bouillait de rage. Si elle mettait la main sur ces agents… Il fallait avoir un sacré culot pour contredire Riley devant sa fille. Elle songea à demander leurs noms à April, puis décida de laisser tomber l’affaire.
– Ecoute-moi, April, dit Riley. Je dois partir pendant quelques jours. Je dois partir immédiatement. Je t’emmène chez ton père. J’ai besoin que tu restes là-bas.
– Pourquoi je ne pourrais pas partir avec toi ? demanda April.
Les ados pouvaient être vraiment stupides et butés, parfois…, pensa Riley.
– Parce que tu dois terminer ce cours d’été, dit-elle. Tu dois passer l’examen, sinon tu prendras du retard. L’anglais fait partie des matières importantes et tu as tout loupé sans raison. En plus, je travaille. Ce n’est pas très sûr de traîner dans mes jambes quand je travaille. Tu devrais le savoir depuis le temps.
April ne répondit pas.
– Viens, dit Riley. Nous n’avons pas beaucoup de temps. Je dois préparer quelques affaires, et toi aussi. Ensuite, je t’emmène chez ton père.
En se tournant vers Brian, Riley ajouta :
– Et toi, je te dépose chez toi.
– Je peux faire du stop, dit Brian.
Riley se contenta de le foudroyer du regard.
– Ok, dit Brian d’un air intimidé.
Les deux jeunes gens suivirent Riley à l’intérieur de la maison.
– Dans la voiture, vous deux, dit-elle.
Les gamins quittèrent docilement la maison.
Riley referma le verrou qu’elle venait d’ajouter à la porte de derrière et fit le tour des portes et des fenêtres pour s’assurer que tout était verrouillé.
Dans sa chambre, elle ramassa son pack de voyage, après avoir vérifié que tout y était. En partant, elle jeta un dernier coup d’œil nerveux en direction de son lit, comme si les gravillons avaient pu revenir miraculeusement. L’espace d’un instant, elle se demanda pourquoi elle partait dans un autre état au lieu de rester pour pister le tueur qui les avait déposés là et qui s’amusait à la harceler.
En outre, les frasques de April l’inquiétaient. Pouvait-elle faire confiance à sa fille ? April pouvait-elle assurer sa propre sécurité, ici, à Fredericksburg ? Riley l’en avait crue capable, mais elle commençait à avoir des doutes.
Cependant, elle ne pouvait plus changer ses plans. Elle s’était engagée auprès du Bureau. Elle était obligée de partir. En sortant sur le perron, elle jeta un vif coup d’œil vers les bois sombres et denses, à la recherche d’un signe de Peterson.
Il n’y en avait aucune trace.
Chapitre 6
Riley gardait un œil sur l’horloge digitale de la voiture, alors qu’elle conduisait les jeunes dans Fredericksburg. Les minutes défilaient et les mots de Meredith résonnaient dans la tête de Riley.
Si vous êtes en retard, vous allez m’entendre.
Peut-être – seulement peut-être – qu’elle arriverait à temps sur la piste d’atterrissage. Elle avait prévu de passer rapidement pendre sa valise à la maison et les choses venaient de se compliquer. Pouvait-elle appeler Meredith et le prévenir qu’un problème familial menaçait de la mettre en retard ? Non, décida-t-elle. Son patron rechignait déjà à lui confier l’affaire. Elle ne pouvait attendre de lui un peu d’indulgence.
Heureusement, l’adresse de Brian se trouvait sur le chemin de la maison de Ryan. Quand Riley se gara sur le bas-côté, elle dit :
– Je dois dire à tes parents ce qui s’est passé.
– Ils sont pas là, répondit Brian en haussant les épaules. Papa est parti depuis longtemps, et Maman n’est pas souvent là.
Il sortit de la voiture, puis se retourna et dit :
– Merci de m’avoir raccompagné.
En le regardant s’éloigner, Riley se demanda quels parents laissaient un gamin comme ça tout seul. Ne savaient-ils pas qu’un ado se fourrait tout le temps dans des drôles de situations ?
Mais peut-être que sa mère n’a pas le choix, pensa Riley misérablement. Qui suis-je pour parler ?
Dès que Brian disparut à l’intérieur de la maison, Riley redémarra. April n’avait toujours pas prononcé un mot et elle ne semblait pas d’humeur à faire la conversation. Riley n’aurait su dire si son silence trahissait de la honte ou seulement de l’agacement. Elle réalisa qu’il y avait bien des choses qu’elle ne connaissait pas sur sa propre fille.
Riley était en colère, contre elle-même et contre April. La veille, elles avaient semblé être les meilleures amies du monde. Elle avait cru que April commençait à comprendre le stress qui pesait sur un agent du FBI. Mais Riley avait insisté pour envoyer April chez son père et, à présent, April se rebellait.
Riley devrait peut-être se montrer plus compréhensive. Elle-même avait toujours été un peu rebelle. Et elle savait ce que c’était de perdre sa mère et de s’éloigner de son père. April avait peur que la même chose lui arrive.
Elle a peur pour ma sécurité, réalisa Riley. Ces derniers mois, April avait été le témoin de ses souffrances physiques et émotionnelles. Après la frayeur de la veille, April était sans doute terrifiée et très inquiète. Riley devait être plus à l’écoute des sentiments de sa fille. N’importe qui, au même âge, aurait eu du mal à gérer les complications dans la vie de Riley.
Riley se gara devant la maison qu’elle avait autrefois partagée avec Ryan. C’était une belle demeure avec un portique – ou une porte cochère, comme disait Ryan. Ces derniers jours, Riley préférait se garer dans la rue, plutôt que de s’engager dans l’allée.
Elle ne s’était jamais sentie chez elle ici. Vivre dans une banlieue pavillonnaire respectable n’avait jamais été son truc. Son mariage, la maison, le voisinage… Tout ici représentait ce qu’elle ne s’était jamais crue capable d’accomplir.
Les années passant, Riley avait compris qu’elle était plus douée pour pénétrer un esprit malade qu’elle ne le serait jamais pour vivre une vie normale. Elle avait fini par abandonner son mariage, cette maison, ce voisinage et cela n’avait fait que renforcer son envie d’être, au moins, une bonne mère pour sa fille adolescente.
Comme April s’apprêtait à ouvrir la portière, Riley dit :
– Attends.
April se retourna et lui adressa un regard interrogateur.
Sans s’arrêter pour réfléchir, Riley dit :
– C’est bon. Je comprends.
April la fixa d’un regard stupéfait. L’espace d’un instant, elle sembla au bord des larmes. Riley était presque aussi surprise qu’elle. Elle ne savait pas très bien ce qui lui avait pris. Elle avait seulement compris instinctivement que l’heure n’était pas aux reproches, même si elle avait été sur le point d’en faire à April – avant de se raviser. Elle savait également au fond d’elle qu’elle avait dit exactement ce qu’il fallait dire.
Riley et April sortirent toutes deux de la voiture et marchèrent vers le perron. Riley espérait-elle que Ryan serait à la maison – ou, au contraire, qu’il n’y serait pas ? Elle n’avait pas envie de discuter, et elle avait déjà décidé de ne pas lui parler de la marijuana. Elle aurait dû, peut-être, mais elle n’avait pas le temps de gérer sa réaction. Toutefois, elle était bien obligée de lui expliquer pourquoi elle s’absentait pendant quelques jours.
Gabriela, la robuste Guatémaltèque qui travaillait comme bonne pour la famille depuis des années, accueillit Riley et April à l’entrée. Elle ouvrait de grands yeux inquiets.
– Hija,