citadelle de Spandau, située à trois lieues de Berlin, et à quatre lieues de Potsdam, forte par sa situation au milieu des eaux, et renfermant douze cents hommes de garnison, et une grande quantité de munitions de guerre et de bouche, a été cernée le 24 dans la nuit. Le général Bertrand, aide-de-camp de l'empereur, avait déjà reconnu la place. Les pièces étaient disposées pour jeter des obus et intimider la garnison. Le maréchal Lannes a fait signer par le commandant la capitulation de cette place.
On a trouvé à Berlin des magasins considérables d'effets de campement et d'habillement; ou en dresse les inventaires.
Une colonne, commandée par le duc de Weimar, est poursuivie par le maréchal Soult. Elle s'est présentée le 23 devant Magdebourg. Nos troupes étaient là depuis le 20. Il est probable que nette colonne, forte de quinze mille hommes, sera coupée et prise. Magdebourg est le premier point de rendez-vous des troupes prussiennes. Beaucoup de corps s'y rendent. Les Français le bloquent.
Une lettre de Helmstadt, récemment interceptée, contient des détails curieux.
MM. le prince d'Hatzfeld, Basching, président de la police, le président de Kercheisen; Formey, conseiller intime; Polzig, conseiller de la municipalité; MM. Ruek, Siegr et Hermensdorf, conseillers députés de la ville de Berlin, ont remis ce matin à l'empereur, à Potsdam, les clefs de cette capitale. Ils étaient accompagnés de MM. Grote, conseiller des finances; le baron de Vichnitz et le baron d'Eckarlstein. Ils ont dit que les bruits qu'on avait répandus sur l'esprit de cette ville étaient faux; que les bourgeois et la masse du peuple avaient vu la guerre avec peine; qu'une poignée de femmes et de jeunes officiers avaient fait seuls ce tapage; qu'il n'y avait pas un seul homme sensé qui n'eût vu ce qu'on avait à craindre, et qui pût deviner ce qu'on avait à espérer. Comme tous les Prussiens, ils accusent le voyage de l'empereur Alexandre des malheurs de la Prusse. Le changement qui s'est dès-lors opéré dans l'esprit de la reine, qui, de femme timide et modeste, s'occupant de son intérieur, est devenue turbulente et guerrière, a été une révolution subite. Elle a voulu tout à coup avoir un régiment, aller au conseil; elle a si bien mené la monarchie, qu'en peu de jours elle l'a conduite au bord du précipice.
Le quartier-général est à Charlottembourg.
L'empereur, parti de Potsdam aujourd'hui à midi, a été visiter la forteresse de Spandau. Il a donné des ordres au général de division Chasseloup, commandant le génie de l'armée, sur les améliorations à faire aux fortifications de cette place. C'est un ouvrage superbe; les magasins sont magnifiques. On a trouvé à Spandau des farines, des grains, de l'avoine pour nourrir l'armée pendant deux mois, des munitions de guerre pour doubler l'approvisionnement de l'artillerie. Cette forteresse, située sur la Sprée, à deux lieues de Berlin, est une acquisition inestimable. Dans nos mains, elle soutiendra deux mois de tranchée ouverte. Si les Prussiens ne l'ont pas défendue, c'est que le commandant n'avait pas reçu d'ordre, et que les Français y sont arrivés en même temps que la nouvelle de la bataille perdue. Les batteries n'étaient pas faites et la place était désarmée.
Pour donner une idée de l'extrême confusion qui règne dans cette monarchie, il suffît de dire que la reine, à son retour de ses ridicules et tristes voyages d'Erfurt et de Weimar, a passé la nuit à Berlin, sans voir personne; qu'on a été long-temps sans avoir de nouvelles du roi; que personne n'a pourvu à la sûreté de la capitale, et que les bourgeois ont été obligés de se réunir pour former un gouvernement provisoire.
L'indignation est à son comble contre les auteurs de la guerre. Le manifeste, que l'on appelle à Berlin un indécent libelle où aucun grief n'est articulé, a soulevé la nation contre son auteur, misérable scribe nommé Gentz, un de ces hommes sans honneur qui se vendent pour de l'argent.
Tout le monde avoue que la reine est l'auteur des maux que souffre la nation prussienne. On entend dire partout: Elle était si bonne, si douce il y a un an! mais depuis cette fatale entrevue avec l'empereur Alexandre, combien elle est changée!
