rouge attaché à un fil quâil laissa sâélever une vingtaine de mètres en lâair.
â Nous pouvons y aller ! Le satellite aura déjà localisé le signal, ils enverront un hélicoptère les prendre dans quelques heures.
â Mais sâil nâarrive pas avant la nuit ces pauvres gens vont mourir de froid !
â En général, il arrive tout de suite, en deux ou trois heures, disons. Mais même sâil nâarrivait pas, ils sâen sortiront très bien avec leurs sacs. Quâest-ce que vous croyez, Monsieur, que quand la nuit tombe ils vont dormir à lâhôtel ?
Ils chaussèrent tous deux leurs skis et entreprirent de traverser le dernier plateau.
â Ãa doit être des gens très forts, avec un système nerveux de fer, dit Oskar.
â En effet, ils nâont besoin de manger quâune fois par jour.
Enfant, il devait lui aussi avoir été aussi fort que les illegales. Il en était sûr.
Ils arrivèrent au bout du plateau vers midi, exactement comme lâavait prévu Mario. Pendant tout le trajet, gagné par lâenthousiasme, Oskar nâavait jamais demandé de pause ; mais il se sentait maintenant fatigué.
â Monsieur Zerbi, je proposerais quâon mange quelque chose. Après, je vous montrerai la piste damée du Circuit.
â Où est-elle ?
Le guide lui indiqua un relief en bordure de la cuvette : le terrain se relevait exactement comme le bord dâune bassine. Ils sâabritèrent derrière un repli de terrain et Mario prépara du café sur un réchaud à alcool. Le soleil était violent, les yeux dâOskar avaient rougi malgré les verres foncés de ses lunettes. Ils mangèrent ce que Mario avait emporté, puis celui-ci sortit de son sac deux jambières de fourrure quâil attacha au bas de son pantalon avec des lacets de cuir.
â Tu rentres au village ?
Lâhomme secoua la tête en sâécriant :
â Il nây a rien à faire au village à cette saison ! Je vais chasser vers le nord-est en longeant le Grand Ski-lift.
â Tu vas prendre des illegales ?
â Oui, aussi.
â Tu chasses des animaux à fourrure ? Ils se sont sûrement multipliés au-delà du raisonnable dans la Sierra.
â Bien sûr ! Je chasse aux pièges tout lâhiver, mais ça ne rapporte pas grand-chose.
â Tu as essayé de travailler dans des villes ?
â Je nâaime pas les villes.
Ils se levèrent et contournèrent lâarête à pied. Plus bas, les conifères réapparaissaient, et encore plus bas, au beau milieu de la forêt, une langue blanche de neige courait comme un fleuve gelé. Câétait une piste du Grand Ski-lift. Oskar était ému. Le guide lui passa ses jumelles : il vit glisser de nombreux points colorés sur la langue de neige. Câétaient sûrement des skieurs, dans leurs tenues de couleurs vives.
â Eh bien, je suis arrivé ! sâexclama Oskar.
â Monsieur Zerbi, souvenez-vous que vous ne devez pas vous arrêter trop longtemps au même endroit, comme ça⦠en règle générale.
Oskar avait chaussé ses skis avec grand soin, il allait bientôt être un touriste quelconque dans le circuit du Grand Ski-lift. Câest du moins ce quâil croyait.
â Gardez toujours votre carte bien en évidence, et quand vous arriverez sur la piste, suivez-la jusquâà la vallée, puis cherchez un endroit où vous loger. Je vous conseille dâaller au « Petit Cerf » ; dâautres chasseurs mâont dit que câétait un endroit tranquille.
Oskar retira un de ses gants et tendit la main à son guide, puis lui demanda, lâair sérieux :
â Mario, une dernière chose, et je te laisse à ton travail. Tu as aussi accompagné le dernier maire jusquâici ? Celui qui a fait construire lâinstallationâ¦
Mario fit un signe de tête affirmatif.
â Quel genre dâhomme câétait ?
â Je ne peux pas vous dire grand-chose, le maire était un gars qui ne parlait pas beaucoup, mais quoi quâil en soit, il mâa semblé quâil connaissait bien cette partie de la Sierra.
Oskar descendit entre les arbres et tomba souvent. Nâétant plus allé à la montagne depuis des années, il avait perdu toute habitude du ski. Il décida donc de poursuivre à pied, il aurait rechaussé sur la piste, où la neige était damée. Câétait pénible de marcher dans la forêt sur lâépaisse couche de neige, il progressait lentement, mais il était sûr de retrouver le tracé tôt ou tard. Tout serait plus facile ensuite.
Il avait marché une heure quand il entendit la rumeur produite par les touristes : le crissement des carres des skis qui mordaient la neige, les voix des personnes qui passaient, quelques cris⦠Il arriva, épuisé, aux abords de la piste. Il était couvert de neige. Il devait avant tout se reposer sans attirer lâattention ; il craignait en effet que des surveillants ne puissent le remarquer en ce moment critique, lâinstant de la transition : lâentrée dans le Grand Ski-lift. Il décida alors dâaller jusquâau bord de la piste pour donner lâimpression de reprendre son souffle après une chute⦠Il attendit un moment de calme, puis parcourut en courant la distance qui le séparait encore de lâorée de la forêt pour rejoindre le bord de la piste. Dès quâil atteignit la neige damée, il jeta ses skis, simulant une chute. Quelques skieurs passèrent : ils nâétaient pas nombreux, des groupes de quatre, cinq personnes au maximum. Plus rarement quelques couples. Mais aucun skieur isolé.
Il était donc arrivé sur le circuit du Grand Ski-lift ! Une remarquable preuve de caractère, peut-être le début dâun changement qui était son véritable objectif.
En réalité, il nâavait pas de tableau précis de la situation, et encore moins de stratégie sur le comportement à adopter. Dans lâétat actuel des choses, il ne se demandait pas combien de temps ces vacances pouvaient durer, il savait simplement quâil avait encore de nombreux jours devant lui, il réfléchirait au reste en cours de route. Le froid se fit sentir ; il se leva, rechaussa ses skis pour descendre dans la vallée. Ensuite, il chercherait lâhôtel. La piste était formée par un ravin qui serpentait dans la forêt. De part et dâautre trônaient les montagnes derrière lesquelles le soleil avait depuis peu disparu. La lumière était uniforme, une luminescence diffuse dans laquelle on devinait cependant lâapproche de lâobscurité : il en éprouvait de lâinquiétude et de la mélancolie. Il commença à descendre en pensant quâil sâen sortirait quoi quâil en soit, il se souvenait avoir été plutôt bon skieur, des années auparavant. En fait, il nâavait jamais atteint un grand niveau technique à cause de certains défauts de position quâil avait et du manque dâentraînement sérieux. Peut-être avait-il été trop désireux dâatteindre la perfection stylistique. Cette forme dâesprit lâavait sans aucun doute pénalisé, puisquâelle ne lui avait jamais permis de développer lâharmonie de ses mouvements.
Quelques mètres plus bas, il croisa ses