Чарльз Диккенс

Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. I


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ses flancs en avant, la tête d'un côté de la rue, la queue de l'autre.

      M. Pickwick n'avait point le loisir d'observer ce qui se passait derrière lui, car il était obligé de concentrer toutes ses facultés ratiocinantes sur la conduite de l'animal attaché à la voiture. Celui-ci déployait des singularités, fort amusantes pour un spectateur désintéressé, mais fort peu rassurantes pour ceux qui se trouvaient entraînés à sa suite. Secouant sans cesse sa tête d'une manière aussi déplaisante qu'incommode, il pesait sur les guides avec tant de force que M. Pickwick avait beaucoup de peine à le soutenir, et pour comble d'infortune il éprouvait un étrange plaisir à se jeter tout d'un coup sur un côté de la route. Là il s'arrêtait court; puis il repartait pendant quelques minutes avec une vélocité qu'il était physiquement impossible de modérer.

      Il venait d'exécuter cette manœuvre pour la vingtième fois, lorsque M. Snodgrass dit à son compagnon:

      «Qu'a donc ce cheval?

      – Je n'en sais rien, répondit M. Tupman. N'est-ce pas qu'il serait ombrageux? Cela m'en a bien l'air.»

      M. Snodgrass allait répliquer, quand il fut interrompu par un cri de M. Pickwick.

      «Oh! disait-il. J'ai laissé tomber mon fouet!»

      Dans ce moment, M. Winkle, avec son chapeau enfoncé sur ses oreilles, arrivait en trottant sur l'énorme cheval, qui le secouait avec tant de violence qu'il semblait devoir le mettre en pièces.

      «Winkle, lui cria M. Snodgrass. Vous qui êtes un bon garçon, ramassez donc le fouet.»

      M. Winkle, se penchant en arrière, tira la bride avec tant d'efforts que son visage en devint tout noir. Lorsqu'il fut parvenu à arrêter son grand coursier, il descendit, tendit le fouet à M. Pickwick, et, saisissant les rênes, se prépara à remonter.

      Nous ne saurions dire, et on le comprendra facilement, si le grand cheval, dans l'innocente gaieté de son cœur, voulut s'amuser un peu avec M. Winkle; on s'il s'imagina qu'il trouverait plus de plaisir à faire la route sans cavalier; mais, quels que fussent ses motifs déterminants, le fait est que M. Winkle avait à peine touché les rênes, lorsque l'animal, baissant la tête, les fit glisser par-dessus, et s'élança en arrière de toute leur longueur.

      «Bonne bête, dit M. Winkle d'une voix insinuante; bon vieux cheval!»

      Mais la bonne bête était à l'épreuve de la flatterie, et plus M. Winkle s'efforçait de l'approcher, plus elle avait soin de se tenir à distance: tellement qu'au bout de dix minutes, et malgré toutes sortes de cajoleries et de ruses, M. Winkle et le grand cheval, après avoir continuellement tourné l'un autour de l'autre se retrouvaient exactement dans la même position. C'était une situation fort désagréable en toutes circonstances, et principalement sur une route déserte, où l'on ne pouvait se procurer aucun secours.

      Ce manège s'étant prolongé encore quelque temps, M. Winkle cria à ses compagnons:

      «Comment vais-je faire? Je ne puis pas monter dessus?

      – Vous ferez bien de le conduire ainsi jusqu'à ce que nous arrivions à une barrière; répliqua M. Pickwick de son siége.

      – Mais il ne veut pas avancer! s'écria M. Winkle, venez, je vous en prie, me le tenir un peu.

      M. Pickwick était la personnification de l'obligeance et de l'humanité. Il jeta les guides sur le dos de son cheval, descendit du siége, conduisit soigneusement la voiture le long de la haie, afin de ne point embarrasser la route, et retourna vers son compagnon pour soulager sa détresse, laissant dans la voiture M. Tupman et M. Snodgrass.

