Чарльз Диккенс

Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. I


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habitation! situation délicieuse! dit-il.

      – Délicieuse! répétèrent MM. Snodgrass, Tupman et Winkle.

      – Oui, je m'en flatte, repondit M. Wardle.

      – Monsieur, dit l'homme à la tête de pomme de reinette, il n'y a pas un meilleur morceau de terre dans tout le comté de Kent; il n'y en a pas, en vérité, monsieur. Je suis sûr qu'il n'y en a pas!» Et il regarda autour de lui d'un air triomphant, comme s'il avait été violemment contredit par quelqu'un, et qu'il fût parvenu à lui imposer silence.

      «Il n'y a pas un meilleur morceau de terre dans tout le comté de Kent, répéta l'homme à la tête de pomme de reinette, après une pause.

      – Excepté le pré de Mullins, articula solennellement le gros gentleman.

      – Le pré de Mullins! s'écria l'autre avec un profond mépris.

      – C'est une excellente terre, insinua un second gros homme.

      – Oui, assurément, dit un troisième gros homme.

      – Tout le monde sait cela,» poursuivit l'hôte corpulent.

      L'homme à tête de pomme de reinette regarda dubitativement autour de lui; mais, se trouvant décidément en minorité, il prit un air de supériorité compatissante, et n'ajouta plus rien.

      «De quoi parle-t-on? demanda la vieille dame à l'une de ses petites-filles d'un son de voix très-élevé; car, suivant l'usage des sourds, elle ne semblait pas imaginer que d'autres pussent entendre ce qu'elle-même disait.

      – On parle de la terre, grand'maman.

      – Qu'est-ce qu'on dit de la terre? Est-ce qu'il est arrivé quelque chose?

      – Non, non. M. Miller disait que notre terre est meilleure que le pré de Mullins.

      – Qu'est-ce qu'il en sait? demanda la vieille dame avec indignation. Miller est un fat impertinent, et vous pouvez le lui dire de ma part.» Ayant proféré cette sentence, la vieille dame se redressa, et regarda le délinquant d'un air sévère, sans se douter un seul instant qu'elle avait parlé de manière à être entendue de tout le monde.

      – Allons! allons! fit M. Wardle en s'empressant avec une anxiété naturelle de changer la conversation; que dites-vous d'un whist, monsieur Pickwick?

      – Je l'aimerais par-dessus toute chose; mais, je vous prie, ne le faites pas à cause de moi.

      – Oh! je vous assure que ma mère aime beaucoup à faire son whist. N'est-ce pas vrai, ma mère?»

      La vieille dame, qui était beaucoup moins sourde sur ce sujet que sur tout autre, répondit affirmativement.

      «Joe! Joe! cria le vieux gentleman, Joe! damné garçon… Ah! le voilà! Dressez les tables de jeu.»

      Le léthargique jeune homme vint à bout de dresser, sans autre stimulant, deux tables de jeu: l'une pour faire le whist, l'autre pour jouer à la papesse Jeanne. Les joueurs de whist étaient: M. Pickwick et la vieille lady, M. Miller et le gros gentleman. L'autre jeu comprenait le reste de la société.

      Le whist fut conduit avec tout le sérieux, avec toute la gravité qu'exige cet acte solennel, auquel, suivant nous, on a mal à propos et avec irrévérence donné le nom de jeu. Mais, à la table ronde, on faisait éclater une gaieté si bruyante, qu'elle nuisait notablement aux réflexions de M. Miller. Ce malheureux personnage n'étant pas aussi absorbé par son jeu qu'il aurait dû l'être, tombait dans des fautes, dans des crimes impardonnables, qui excitaient au plus haut degré la rage du gros gentleman, et éveillaient proportionnellement la bonne humeur de la vieille lady.

      «Ah! ah! fit le criminel Miller d'un ton victorieux en prenant la septième levée. Je ne pouvais pas mieux jouer, j'espère; il était impossible de faire un trick de plus.»

      La vieille dame ne le laissa pas longtemps dans cette heureuse situation d'esprit. «Miller aurait dû couper le carreau, dit-elle; n'est-il pas vrai, monsieur?»

