autre boulet en feu atterrit près de Merk et tua deux Gardiens à côté de lui, deux hommes qu'il avait appris à apprécier. Les flammes s'étendaient et il les sentait près de son propre dos. Merk regarda autour de lui, vit que presque tous les hommes étaient morts et comprit qu'il ne pourrait plus rien faire ici, mis à part attendre la mort.
Merk savait que c'était maintenant ou jamais. Il n'allait pas mourir comme ça, blotti en haut de la tour à attendre la mort. Il voulait mourir avec courage, bravement, en affrontant l'ennemi l'arme à la main, face à face, et il voulait tuer autant de ces créatures que possible.
Merk poussa un grand cri, tendit la main vers la corde fixée à la tour et sauta par-dessus le bord. Il descendit à toute vitesse vers la nation de trolls qui l'attendait en dessous, prêt à faire face à son destin.
CHAPITRE QUATRE
Kyra cligna des yeux quand elle regarda le ciel, le monde qui se mouvait au-dessus d'elle. C'était le ciel le plus beau qu'elle ait jamais vu, violet foncé avec de doux nuages blancs qui dérivaient au-dessus de sa tête, illuminé par la lumière diffuse du soleil. Elle sentit qu'elle bougeait et elle entendit le doux clapotis de l'eau tout autour d'elle. Elle n'avait jamais eu une telle sensation de paix.
Allongée sur le dos, Kyra regarda autour d'elle et eut la surprise de constater qu'elle flottait au milieu d'une vaste mer, sur un radeau en bois, loin de toute rive. D'immenses rouleaux faisaient doucement monter et descendre son radeau. Elle eut l'impression qu'elle dérivait vers l'horizon, vers un autre monde, une autre vie. Vers un endroit de paix. Pour la première fois de sa vie, elle ne se soucia plus du monde; elle se sentit étreinte par l'univers, comme si elle pouvait finalement baisser sa garde et être prise en charge, à l'abri de tout mal.
Kyra sentait une autre présence sur son bateau. Elle se redressa et fut étonnée de voir une femme assise là. La femme portait une robe blanche, était enveloppée de lumière, avait de longs cheveux dorés et des yeux bleus saisissants. C'était la plus belle femme que Kyra ait jamais vue.
Kyra ressentit un choc quand elle se sentit certaine que c'était sa mère.
“Kyra, mon amour”, dit la femme.
La femme lui fit un sourire d'une telle tendresse qu'il apporta du baume à l'âme de Kyra, qui regarda sa mère et se sentit encore plus profondément en paix. La voix résonnait en elle, la faisait se sentir en paix dans le monde.
“Mère”, répondit-elle.
Sa mère tendit une main presque translucide. Kyra leva le bras et la prit. Le toucher de sa peau était électrisant et, alors qu'elle tenait cette main, Kyra avait l'impression qu'une partie de sa propre âme guérissait.
“Je t'ai regardée”, dit-elle, “et je suis fière. Plus fière que tu ne le sauras jamais.”
Kyra essaya de se concentrer mais, alors qu'elle sentait la chaleur de l'étreinte de sa mère, elle eut l'impression qu'elle quittait ce monde.
“Suis-je en train de mourir, Mère ?”
Sa mère la regarda de ses yeux brillants et lui serra la main plus fort.
“C'est le moment, Kyra”, dit-elle, “et pourtant, ton courage a changé ton destin. Ton courage, et mon amour.”
Kyra la regarda en clignant des yeux, perplexe.
“Nous n'allons pas être ensemble maintenant ?”
Sa mère lui sourit et Kyra la sentit lâcher prise lentement, s'en aller. Kyra eut soudain peur car elle savait que sa mère allait partir, la quitter pour toujours. Kyra essaya de la retenir mais elle retira sa main et plaça plutôt sa paume sur le ventre de Kyra. Kyra sentit une chaleur et un amour intenses le traverser et la guérir. Lentement, elle sentit qu'elle revenait à la vie.
“Je ne te laisserai pas mourir”, répondit sa mère. “Mon amour pour toi est plus fort que le destin.”
Soudain, sa mère disparut.
