Stephen Goldin

Caravane


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le taux de criminalité n'a cessé d'augmenter et beaucoup d'Américains sont inquiets. Parviendra-t-on à reprendre le contrôle un jour ?

      Patrick V. Murphy, ancien fonctionnaire de police à Washington et New York a déclaré ceci : « Nous devons voir les faits en face. Nos villes sont trop instables. Tant qu'il y aura du chômage, du sous-emploi, des foyers détruits, de l'alcoolisme, de la drogue et des problèmes de santé mentale, le crime continuera à sévir. »

      

       U.S. News & World Report

       10 juin 1974

      

       * * *

      

       Beaucoup de gens ont recours au crime pour pouvoir supporter cette société dont les complexités ont dépassé leurs propres limites. Dans une ultime tentative de préservation, je prédis un dernier spasme énorme d'ordre public que notre culture traversera. Tout ce qui différera de la norme sera sujet à toutes sortes de répression en une tentative désespérée de garder la tête hors de l'eau.

       La vraie tragédie, toutefois, seront les répercussions qu'aura la police sur la société d'après Chute. La répression restera, telle la jambe d'une grenouille qui continue à bouger après la mort de cette grenouille...

      

       Peter Stone

       La Chute du Monde

      

       * * *

      

      Peter passa la nuit dans le véhicule blindé avec Honon. Ils parlèrent pendant un moment encore, comparant leurs expériences de voyages à travers le pays. Peter découvrit que Honon avait traversé le pays régulièrement ces quatre dernières années, guidant ces caravanes. L'image qu'il décrivit n'avait rien de joyeux. Temps difficiles, famine, conflits étaient omniprésents aux États-Unis. La maladie n'avait pas encore fait son apparition, mais les conditions de vie dans les villes devenaient telles que la maladie commencerait à se répandre par manque d'hygiène.

      « D'une certaine façon », déclara Honon, « c'est bien que la Chute touche le monde entier. Si les guérillas juives n'avaient pas commencé à faire la guerre en Russie il y a cinq ans, les Russes auraient pu profiter de notre faiblesse et nous envahir. Mais avec les Juifs dans le pays, les Chinois à leur porte et la lente disparition de leurs ressources, ils se portent encore plus mal que nous. »

      Au bout d'un moment, la douleur que ressentait Peter au bras et la fatigue accumulée ces derniers jours eurent raison de lui. Il s'allongea contre le siège en cuir et passa sa meilleure nuit depuis longtemps.

      Honon le réveilla peu après le lever du soleil en lui secouant l'épaule valide. « Debout ! » dit-il, enjoué. « C'est l'heure du petit-déjeuner et l'heure de rencontrer vos compagnons de voyage. »

      Peter sortit du véhicule et put contempler la caravane entière pour la première fois. Les deux premiers véhicules étaient des camions blindés. Après l'image qu'Honon avait décrite concernant la situation à travers le pays, Peter était d'accord. La caravane devait être préparée à toute éventualité. Un grand camping-car se trouvait juste derrière. Un groupe important de gens était rassemblé autour. Derrière le camping-car se trouvait un van bleu et blanc, Volkswagen, ensuite suivirent trois autres voitures, toutes plus petites. Ça doit donner une parade intéressante, pensa Peter.

      Peter sentait le regard des autres membres de la caravane lorsque Honon l'emmena vers le camping-car. Ils avaient sûrement entendu parler de leur nouveau compagnon. Il se demanda combien d'entre eux le haïssaient déjà.

      « Tout le monde, venez par ici », appela Honon et les petites conversations privées cessèrent. « J'aimerais vous présenter notre dernière recrue, Peter Stone. Nous lui devons notre gratitude, je pense. Car nous avons pris les devants grâce à son livre. Sans lui, il n'y aurait peut-être pas de Monastère ni de projets pour le vaisseau spatial. N'oubliez pas de lui témoigner toute notre gratitude. »

      Peter fut surpris par cette présentation et fut encore plus surpris en voyant les gens s'exécuter. Ils étaient d'abord hésitants, peu sûrs d'eux, puis ils s'avancèrent en petits groupes pour le saluer et l'accueillir au sein de leur caravane. Hommes et femmes s'approchèrent de lui pour lui serrer la main et les enfants lui sourirent timidement.

