qu'à tramer des procès.
Mon bon, ne me donne pas des conseils, mais des ailes.
En te parlant ainsi, je te donne des ailes.
Et comment, avec des paroles, donnes-tu des ailes à un homme?
Les paroles donnent des ailes à tout le monde.
A tout le monde?
N'entends-tu pas, chaque jour, des pères, chez les barbiers, tenir à des jeunes gens ce langage: «C'est au plus haut point que les discours de Diitréphès ont donné à mon fils des ailes pour l'équitation»? Un autre dit que son fils s'est envolé vers la tragédie sur les ailes de l'esprit.
Ainsi les discours donnent des ailes?
C'est ce que je dis. Les discours font prendre l'essor à la pensée; ils enlèvent l'homme: c'est ainsi que moi je veux te donner des ailes par de sages discours et te tourner vers un métier honorable.
Mais je ne veux pas!
Que feras-tu donc?
Je ne ferai pas rougir ma race: la vie de sykophante m'est échue de père en fils. Donne-moi donc des ailes rapides et légères, d'épervier ou de crécerelle, afin que, après avoir assigné les étrangers, je revienne ici soutenir l'accusation et revole vite là-bas.
J'entends. Tu dis: afin que l'étranger soit condamné ici avant d'être arrivé?
Tu entends parfaitement.
Et ensuite, pendant qu'il cingle vers nos côtes, toi, tu revoles là-bas pour faire main-basse sur son bien?
Tu as tout compris. C'est absolument comme une toupie.
J'entends! Comme une toupie. Eh bien, j'ai là, de par Zeus! ces très bonnes ailes de Kerkyra.
Malheur à moi! Tu tiens un fouet.
Non, ce sont des ailes, pour te faire aller aujourd'hui comme une toupie.
Malheureux que je suis!
Est-ce que tu ne vas pas t'envoler d'ici? Déguerpis, misérable, digne de mille morts: tu sentiras bientôt l'amertume de ta fourberie qui donne des entorses à la justice. Pour nous, ramassons nos ailes et partons.
Beaucoup d'objets nouveaux et merveilleux se sont produits devant notre vol, et nous avons vu des choses étonnantes. Il y a un arbre extraordinaire privé de coeur: il se nomme Kléonymos; il ne sert à rien: lâche, du reste, et de haute taille. Au printemps, il bourgeonne à point et fleurit en calomnies; l'hiver, pour feuilles, il sème des boucliers.
Il y a au loin, dans la région ténébreuse, un pays dépourvu de lampes, où les hommes dînent et vivent avec les héros, excepté le soir: car, alors, il ne ferait pas bon de les rencontrer. Si quelque mortel rencontrait de nuit le héros Orestès, il serait mis nu par lui, et roué de coups des pieds à la tête.
Infortuné que je suis! Prenons garde que Zeus ne me voie. Où est Pisthétæros?
Oh! oh! Qu'est-ce que cela? Un homme voilé?
Vois-tu quelque dieu derrière moi?
Non, par Zeus! je ne vois rien. Mais qui es-tu?
Quelle heure du jour est-il?
Quelle heure? Un peu plus de midi. Mais qui es-tu?
Est-il l'heure de la rentrée des boeufs, ou plus tard?
Ah! comme je t'ai en horreur!
Que fait donc Zeus? Dissipe-t-il ou assemble-t-il les nuages?
Tu vas gémir en grand!
Alors je me découvre.
Mon cher Promètheus.
Retiens-toi, retiens-toi; ne crie pas.
Qu'y a-t-il?
Silence, ne prononce pas mon nom: tu me perds, si Zeus me voit ici. Mais si tu veux que je te dise comment vont toutes les affaires là-haut, prends cette ombrelle et tiens-la au-dessus de ma tête, afin que les dieux ne me voient pas.
Iou! iou! tu as là une idée excellente et digne de Promètheus. Mets-toi vite dessous et parle hardiment.
Écoute, alors.
Je t'écoute, parle.
C'en est fait de Zeus.
Depuis quand?
Depuis que vous avez bâti dans l'air. Aucun homme ne sacrifie plus aux dieux, et l'odeur des cuisses n'est plus montée jusqu'à nous depuis ce temps-là. Mais nous jeûnons comme aux Thesmophoria, faute de sacrifices. Les dieux barbares affamés, et hurlant comme des Illyriens, menacent Zeus de faire une descente contre lui, s'il ne fait pas rouvrir les marchés, où l'on mette en vente des quartiers de victimes.
Y a-t-il donc d'autres dieux que vous, des dieux barbares qui habitent au-dessus de vos têtes?
Ne sont-ils donc point barbares, ceux parmi lesquels Exèkestidès a trouvé un patron?
Et quel est le nom de ces dieux barbares?
Leur nom? Les Triballes.
J'entends. De là vient l'expression: «Sois étripé!»
Absolument. Mais je vais te dire une chose certaine. Il va venir ici, pour négocier, des envoyés de Zeus et des Triballes de là-haut. Vous ne consentez à rien si Zeus ne restitue pas le sceptre aux oiseaux et s'il ne te donne pour femme Basiléia.
Qui est-ce, Basiléia?
Une très jolie fille qui administre la foudre de Zeus et tout le reste, prudence, équité, sagesse, marine, calomnie, trésorier, triobole.
Elle administre tout cela pour lui?
Comme je te le dis; et, si tu l'obtiens de lui, tu as tout. Voilà pourquoi je suis venu ici, c'était afin de te le dire; car, de temps immémorial, je suis bienveillant pour les hommes.
En effet, c'est grâce à toi seul, parmi les dieux, que nous faisons des grillades.
Je hais tous les dieux, comme tu le sais, toi.
De par Zeus! tu as toujours été leur ennemi.
Un vrai Timôn. Mais comme il faut que je m'en retourne vite, donne-moi l'ombrelle, afin que si Zeus m'aperçoit de là-haut, j'aie l'air d'accompagner une kanéphore.
Prends aussi ce siège et emporte-le.
Chez les Skiapodes est un marais, où Sokratès, qui ne se lave jamais, évoque les âmes.