, mais qu'elles ont été dérangées et ployées postérieurement à leur dépôt. Nous pouvons supposer, ou bien que Signal-Post Hill, après son soulèvement, s'est abaissé avec la région environnante, ou bien qu'il n'a jamais été soulevé à la même hauteur qu'elle. Cette dernière hypothèse me paraît la plus vraisemblable, car, durant le soulèvement lent et uniforme de cette partie de l'île, l'énergie souterraine, affaiblie par des éruptions répétées de matières volcaniques émises au-dessous de ce point, devait nécessairement conserver moins