Sophie Love

Maintenant et À Tout Jamais


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douze mètres – et elle était déjà exténuée.

      Essayant de ne pas désespérer trop, elle décida de se reposer un moment pour reprendre son souffle. Ce faisant, elle aperçut la maison du gardien plus loin le long du jardin, dissimulée derrière des conifères. Un petit panache de fumée s’élevait de la cheminée et une lumière chaude se déversait par les fenêtres. Emily ne put s’empêcher de penser à Daniel à l'intérieur, buvant son thé, restant douillettement au chaud.

      Il l'aiderait, elle n’avait aucun doute à ce sujet, mais elle voulait faire ses preuves. Il s’était moqué sans pitié d’elle la veille, et était selon toute vraisemblance celui qui avait appelé Éric en premier lieu. Il devait l’avoir perçue comme une demoiselle en détresse, et Emily ne voulait pas qu'il ait la satisfaction de se voir donner raison.

      Mais son estomac se plaignait encore et elle était épuisée. Beaucoup trop épuisée pour continuer. Emily se tenait dans le torrent qu'elle avait créé, soudain accablée par son malheur, trop fière pour demander l'aide dont elle avait besoin, trop faible pour faire ce qui devait être fait par elle-même. La frustration monta en elle jusqu'à se transformer en chaudes larmes. Ses larmes la mettaient encore plus en colère, en colère contre elle-même pour être si inutile. Dans son esprit contrarié, elle se réprimanda et, comme un enfant irascible et obstiné, se résolut à rentrer chez elle dès que la neige aurait fondu.

      Se débarrassant de la pelle, Emily rentra d’un pas lourd dans la maison, ses baskets trempés. Elle les enleva d’un coup de pied près de la porte, puis retourna dans le salon pour se réchauffer près du feu.

      Elle se laissa tomber sur le canapé poussiéreux et attrapa son téléphone, s’apprêtant à appeler Amy et lui annoncer la nouvelle tant attendue, qu'elle avait échoué dans sa première et unique tentative d'être indépendante. Mais le téléphone n’avait plus de batterie. Étouffant un cri, Emily jeta son portable inutile sur le canapé, puis se laissa tomber sur le côté, complètement vaincue.

      À travers ses sanglots, Emily entendit un grattement provenant de l'extérieur. Elle se redressa, essuya ses yeux, puis courut à la fenêtre et regarda dehors. Immédiatement, elle vit que Daniel était là, la pelle qu’elle avait jetée à la main, pelletant la neige et poursuivant ce qu'elle n’avait pas réussi à terminer. Elle avait peine à croire à quelle vitesse il était capable de dégager la neige, combien il était doué, combien il était adapté à la tâche à accomplir, comme s’il était né pour travailler la terre. Mais son admiration fut de courte durée. Au lieu de se sentir reconnaissante envers Daniel ou heureuse de voir qu'il avait réussi à se frayer un passage jusqu’à la conduite extérieure, elle se sentit en colère contre lui, dirigeant sa propre impuissance contre lui plutôt que vers elle.

      Sans même penser à ce qu'elle faisait, Emily attrapa ses baskets détrempées et les remit. Son esprit était traversé de pensées ; des souvenirs de tous ses ex petits-amis inutiles qui ne l’avaient pas écoutée, qui étaient intervenu et avaient tenté de la “sauver”. Ce n’était pas que Ben ; avant lui ça avait été Adrian, qui était si surprotecteur qu’il en était étouffant, et puis il y avait Mark avant lui, qui la traitait comme un fragile ornement. Chacun d'eux avait appris son passé – la mystérieuse disparition de son père n’étant que la pointe de l'iceberg – et l'avaient traitée comme quelque chose avait besoin d’être protégé. C’étaient tous ces hommes de son passé qui l’avaient faite ainsi et elle n’allait plus le tolérer.

      Elle sortit en trombe dans la neige.