      M. Pickwick salua affirmativement.

      Le joueur infortuné fit un appel à la générosité de son partner en disant d'un ton dubitatif: «Devais-je réellement le couper?

      – Certainement, monsieur, répondit sèchement le gros gentleman.

      – J'en suis désolé, répliqua Miller avec abattement.

      – Il est bien temps! grommela son partner.

      – Deux d'honneurs. Cela nous fait huit,» dit M. Pickwick.

      On redonna des cartes.

      «Pouvez-vous en faire encore une? demanda la vieille dame.

      – Oui, répondit M. Pickwick. Double, simple; et le rob.

      – On n'a jamais vu une pareille chance! fit observer M. Miller.

      – Ni d'aussi vilaines cartes!» ajouta le gros gentleman.

      Un silence solennel s'ensuivit. M. Pickwick était enjoué, la vieille dame attentive, le gros gentleman querelleur, et M. Miller craintif.

      «Encore une partie double! s'écria la vieille dame triomphante, en plaçant sous le flambeau une pièce de six pence et un demi-penny, sans empreinte, comme mémorandum du fait.

      – Encore une partie double, monsieur, dit M. Pickwick.

      – Je le sais bien, monsieur,» répliqua le gros gentleman avec aigreur.

      Dans le courant d'une autre partie, dont le résultat fut le même, M. Miller eut le malheur de faire une renonce. Aussi, le gros gentleman ne fut plus maître de contenir son irritation. La vieille dame, au contraire, entendait de mieux en mieux, tandis que l'infortuné Miller paraissait aussi peu dans son élément qu'un dauphin dans une guérite. Quand le whist fut terminé, le gros gentleman se retint dans un coin et resta parfaitement muet durant une heure vingt-sept minutes: alors seulement, sortant de sa retraite, il offrit à M. Pickwick une prise de tabac, avec l'air généreux d'un homme que la charité chrétienne engage à pardonner les injures qu'il a reçues.

      Pendant ces événements, le jeu de la table ronde continuait avec gaieté. Isabelle Wardle s'était associée avec M. Trundle, Émily Wardle avec M. Snodgrass, et qui plus est, M. Tupman et la tante demoiselle avaient aussi formé une société de fiches et de galanteries. Le vieux M. Wardle était au comble de la joie; il conduisait une banque avec tant d'astuce, les dames montraient tant d'âpreté au gain, qu'un tonnerre d'éclats de rire retentissait continuellement autour de la table. Il y avait une vieille lady qui était toujours obligée de payer pour une demi-douzaine de cartes. Tout le monde en riait régulièrement à chaque tour, et quand la vieille lady avait l'air vexé de payer, on riait encore plus fort: alors son visage s'épanouissait par degrés, et elle finissait par faire chorus avec les autres. Quand la tante demoiselle faisait un mariage, les jeunes personnes éclataient de nouveau et la tante demoiselle devenait de très-mauvaise humeur; mais elle sentait la main de M. Tupman qui saisissait la sienne par-dessous la table, et son visage s'épanouissait aussi, puis elle prenait un air à peu près malin, comme si le mariage n'avait pas été aussi loin de la question qu'on le supposait. Alors tout le monde recommençait à rire, surtout le vieux Wardle qui s'amusait d'une plaisanterie au moins autant que les plus jeunes. Cependant, M. Snodgrass murmurait continuellement dans l'oreille de sa partner des sentiments poétiques, qui faisaient faire à un vieux gentleman sur les associations pour les cartes et sur les associations pour la vie, des remarques facétieuses et malignes, accompagnées de coups d'œil, de coups de coude et de sourires. L'hilarité de la compagnie en était redoublée, et spécialement celle de l'épouse du susdit vieux gentleman. De temps en temps M. Winkle éditait des bons mots, fort connus dans la ville, mais qui ne l'étaient pas encore dans la province; et comme tout le monde en riait de très-bon cœur et les trouvait excellente, M. Winkle était resplendissant d'honneur et de gloire. Quant au bienveillant ecclésiastique, il regardait cette scène d'un air satisfait, car le bon vieillard était heureux de voir des visages heureux autour de lui; et, quoique la joie fût assez bruyante, elle venait du cœur, non des lèvres, c'est-à-dire que c'était la véritable joie, après