Il n'y a eu aucun ordre donné dans les palais, de manière qu'on a trouvé à Potsdam l'épée du grand Frédéric, la ceinture dégénérai qu'il portait à la guerre de sept ans, et son cordon de l'Aigle-Noir. L'empereur s'est saisi de ces trophées avec empressement, et a dit: «J'aime mieux cela que vingt millions.» Puis, pensant un moment à qui il confierait ce précieux dépôt: «Je les enverrai, dit-il, à mes vieux soldats de la guerre d'Hanovre, j'en ferai présent au gouverneur des Invalides: cela restera à l'Hôtel.»
On a trouvé dans l'appartement qu'occupait la reine, à Potsdam, le portrait de l'empereur de Russie, dont ce prince lui avait fait présent; on a trouvé à Charlottembourg sa correspondance avec le roi, pendant trois ans, et des mémoires rédigés par des écrivains anglais, pour prouver qu'on ne devait tenir aucun compte des traités conclus avec l'empereur Napoléon, mais se tourner tout à fait du côté de la Russie. Ces pièces surtout sont des pièces historiques; elles démontreraient, si cela avait besoin d'une démonstration, combien sont malheureux les princes qui laissent prendre aux femmes l'influence sur les affaires politiques. Les notes, les rapports, les papiers d'état étaient musqués, et se trouvaient mêlés avec les chiffons et d'autres objets de la toilette de la reine. Cette princesse avait exalté les têtes de toutes les femmes de Berlin; mais aujourd'hui elles ont bien changé: les premiers fuyards ont été mal reçus; on leur a rappelé, avec ironie, le jour où ils aiguisaient leurs sabres sur les places de Berlin, voulant tout tuer et tout pour fendre.
Le général Savary, envoyé avec un détachement de cavalerie à la recherche de l'ennemi, mande que le prince de Hohenlohe, obligé de quitter Magdebourg, se trouvait, le 25, entre Rattenau et Ruppin, se retirant sur Stettin.
Le maréchal Lannes était déjà à Zehdenick; il est probable que les débris de ce corps ne parviendront pas à se sauver sans être de nouveau entamés.
Le corps bavarois doit être entré ce matin à Dresde, on n'en a pas encore de nouvelles.
Le prince Louis-Ferdinand, qui a été tué dans la première affaire de la campagne, est appelé publiquement, à Berlin, le petit duc d'Orléans. Ce jeune homme abusait de la bonté du roi au point de l'insulter. C'est lui qui, à la tête d'une troupe de jeunes officiers, se porta, pendant une nuit, à la maison de M. de Haugwitz, lorsque ce ministre revint de Paris, et cassa ses fenêtres.
On ne sait si l'on doit le plus s'étonner de tant d'audace ou de tant de faiblesse.
Une grande partie de ce qui a été dirigé de Berlin sur Magdebourg et sur l'Oder a été intercepté par la cavalerie légère. On a déjà arrêté plus de soixante bateaux chargée d'effets d'habillement, de farine d'artillerie. Il y a des régimens d'hussards qui ont plus de 500,000 francs. On a rendu compte qu'ils achetaient de l'or pour de l'argent à cinquante pour cent de perte.
Le château de Charlottembourg, où loge l'empereur, est situé à une lieue de Berlin, sur la Sprée.
Si les événemens militaires n'ont plus l'intérêt de l'incertitude, ils ont toujours l'intérêt des combinaisons, des marches et des manoeuvres. L'infatigable grand-duc de Berg se trouvait à Zehdenick le 26, à trois heures après-midi, avec la brigade de cavalerie légère du général Lasalle, et les divisions de dragons des généraux Beaumont et Grouchy étaient en marche pour arriver sur ce point.
La brigade du général Lasalle contint l'ennemi, qui lui montra près de six mille hommes de cavalerie. C'était toute la cavalerie de l'armée prussienne, qui, ayant abandonné Magdebourg, formait l'avant garde du corps du prince de Hohenlohe, qui se dirigeait sur Stettin. A quatre heures après midi, les deux divisions de dragons étant arrivées, la brigade du général Lasalle chargea l'ennemi avec cette singulière intrépidité qui a caractérisé les hussards et les chasseurs français dans cette campagne, La ligne de l'ennemi, quoique triple, fut rompue, l'ennemi poursuivi dans le village de Zehdenick et culbuté dans les défilés. Le régiment des dragons de la reine voulut se reformer; mais les dragons de la division Grouchy se