      « Eh ! », cria-t-elle. « Que faites-vous ? »

      Daniel ne s’arrêta que brièvement. Il ne regarda même pas en arrière vers elle par-dessus son épaule, et continua seulement à pelleter, avant de dire calmement : « Je dégage le passage. »

      « Je peux le voir », rétorqua Emily. « Ce que je veux dire c’est pourquoi, quand je vous ai dit que je n’avais pas besoin de votre aide ? »

      « Parce que sinon autrement vous serez frigorifiée », répondit simplement Daniel, en ne la regardant toujours pas. « Ainsi que l'eau, maintenant que je l'ai ouverte. »

      « Et alors ? », répliqua Emily. « Qu’est-ce que cela vous fait si j’ai froid ? C'est ma vie. Je peux être frigorifiée si je le veux. »

      Daniel n’était pas pressé d'interagir avec Emily, ou nourrir la dispute qu'elle tentait si clairement de commencer. Il continua juste à pelleter, calmement, méthodiquement, aussi impassible en sa présence qu’il l'aurait été si elle n’avait pas été là du tout.

      « Je ne suis pas prêt pour ne plus rien faire et vous laisser mourir », répondit Daniel.

      Emily croisa les bras. « Je pense que c’est un peu mélodramatique, pas vous ? Il y a une grande différence entre avoir un peu froid et mourir ! »

      Finalement, Daniel enfonça la pelle dans la neige et se redressa. Il croisa ses yeux, son expression était indéchiffrable. « Cette neige était entassée si haut qu'elle couvrait l'échappement. Vous arrivez avec mettre en marche cette chaudière, tout retournerait droit dans la maison. Vous seriez morte d’une intoxication au monoxyde de carbone en une vingtaine de minutes. » Il le dit d’un ton si détaché qu’il prit Emily par surprise. « Si vous voulez mourir, faites le durant votre propre temps. Mais cela n’arrivera pas sous ma surveillance. » Puis il jeta la pelle au sol et se dirigea vers la remise.

      Emily se tint là, l’observant partir, et sentit sa colère fondre pour seulement être remplacé par de la honte. Elle se sentait mal pour la façon dont elle avait parlé à Daniel. Il ne cherchait qu'à l’aider et elle lui avait jeté tout cela au visage comme un enfant gâté.

      Elle fut tentée de courir vers lui, de lui présenter des excuses, mais à ce moment le camion de fioul apparut au bout de la rue. Emily sentit son cœur bondir, surprise de voir à quel point elle se sentait heureuse grâce au simple fait que du fioul était livré. Être dans la maison dans le Maine était aussi différent que possible de sa vie à New York.

      Emily observa Éric sauter du camion, étonnamment agile pour quelqu'un de si âgé. Il était vêtu d’un bleu de travail taché d’essence, comme un personnage de dessin animé. Son visage était hâlé, mais chaleureux.

      « Salut », dit-il avec le même manque d’assurance qu'il avait eu au téléphone.

      « Je suis Emily », dit Emily, tendant la main pour serrer la sienne. « Je suis vraiment contente que vous soyez là. »

      Éric hocha simplement la tête, et se mit directement au travail pour installer la pompe à fioul. Il n’était manifestement pas bavard, et Emily se tint là, mal à l'aise, le regardant travailler, souriant faiblement à chaque fois qu'elle remarquait son regard se posant brièvement sur elle, comme s’il était confus par le fait même qu'elle soit là.

      « Pouvez-vous me montrer à la chaudière ? », dit-il une fois que fut en place.

      Emily pensa au sous-sol, à son aversion pour les énormes machines en son sein qui alimentaient la maison, aux milliers d'araignées qui avaient tissées leurs toiles là au fil des années.

      « Oui, par ici », répondit-elle d'une petite voix.

      Éric sorti sa lampe de poche et ensemble, ils descendirent dans le sous-sol sombre et effrayant. Tout comme Daniel, Éric semblait être doué avec la mécanique. En quelques secondes, l'énorme chaudière se mit en marche. Emily ne pout s’en empêcher ; elle lança ses bras autour du vieil homme.

      « Elle marche ! Je n’arrive pas à croire qu’elle marche! »

      Éric se raidit à son contact. « Eh bien, vous ne devriez pas jouer avec une vieille maison comme ça », répondit-il.

      Emily dessera son étreinte. Elle ne se souciait même pas qu'une autre personne encore lui dise d'arrêter, d'abandonner, qu'elle n’était pas à la hauteur. La maison avait maintenant le chauffage ainsi que l'eau, et que cela voulait dire qu'elle n’avait