      Aussitôt que le cheval vit M. Pickwick s'avancer vers lui avec son grand fouet dans sa main, il fit succéder au mouvement de rotation dont il s'était amusé jusqu'alors un mouvement rétrograde si décidé, qu'il força M. Winkle, qui ne voulait pas lâcher le bout de la bride, à marcher d'une vitesse extrême du côté de Rochester. M. Pickwick courut à son secours; mais plus M. Pickwick courait en avant, plus le cheval courait en arrière. Ses pieds sonnaient sur la route; la poussière volait autour de lui, et, à la fin, M. Winkle, dont les bras étaient presque démantibulés, fut obligé de laisser aller la bride. Le cheval s'arrêta, regarda autour de lui d'un air étonné, se retourna, et se mit à trotter tranquillement vers son écurie, laissant là M. Winkle et M. Pickwick, qui échangèrent entre eux des regards de désappointement. Tout à coup le roulement d'une voiture à peu de distance attira leur attention; ils tournèrent la tête: «Il ne manquait plus que cela! s'écria M. Pickwick avec désespoir; voilà l'autre cheval qui s'en va aussi!»

      Cela n'était que trop vrai. Le bucéphale de la chaise avait été effrayé par le bruit que faisait son compagnon; il avait la bride sur le cou, et l'on peut sans peine imaginer le résultat!

      Il s'échappa, entraînant avec rapidité MM. Tupman et Snodgrass. Hélas! leur carrière ne fut pas longue. M. Tupman, hors de lui-même, se jeta dans la haie, et M. Snodgrass suivit instinctivement son exemple. Le cheval brisa la voiture contre un pont de bois, sépara les roues du brancard, le brancard de la caisse, et, finalement, resta immobile à contempler les ruines qu'il avait faites.

      Le premier soin des deux amis intacts fut d'extraire les deux amis naufragés de leur lit d'épines. Quand ils y furent parvenus, ils s'aperçurent avec une satisfaction inexprimable que ceux-ci n'avaient pas souffert de dommage sérieux, et qu'ils en étaient quittes pour de nombreuses déchirures dans leurs vêtements et dans leur peau. Tous ensemble, ils s'occupèrent alors à débarrasser le cheval des débris de la chaise; et lorsque cette opération compliquée fut terminée, ils le placèrent au milieu d'eux, et poursuivirent lentement leur chemin, abandonnant les restes de la voiture à leur triste destinée.

      Une heure de marche amena nos voyageurs auprès d'une petite auberge plantée entre deux ormes sur le bord de la route. On voyait par-devant une grande auge et une énorme enseigne; par derrière, une ou deux meules déformées; sur le côté, un jardin potager; et tout autour, entassés dans une étrange confusion, des hangars ruinés et des appentis couverts de mousse. Un paysan, porteur d'une tête rousse, travaillait dans le jardin. M. Pickwick l'aperçut et lui cria: «Ohé, là bas!» Le paysan se releva lentement, abrita ses yeux avec ses mains, et examina froidement M. Pickwick et ses compagnons.

      «Ohé, là bas! répéta M. Pickwick.

      – Ohé, répondit la tête rousse.

      – Combien y a-t-il d'ici à Dingley-Dell?

      – Sept bons milles.

      – La route est-elle bonne?

      – Non!» rétorqua brièvement le paysan. Puis, ayant fait subir à nos voyageurs un nouvel examen, il se remit à travailler, sans s'occuper d'eux davantage.

      «Nous voudrions laisser ce cheval ici, reprit M. Pickwick.

      – Laisser le cheval ici? répéta l'homme en s'appuyant sur sa bêche.

      – Précisément, répondit M. Pickwick, qui s'était avancé avec son coursier jusqu'à la porte de la palissade du jardin.

      – Maîtresse! beugla l'homme à la tête rousse, en sortant du potager et en regardant le cheval d'un air soupçonneux; maîtresse!»

      Une grande femme osseuse et toute droite du haut en bas répondit à cet appel. Elle était couverte d'un gros sarrau bleu, et sa taille se trouvait à un pouce ou deux de ses aisselles.

      «Ma bonne femme, dit M. Pickwick en s'approchant et en faisant usage de sa voix la plus insinuante, pouvons-nous laisser ce cheval ici?»

      Le paysan dit quelque chose à l'oreille de la grande femme. Celle-ci regarda toute la caravane du haut en bas, et, après un instant de réflexion, répondit: «Non, je n'en avons pas le cœur!

      – Le cœur! répéta M. Pickwick; qu'est-ce qu'elle parle de son cœur?

      – J'avons été inquiétée pour ça l'autre fois, dit la femme, en rentrant dans la maison, et je ne voulons pu rien y voir.

      – Voilà la chose la plus extraordinaire qui me soit jamais arrivée dans tous mes voyages, s'écria M. Pickwick, rempli