Stephen Goldin

Caravane


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ne manque de rien et où tout le monde travaille main dans la main ? »

      Peter l'observa avec circonspection. « Bien sûr, qui ne le voudrait pas ? Mais où trouverez-vous un endroit comme ça ? Dans votre jardin ? »

      « Rigole pas, mec. C'était une question légitime. »

      « Et j'ai dit oui. »

      « C'est quoi, ton nom ? »

      « Peter Smith. » Le mensonge était devenu un réflexe.

      Le Noir tendit la main. « Kudjo Wilson. » Ils se frappèrent la paume de la main au lieu de la secouer. « Écoute, si tu veux vraiment quelque chose de mieux que tout ça », il désigna le parc rempli de vieilles voitures, « Je pense que tu devrais parler à mon homme. »

      Peter haussa les épaules. « Je suppose que ça ne peut pas faire de mal. Où est-il ? »

      « Il est à quelques milles d'ici. Si tu veux, tu peux monter derrière moi et je t'y emmènerai direct. »

      Peter secoua la tête. « Désolé, mais j'ai un vélo et j'aimerais le garder. Et on ne peut pas l'emmener en moto. »

      « T'as raison. » L'autre réfléchit un instant. « Voilà ce qu'on va faire. Je pars devant et je lui parle de toi. Il va passer par ici, de toute façon. Ou pas loin, en tout cas. Pourquoi ne pas l'attendre près de la route là-bas ? » Il désigna l'est. « C'est à quelques blocs d'ici. Attends simplement devant le pont, au sud. T'as une montre ? »

      Peter secoua à nouveau la tête. « On me l'a volée il y a un mois et demi. »

      « Quoiqu'il en soit, il sera là dans deux heures, mais il fera déjà nuit. Si ça te dérange pas. »

      « Eh bien... », commença Peter.

      « Sois là. » déclara l'autre. Il démarra sa moto. « On n'attendra pas. » Et il partit.

      Tenant son bras gauche, Peter retourna à son vélo. Après ce combat, la mission n'était peut-être pas le meilleur endroit pour passer la nuit, au final. Les voyous pourraient revenir avec des potes pour se venger. Son estomac faisait des siennes car il n'avait rien avalé depuis le petit-déjeuner. Mais rester en vie était plus important qu'essayer d'obtenir une ration gratuite et se faire tuer dans son sommeil.

      Il pédala vers l'est, le long du boulevard San Fernando jusqu'à arriver au pont mentionné par Kudjo Wilson. Le soleil venait de se coucher et le ciel devenait noir. Il s'arrêta au pont et leva les yeux. Devait-il croire aux paroles du Noir ? Il ne croyait plus aux contes de fées depuis longtemps et cette histoire ressemblait étrangement à un El Dorado moderne. Un endroit où régnait la paix et où on ne manquait de rien était rare et il n'aurait probablement pas d'autres invitations du genre. De plus, un homme noir pouvait-il avoir la clé d'Utopia ? Ça n'avait pas de sens. Si un tel endroit existait, que faisait Kudjo Wilson là-bas ?

      Mais qu'avait-il à perdre ? Si c'était une embuscade, que pourraient-ils lui voler à part son vélo, une couverture et de l'argent inutile ? Il avait trop peu de possessions pour un plan aussi élaboré. De plus, Wilson aurait pu le voler tout à l'heure s'il l'avait voulu. Toute cette histoire était très déconcertante.

      Peter posa son vélo contre la rampe, près du pont.

      Il s'assit dans le noir et attendit. Il n'y avait plus de trafic sur l'autoroute à cause de la pénurie de carburant – on comptait peut-être deux voitures par heure et elles le dépassèrent sans même ralentir. Il se demanda si les gens qu'il attendait étaient déjà passés sans le voir ou s'ils allaient vraiment venir. Toute cette histoire était peut-être une farce gigantesque.

      T'es qu'un crétin, se dit-il à lui-même. Écouter des histoires du Pays Imaginaire à ton âge. Tu achèterais probablement le Pont du Golden Gate si quelqu'un te l'offrait à cet instant. Mais il resta car il n'avait nulle part où aller.

      Environ une heure plus tard, il vit des phares approcher. Ils se déplaçaient plus lentement que les voitures de tout à l'heure. Au fur et à mesure qu'ils approchaient, Peter distingua toute une file de voitures. Le véhicule de tête s'arrêta juste devant le pont et se gara sur le côté de la route. Les autres voitures firent pareil.

      Une lumière l'éclaira depuis le toit de la voiture, aveuglante. « M. Smith ? » appela une voix inconnue.

      « Oui, » répondit-il.

      « Montez. On espérait vous trouver là. Vous avez faim ? »

       CHAPITRE 2

      « Le courrier prioritaire est le plus mauvais de l'histoire, » affirme le Wall Street Journal. Le mois dernier, un sac de courrier a disparu dans le comté de Prince George, provoquant un véritable casse-tête chez les habitants. Mme Ernest Drumheller, vivant à Clinton, a déclaré qu'en rentrant de vacances, on lui avait coupé le téléphone car le règlement de sa facture n'était jamais arrivé à destination. Elle a dû payer $10 pour la réinstauration du service. De nombreux clients de la People's National Bank de Clinton ont annulé les paiements des chèques éventuellement présents dans le sac disparu...

      

       Los Angeles Times

       Mercredi, 11 septembre 1974

      

       * * *

      

      La communication fait partie des Trois Piliers de toute civilisation. Les gens et les organisations ne peuvent interagir qu'à travers la communication. Peu ou pas de communication provoque la suspicion, la haine et le conflit. Au fur et à mesure que la communication s'améliore, la peur de l'étranger s'estompe et les interactions deviennent plus calmes, plus faisables...

      A l'époque des Grecs, la politique était régie par un état-cité. Sa taille était déterminée par la distance qu'un homme pouvait parcourir en un jour. Personne n'était à plus d'un jour des événements du moment. On ne faisait pas confiance aux états-cité voisins avec lesquels la communication était moins fréquente.

      Aujourd'hui, on peut communiquer presque instantanément avec le monde entier. Cela nous a permis de développer une civilisation globale. Toutefois, nous avons peut-être été trop loin en créant ce réseau de façon aussi rapide. Tel un élastique trop tendu, le contrecoup sera rapide et douloureux...

      

       Peter Stone

       La Chute du Monde

      

       * * *

      

      En approchant du premier véhicule, Peter fut surpris d'y voir un véhicule blindé, comme ceux transportant jadis l'argent vers les banques. Sa forme rectangulaire se dressait devant lui, impassible. La lumière sur le toit l'aveuglait. Lui, habitué à l'obscurité. Toutefois, il parvint à reconnaître un deuxième véhicule, lui aussi blindé. Les autres voitures n'étaient que des formes floues, dissimulées par les ombres. Peter fut incapable de déterminer combien de voitures il y avait et à quoi elles ressemblaient.

      Une silhouette élancée descendit du deuxième véhicule et s'approcha de lui, près de la portière du premier véhicule. C'était Kudjo Wilson. « Content de te voir , » déclara-t-il en ouvrant la portière du côté passager. « Je vais faire les présentations. »

      Il passa sa tête à l'intérieur du véhicule. « Honon, voici mon homme. Peter. Peter, je te présente l'honorable, le distingué, l'inestimable Israel Baumberg. »

      Une petite lampe brillait à l'intérieur du véhicule et Peter put distinguer l'homme auquel on le présentait. Même assis, Israel Baumberg était un homme grand avec de larges épaules et des bras puissants.