– S'il pouvait vous plaire de ne pas pousser plus loin vos griefs réciproques, de les oublier tout à fait, pour vous souvenir que le besoin présent vous invite à vous réconcilier?
LÉPIDE. – Sagement parlé, Mécène.
ÉNOBARBUS. – Ou bien empruntez-vous l'un à l'autre, pour le moment, votre affection; et quand vous n'entendrez plus parler de Pompée, alors vous vous la rendrez: vous aurez tout le loisir de vous disputer, quand vous n'aurez pas autre chose à faire.
ANTOINE. – Tu n'es qu'un soldat: tais-toi.
ÉNOBARBUS. – J'avais presque oublié que la vérité devait se taire.
ANTOINE. – Tu manques de respect à cette assemblée; ne dis plus rien.
ÉNOBARBUS. – Allons, poursuivez. Je suis muet comme une pierre.
CÉSAR. – Je ne désapprouve point le fond, mais bien, la forme de son discours. – Il n'est pas possible que nous restions amis, nos principes et nos actions différant si fort. Cependant, si je connaissais un lien assez fort pour nous tenir étroitement unis, je le chercherais dans le monde entier.
AGRIPPA. – Permettez-moi, César…
CÉSAR. – Parle, Agrippa.
AGRIPPA. – Vous avez du côté maternel une soeur, la belle Octavie. Le grand Marc-Antoine est veuf maintenant.
CÉSAR. – Ne parle pas ainsi, Agrippa; si Cléopâtre t'entendait, elle te reprocherait, avec raison, ta témérité…
ANTOINE. – Je ne suis pas marié, César; laissez-moi entendre Agrippa.
AGRIPPA. – Pour entretenir entre vous une éternelle amitié, pour faire de vous deux frères, et unir vos coeurs par un noeud indissoluble, il faut qu'Antoine épouse Octavie: sa beauté réclame pour époux le plus illustre des mortels; ses vertus et ses grâces en tout genre disent ce qu'elles peuvent seules exprimer. Cet hymen dissipera toutes ces petites jalousies, qui maintenant vous paraissent si grandes; et toutes les grandes craintes qui vous offrent maintenant des dangers sérieux s'évanouiront. Les vérités même ne vous paraîtront alors que des fables, tandis que la moitié d'une fable passe maintenant pour la vérité. Sa tendresse pour tous les deux vous enchaînerait l'un à l'autre et vous attirerait à tous deux tous les coeurs. Pardonnez ce que je viens de dire: ce n'est pas la pensée du moment, mais une idée étudiée et méditée par le devoir.
ANTOINE. – César veut-il parler?
CÉSAR. – Non, jusqu'à ce qu'il sache comment Antoine reçoit cette proposition.
ANTOINE. – Quels pouvoirs aurait Agrippa, pour accomplir ce qu'il propose, si je disais: Agrippa, j'y consens?
CÉSAR. – Le pouvoir de César, et celui qu'a César sur Octavie.
ANTOINE. – Loin de moi la pensée de mettre obstacle à ce bon dessein, qui offre tant de belles espérances! (A César.) Donnez-moi votre main, accomplissez cette gracieuse ouverture, et qu'à compter de ce moment un coeur fraternel inspire notre tendresse mutuelle et préside à nos grands desseins.
CÉSAR. – Voilà ma main. Je vous cède une soeur aimée comme jamais soeur ne fut aimée de son frère. Qu'elle vive pour unir nos empires et nos coeurs, et que notre amitié ne s'évanouisse plus!
LÉPIDE. – Heureuse réconciliation! Ainsi soit-il.
ANTOINE. – Je ne songeais pas à tirer l'épée contre Pompée: il m'a tout récemment accablé des égards les plus grands et les plus rares; il faut qu'au moins je lui en exprime ma reconnaissance, pour me dérober au reproche d'ingratitude: immédiatement après, je lui envoie un défi.
LÉPIDE. – Le temps presse; il nous faut chercher tout de suite Pompée, ou il va nous prévenir.
ANTOINE. – Et où est-il?
CÉSAR. – Près du mont Misène.
ANTOINE. – Quelles sont ses forces sur terre?
CÉSAR. – Elles sont grandes et augmentent tous les jours: sur mer, il est maître absolu.
ANTOINE. – C'est le bruit qui court. Je voudrais avoir eu une conférence avec lui: hâtons-nous de nous la procurer; mais avant de nous mettre en campagne, dépêchons l'affaire dont nous avons parlé.
CÉSAR. – Avec la plus grande joie, et je vous invite à venir voir ma soeur; je vais de ce pas vous conduire chez elle.
ANTOINE. – Lépide, ne nous privez pas de votre compagnie.
LÉPIDE. – Noble Antoine, les infirmités mêmes ne me retiendraient pas.
MÉCÈNE. – Soyez le bienvenu d'Égypte, seigneur Énobarbus.
ÉNOBARBUS. – Seconde moitié du coeur de César, digne Mécène! – Mon honorable ami Agrippa!
AGRIPPA. – Bon Énobarbus!
MÉCÈNE. – Nous devons être joyeux, en voyant tout si heureusement terminé. – Vous vous êtes bien trouvé en Égypte?
ÉNOBARBUS. – Oui, Mécène. Nous dormions tant que le jour durait, et nous passions les nuits à boire jusqu'à la pointe du jour.
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