Виктор Мари Гюго

Les contemplations. Aujourd'hui, 1843-1856


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emplations / Aujourd'hui, 1843-1856

      LIVRE QUATRIÈME

      PAUCA MEÆ

      I

      Pure Innocence! Vertu sainte!

      O les deux sommets d'ici-bas!

      Où croissent, sans ombre et sans crainte,

      Les deux palmes des deux combats!

      Palme du combat Ignorance!

      Palme du combat Vérité!

      L'âme, à travers sa transparence,

      Voit trembler leur double clarté.

      Innocence! Vertu! sublimes

      Même pour l'oeil mort du méchant!

      On voit dans l'azur ces deux cimes,

      L'une au levant, l'autre au couchant.

      Elles guident la nef qui sombre;

      L'une est phare, et l'autre est flambeau;

      L'une a le berceau dans son ombre,

      L'autre en son ombre a le tombeau.

      C'est sous la terre infortunée

      Que commence, obscure à nos yeux,

      La ligne de la destinée;

      Elles l'achèvent dans les cieux.

      Elles montrent, malgré les voiles

      Et l'ombre du fatal milieu,

      Nos âmes touchant les étoiles

      Et la candeur mêlée au bleu.

      Elles éclairent les problèmes;

      Elles disent le lendemain;

      Elles sont les blancheurs suprêmes

      De tout le sombre gouffre humain.

      L'archange effleure de son aile

      Ce faîte où Jéhovah s'assied;

      Et sur cette neige éternelle

      On voit l'empreinte d'un seul pied.

      Cette trace qui nous enseigne,

      Ce pied blanc, ce pied fait de jour,

      Ce pied rose, hélas! car il saigne,

      Ce pied nu, c'est le tien, amour!

Janvier 1843.

      II

      15 FÉVRIER 1843

      Aime celui qui t'aime, et sois heureuse en lui.

      -Adieu! – sois son trésor, ô toi qui fus le nôtre!

      Va, mon enfant béni, d'une famille à l'autre.

      Emporte le bonheur et laisse-nous l'ennui!

      Ici, l'on te retient; là-bas, on te désire.

      Fille, épouse, ange, enfant, fais ton double devoir.

      Donne-nous un regret, donne-leur un espoir,

      Sors avec une larme! entre avec un sourire!

Dans l'église, 15 février 1843.

      4 SEPTEMBRE 1843

      III

      TROIS ANS APRÈS

      Il est temps que je me repose;

      Je suis terrassé par le sort.

      Ne me parlez pas d'autre chose

      Que des ténèbres où l'on dort!

      Que veut-on que je recommence?

      Je ne demande désormais

      À la création immense

      Qu'un peu de silence et de paix!

      Pourquoi m'appelez-vous encore?

      J'ai fait ma tâche et mon devoir.

      Qui travaillait avant l'aurore,

      Peut s'en aller avant le soir.

      À vingt ans, deuil et solitude!

      Mes yeux, baissés vers le gazon,

      Perdirent la douce habitude

      De voir ma mère à la maison.

      Elle nous quitta pour la tombe;

      Et vous savez bien qu'aujourd'hui

      Je cherche, en cette nuit qui tombe,

      Un autre ange qui s'est enfui!

      Vous savez que je désespère,

      Que ma force en vain se défend,

      Et que je souffre comme père,

      Moi qui souffris tant comme enfant!

      Mon oeuvre n'est pas terminée,

      Dites-vous. Comme Adam banni,

      Je regarde ma destinée,

      Et je vois bien que j'ai fini.

      L'humble enfant que Dieu m'a ravie

      Rien qu'en m'aimant savait m'aider;

      C'était le bonheur de ma vie

      De voir ses yeux me regarder.

      Si ce Dieu n'a pas voulu clore

      L'oeuvre qu'il me fit commencer,

      S'il veut que je travaille encore,

      Il n'avait qu'à me la laisser!

      Il n'avait qu'à me laisser vivre

      Avec ma fille à mes côtés,

      Dans cette extase où je m'enivre

      De mystérieuses clartés!

      Ces clartés, jour d'une autre sphère,

      O Dieu jaloux, tu nous les vends!

      Pourquoi m'as-tu pris la lumière

      Que j'avais parmi les vivants?

      As-tu donc pensé, fatal maître,

      Qu'à force de te contempler,

      Je ne voyais plus ce doux être,

      Et qu'il pouvait bien s'en aller!

      T'es-tu dit que l'homme, vaine ombre,

      Hélas! perd son humanité

      A trop voir cette splendeur sombre

      Qu'on appelle la vérité?

      Qu'on peut le frapper sans qu'il souffre,

      Que son coeur est mort dans l'ennui,

      Et qu'à force de voir le gouffre,

      Il n'a plus qu'un abîme en lui?

      Qu'il va, stoïque, où tu l'envoies,

      Et que désormais, endurci,

      N'ayant plus ici-bas de joies,

      Il n'a plus de douleurs aussi?

      As-tu pensé qu'une âme tendre

      S'ouvre à toi pour se mieux fermer,

      Et que ceux qui veulent comprendre

      Finissent par ne plus aimer?

      O Dieu! vraiment, as-tu pu croire

      Que je préférais, sous les cieux,

      L'effrayant rayon de ta gloire

      Aux douces lueurs de ses yeux!

      Si j'avais su tes lois moroses,

      Et qu'au même esprit enchanté

      Tu ne donnes point ces deux choses,

      Le bonheur et la vérité,

      Plutôt