Lambert Timothy James

Le Cahier Gnostique : Tome Un


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dit le musicien, si tu veux apprendre à jouer du violon, il faut que tu mettes tes pattes de devant dans cette fente. »

      Le loup obéit, mais le musicien ramassa aussitôt une pierre et en frappa avec tant de force les pattes du loup, qu’elles s’enfoncèrent dans la fente, et que le pauvre animal dut rester prisonnier.

      Â« Attends-moi jusqu’à ce que je revienne, ajouta le musicien. » Et il continua sa route.

      Peu de temps après, il se mit à penser de nouveau :

      Â« je m’ennuie dans cette forêt. Je vais trouver un autre compagnon. »

      Alors, il prit son violon et joua de nouveau à travers les bois. Il jouait depuis peu, quand apparut un renard à travers les arbres se dirigeant vers lui.

      Â« Ah ! Voilà un renard qui arrive, se dit le musicien. Ce n’est pas le compagnon que je désire.

      Le renard s’approcha et lui dit :

      â€” Eh ! Cher musicien, comme tu joues bien ! Je voudrais apprendre à jouer comme toi.

      â€” C’est très facile, répondit le musicien, il suffit pour cela que tu fasses exactement ce que je vais te dire.

      â€” Oh ! Cher musicien, reprit le renard, je serai comme un écolier qui obéit à son maître.

      â€” Suis-moi, dit le musicien. »

      Lorsqu’ils eurent fait un bout de chemin ensemble, ils arrivèrent à un sentier bordé de chaque côté par de hauts arbustes. En cet endroit, le musicien s’arrêta. Il saisit d’un côté un noisetier qu’il inclina contre terre et mit le pied sur sa cime. Puis de l’autre côté, il fit de même avec un autre arbuste ; ensuite, s’adressant au renard : « Maintenant, cher petit renard, si tu veux vraiment apprendre quelque chose, donne-moi ta patte gauche. »

      Le renard obéit et le musicien lui attacha la patte à l’arbre du côté gauche.

      Â« Cher petit renard, lui dit-il ensuite, donne-moi maintenant ta patte droite. »

      Le musicien lui attacha cette patte à l’arbre de droite. Ensuite, il lâcha les deux arbustes qui se redressèrent d’un seul coup, emportant avec eux dans l’air le renard qui resta suspendu et se débattait en vain.

      Â« Attends-moi jusqu’à ce que je revienne, ajouta le musicien. » Et il continua sa route.

      Il ne tarda pas à penser pour la troisième fois :

      Â« Je m’ennuie dans cette forêt. Il faut que je me trouve un autre compagnon. » Donc, il prit son violon, et joua un air qui emplit les bois. Alors arriva un lièvre, bondissant vers lui.

      Â« Ah ! Voilà un lièvre, se dit le musicien. Ce n’est pas le compagnon que je désire.

      â€” Eh ! Cher musicien, dit le lièvre, comme tu joues bien ! Je voudrais apprendre à jouer comme toi.

      â€” C’est très facile, répondit le musicien, il suffit pour cela que tu fasses exactement ce que je vais te dire.

      â€” Oh ! Cher musicien, reprit le lièvre, je serai comme un écolier qui obéit à son maître. »

      Ils marchèrent quelque temps, puis ils arrivèrent à un endroit plus éclairé du bois où se trouvait un peuplier. Le musicien attacha au cou du lièvre une longue corde qu’il noua au peuplier.

      Â« Attention, maintenant, cher petit lièvre, court vingt fois autour de l’arbre, s’écria le musicien. »

      Le lièvre obéit. Et quand il eut fait vingt fois le tour, la corde était enroulée vingt fois autour de l’arbre, si bien que le lièvre se retrouva coincé. Et plus il tirait sur la corde, plus il s’écorchait le cou.

      Â« Attends-moi jusqu’à ce que je revienne, dit le musicien. » Et il continua sa route.

      Mais à force de tirer, de s’agiter et de mordre la pierre, le loup avait fini par libérer ses pattes de la fente. Plein de colère et de rage, il se lança à la poursuite du musicien qu’il se promettait de mettre en pièces.

      Quand le renard l’aperçut qui arrivait en courant, il se prit à hurler et à crier de toutes ses forces :

      Â« Frère loup, viens m’aider ! Le musicien m’a trompé. »

      Le loup inclina les deux arbustes, rompit les cordes d’un coup de dent, et libéra le renard qui le suivit, impatient lui aussi de se venger du musicien. Ils rencontrèrent bientôt le pauvre lièvre qu’ils délivrèrent également, et tous les trois se lancèrent à la poursuite de leur ennemi.

      Or, en continuant son chemin, le musicien avait de nouveau joué de son violon, et cette fois-ci, il avait été plus chanceux. L’air de son instrument était arrivé jusqu’aux oreilles d’un pauvre bûcheron, qui, séduit par cette musique envoûtante, abandonna sa besogne, et, la hache sous le bras, s’empressa de courir vers l’endroit d’où provenait la musique.

      Â« Voilà enfin le compagnon qu’il me faut, dit le musicien, car je cherchais un homme et non des bêtes sauvages. »

      Puis il se remit à jouer d’une façon si harmonieuse et si belle, que le pauvre homme resta là immobile comme sous l’empire d’un charme, et que son cœur s’emplit de joie.

      C’est à ce moment qu’arrivèrent le loup, le renard et le lièvre. Le bûcheron remarqua qu’ils n’avaient pas les meilleures intentions. Il saisit donc sa hache brillante et se plaça devant le musicien, d’un air qui voulait dire :

      Â« Celui qui en veut au musicien ferait bien de se tenir sur ses gardes, car il aura affaire à moi. »

      Aussi la peur s’empara-t-elle des animaux, qui retournèrent en courant dans la forêt. Le musicien témoigna sa reconnaissance au bûcheron en lui jouant encore un air mélodieux, puis il reprit son chemin.

      Interprétation du VIOLON MERVEILLEUX

      Quel est le message de ce conte ? Les contes des frères Grimm semblent souvent porter un message moral, mais ce n’est vraisemblablement pas le cas dans cet exemple. Pourquoi le musicien invente-t-il ces différents pièges pour ces animaux ? Pourquoi est-il protégé du retour karmique pour ses actes injustes ?

      Serait-il possible que cette histoire n’ait aucune morale ? Il ne semble pas y avoir d’interprétation freudienne telle que celle présentée par Bruno Bettelheim dans son très intéressant Psychanalyse des contes de fées (1976), ce qui ne veut pas dire que l’histoire soit cruelle.

      Certains trouvent la cruauté envers les animaux dérangeante. Ils réagissent émotionnellement aux images plutôt que de se rendre compte que la façon dont les animaux sont torturés est intentionnellement choquante, pour laisser une impression durable. Mais les images ne sont pas le message.

      Pour déverrouiller le message caché de cette histoire, il nous faut une clef. Pour cela, nous devons nous tourner vers un vieux mystique : Gurdjieff.

      Gurdjieff et la triade

      Il semble que ce conte de fées utilise un système lié à l’œuvre ésotérique de Gurdjieff.