      « Désolé, je ne peux pas rester et vous présenter à tout le monde », déclara Honon. « Je dois prendre un rapide petit-déjeuner et aller voir si je peux recruter un cordonnier. »

      « Un cordonnier ? »

      « Oui, un homme bien que quelqu'un m'a recommandé au Monastère. Il vit au centre de L.A. » Il vit l'incompréhension dans le regard de Peter et poursuivit son explication. « J'imagine que si vous rassembliez une colonie, vous choisiriez les personnes les plus intelligentes que vous pouviez trouver. Mais je vous le dis tout de suite, ça ne marcherait pas. Il faut des têtes d'ampoule, certes, mais vous ne pouvez pas construire un monde avec uniquement des docteurs et des physiciens nucléaires. Si la plomberie saute, ils auraient des problèmes. Je dois recruter des gens qui pourraient être utiles à une colonie. Des gens déjà formés à produire ce dont on a besoin. Là où on va, il n'y aura pas d'usines pour fabriquer vos vêtements. Vous aurez besoin d'artisans pour vous faire de bonnes chaussures. Les gens faisant partie de ce voyage viennent de tous horizons, mais nous essayons de sauver l'Humanité et l'Humanité elle-même se compose de personnes de tous horizons. Pensez-y. »

      Honon entra dans le camping-car et en ressortit avec une gamelle, deux gâteaux de blé et des fruits séchés. « On se voit plus tard », dit-il à Peter. « En attendant, apprenez à connaître tout le monde. Je pense que vous trouverez le groupe agréable. » Il partit vers le premier véhicule blindé, en sortit une moto et retourna en ville.

      Alors que Peter fit la queue pour le petit-déjeuner, des membres vinrent se présenter à lui. Il fit la connaissance de Dominic et de Gina Gianelli d'Oakland, un couple dans la trentaine. Dom, comme l'homme se faisait appeler, était couvreur et « fan de football. Mais on dirait qu'il n'y aura pas de matches pendant un moment. » Peter ne pouvait qu'acquiescer. Les Gianelli avaient cinq enfants entre deux et dix ans. Même si on les lui avait tous présentés, il avait du mal à retenir leurs noms, à l'exception de Mary, la fillette de huit ans qui lui avait apporté à manger, la veille.

      Il rencontra Bill et Patty Lavochek de San Luis Obispo. Les Lavochek avaient la vingtaine et étaient mariés depuis quatre mois. Ils voyaient tout ça comme une aventure et une bonne occasion de commencer une nouvelle vie. Bill, machiniste, était sûr que ses talents seraient très demandés au Monastère et dans le nouveau monde.

      Peter rencontra aussi Harvey et Willa Parks. Harv était plombier à San Francisco et avait la trentaine. Il avait des manières assez rudes, mais il était très gentil. Willa avait environ dix ans de moins que lui et faisait ce qu'on lui demandait de faire sans se plaindre. Ils avaient deux enfants, une fille de sept ans et un garçon de quatre ans.

      Juste avant que Peter n'atteigne le bout de la file, le médecin, Sarah Finkelstein, s'approcha de lui pour lui demander comment allait son bras. Il lui répondit qu'il était un peu raide, mais qu'il savait s'en servir. Elle lui demanda de la prévenir si jamais il avait d'autres problèmes.

      Un couple japonais servait le repas. Il s'agissait de Charlie et Helen Itsobu, tous deux la trentaine. Charlie avait été cuisinier en chef au restaurant japonais préféré de Peter à San Francisco. Peter réalisa que le jeune homme devait être très doué car à son âge, on ne montait que rarement aussi vite en cuisine. Il le complimenta et Charlie lui sourit en s'excusant de la médiocrité de ce repas. Il donna un gâteau de blé supplémentaire à Peter en lui faisant un clin d’œil.

      Alors que Peter s'éloignait du camping-car,