A sa place se tenait un beau garçon qui la regardait fixement. Ses yeux gris brillants et ses longs cheveux droits l'hypnotisaient. Elle sentait l'amour qui émanait de son regard.
“Moi non plus, je ne te laisserai pas mourir, Kyra”, répéta-t-il.
Il se rapprocha, plaça sa paume sur son ventre, au même endroit que sa mère, et elle sentit une chaleur encore plus intense lui traverser le corps. Elle vit une lumière blanche, sentit la chaleur se répandre en elle et, quand elle sentit qu'elle revenait à la vie, elle put à peine respirer.
“Qui es-tu ?” demanda-t-elle d'une voix à peine plus forte qu'un murmure.
Elle se noya dans la chaleur et dans la lumière et ne put s'empêcher de fermer les yeux.
Qui es-tu ? La question résonna dans son esprit.
Kyra ouvrit lentement les yeux et se sentit inondée de paix, de tranquillité. Elle regarda tout autour d'elle en s'attendant à être encore sur l'océan, à voir l'eau, le ciel.
Au lieu de cela, elle entendit le chant omniprésent des insectes. Elle se tourna, étonnée de se retrouver dans les bois. Elle était allongée dans une clairière et sentait une chaleur intense rayonner dans son ventre, à l'endroit où elle avait été poignardée. Elle regarda vers le bas et vit une seule main à cet endroit. C'était une belle main pâle qui lui touchait le ventre, comme dans son rêve. Étourdie, elle leva les yeux et vit ces beaux yeux gris la regarder, avec une telle intensité qu'on aurait dit qu'ils brillaient.
Kyle.
Il s'agenouilla à côté d'elle, un main sur son front et, quand il la toucha, Kyra sentit sa blessure guérir lentement, se sentit lentement revenir dans ce monde, comme si Kyle l'y ramenait par la seule force de sa volonté. Avait-elle vraiment reçu une visite de sa mère ? Est-ce que cela avait été réel ? Elle avait l'impression qu'elle avait été censée mourir mais que, d'une façon ou d'une autre, son destin avait été modifié. C'était comme si sa mère avait intervenu. Kyle aussi. Leur amour l'avait ramenée. Leur amour et, comme avait dit sa mère, son propre courage.
Kyra se lécha les lèvres, trop faible pour se relever. Elle voulait remercier Kyle mais elle avait la gorge trop sèche et les mots ne venaient pas.
“Chut”, dit-il en la voyant faire des efforts. Il se pencha en avant et lui embrassa le front.
“Suis-je morte ?” réussit-elle finalement à demander.
Au bout d'un long silence, il répondit d'une voix douce mais puissante.
“Tu es revenue”, dit-il. “Je ne t'aurais jamais laissée partir.”
C'était une sensation étrange; en le regardant dans les yeux, elle avait l'impression qu'elle l'avait toujours connu. Elle tendit la main, lui saisit le poignet et le serra pour montrer sa gratitude. Il y avait tant de choses qu'elle voulait lui dire. Elle voulait lui demander pourquoi il avait risqué sa vie pour elle, pourquoi il tenait tant à elle, pourquoi il s'était sacrifié pour la ramener. Elle sentait qu'il avait réellement fait un grand sacrifice pour elle, un sacrifice qui lui ferait du mal d'une façon ou d'une autre.
Elle voulait surtout qu'il sache ce qu'elle ressentait en ce moment.
Je t'aime, voulait-elle dire.
Cependant, les mots ne venaient pas. Au lieu de cela, une vague d'épuisement la submergea et, quand ses yeux se fermèrent, elle fut forcée de succomber à la fatigue. Elle sentit qu'elle s'enfonçait de plus en plus profondément dans le sommeil, que le monde passait à côté d'elle à toute vitesse et elle se demanda si elle était en train de mourir une deuxième fois. N'avait-elle été ramenée que pour un moment ? N'était-elle revenue une dernière fois que pour adieu à Kyle ?
Puis, quand un sommeil profond finit par la submerger, elle fut quasi-certaine d'entendre quelques derniers mots avant de perdre conscience pour de bon :
“Je t'aime, moi aussi.”
CHAPITRE CINQ
Le bébé dragon souffrait