Amy Blankenship

Le Sang Rival


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naissante. En un éclair aveuglant, la lumière explosa sans bruit vers l'extérieur. La porte de la maison du sanctuaire tomba de ses charnières avec un bruit sourd suivi d'une éclaboussure qui semblait sans fin.

      – Une éclaboussure ? se demanda-t-elle.

      Elle tourna le regard vers l'eau scintillante de l'étang, voyant des ondulations grandir en cercles plus grands à partir de l’endroit où quelque chose venait de tomber. Sans penser à la hauteur, elle se retourna sur la rampe.

      Dès que ses petits pieds touchèrent l'herbe, elle se mit à courir en pensant que son grand-père avait été poussé dans l'eau. Passant par le petit pont, elle en enjamba la barrière pour arriver dans l'eau afin de pouvoir atteindre le centre des ondulations. Sans penser à l’eau glacée qui la piquait comme des centaines d'épines, elle se fraya un chemin dans la partie la plus profonde de l'étang.

      Elle savait bien qu'il faisait trop sombre pour voir quoi que ce soit, mais elle ouvrit quand même les yeux sous l'eau trouble. Son grand-père était ici et elle devait l'aider. Malgré tout, elle fut surprise de voir quelque chose… quelque chose de brillant… elle en fut presque aveuglée. Et juste là, au centre de toute cette lumière, il y avait un ange qui s'enfonçait lentement au fond de l'étang.

      Tentant désespérément d’attraper sa main qui rayonnait de lumière et qui se tendait vers elle, elle sentit l'eau glacée se précipiter dans ses poumons. Il était beau et avait l'air de dormir. Des ailes… il avait des ailes argentées. Saisissant sa main, elle tira aussi fort qu'elle put, mais cela ne fit que de la rapprocher de lui. Elle essaya de crier pour qu'il se réveille, mais elle s’étouffa encore plus. Ça ne lui faisait pas mal, mais elle avait si froid… et elle était tellement fatiguée !

      Elle sentit ses doigts se serrer autour d'elle et sa dernière pensée fut celle d’un ange l'emmenant au ciel pour qu'elle puisse être à nouveau avec son papa et sa maman.

      Toya se mit à trembler quand il reprit conscience et il ouvrit les yeux. De l'eau ? Pourquoi était-il sous l'eau ? Il sentit quelqu'un lui toucher la main et tourna la tête. Il vit une jeune fille dont les cheveux, qui lui flottaient autour du visage, avait l’air douce comme tout. Ses yeux étaient fermés et ses lèvres, en forme de cœur, se séparaient lentement.

      Réalisant ce que cela signifiait, il la prit dans ses bras et sortit si vite hors de l'eau qu'il laissa un joli tourbillon marquant son passage.

      En regardant le paquet mouillé qu’il avait dans les bras, sa respiration s'arrêta… elle était si belle, si fragile. Dépliant ses ailes en l’air, il descendit sur un bout d'herbe moelleuse et l’y allongea doucement.

      Posant sa main sur son cœur, il pria pour qu’il puisse le sentir battre. Ses yeux dorés s’élargirent et ses battements de cœur accélérèrent alors qu'il sentait son pouvoir de gardien s'accumuler dans sa paume. De chaudes larmes jaillirent de ses yeux, faisant nager l’image de la jeune fille dans le flou. Puis, il ressentit ses pouvoirs de gardien l'atteindre.

      – Kyoko ?

      Il pouvait sentir son pouvoir se mêler au sien, se centrer entre sa paume et son cœur. Il savait qu'il avait raison. Il l'avait enfin retrouvée, mais dans ce monde, elle n'était qu'une enfant. Il leva les yeux au ciel et supplia :

      – Tu m'as amené ici pour une raison… n'est-ce pas ? S'il te plaît, dis-moi que ce n'était pas pour la regarder mourir à nouveau. Je ne pourrai pas… je n’en peux plus.

      Comme il ne se passait rien et qu’elle restait toujours inerte, il la tira dans ses bras et son gémissement désespéré fit écho dans les environs. Il pressa son visage dans le creux de son cou en serrant sa poitrine contre la sienne pour pouvoir percevoir ses battements de cœur.

      – Allez Kyoko, je suis là… réveille-toi !

      Les nerfs à vif, complètement à bout, il cria :

      – S'il te plaît… laisse-moi la sauver, cette fois-ci !

      Comme par instinct, il tourna ses yeux remplis de larmes vers le sanctuaire qui n’était qu’à quelques mètres de lui. Là… la statue de la jeune fille se trouvait juste à l'intérieur. Voyant le regard rayonnant du Cœur du Temps, il sentit sa colère refaire surface.

      – Je me fiche de savoir si les démons arrivent et si tu vas l’avoir ou pas, ton putain d’cristal. Tout cela n'a pas d'importance à mes yeux… par contre, elle, elle en a ! Je l'aime. Je n'ai toujours aimé qu'elle. Ne t'avise pas à me la reprendre.

      Les yeux luisants de la statue semblaient le regarder un instant puis ils libérèrent un éclat de lumière. Sans entendre de réponse, Toya réalisa quelle était la demande du Cœur du Temps. Il sentit un sentiment de calme dissiper sa colère et retira son regard de la statue pour contempler un instant l'enfant qui mourait dans ses bras.

      – Très bien, dans ce cas. Si c'est comme ça que ça doit se passer, chuchota-t-il, prêt à tout sacrifier pour la garder en vie. Son petit corps commença à briller en même temps que le sien et la douce lumière bleue s'étendit autour d'eux. Abaissant ses lèvres au niveau des siennes, il lui donna une part de son souffle… scellant ainsi leurs destins alors que son cœur battait à nouveau en rythme.

      Puis l'eau s'évapora de ses poumons lorsqu’elle inspira de l'air chaud. Elle lutta pour ouvrir les yeux en se rappelant de l'ange qu'elle avait essayé de sauver.

      Tentant d’évacuer l'eau de ses yeux avec ses cils, elle attendit que la lumière bleue qui l’aveuglait s'éteigne. Quand celle-ci s'évanouit pour de bon, elle se retrouva dans les bras de l'ange qui la regardait. Sentant ses lèvres la picoter, elle les toucha avec émerveillement du bout des doigts.

      Toya n'arrêtait pas de la regarder au moment où elle ouvrit ses yeux vert émeraude qui brillaient d’une curiosité et d’une intelligence chaleureuses. Il sentit sa poitrine se contracter douloureusement quand elle lui sourit. Il ressentit sa blessure toujours saignante alors qu'elle se tendait innocemment vers lui en pressant ses petits doigts contre ses lèvres comme si elle sentait qu'il l'avait embrassée.

      – Qu'est-ce qui pourrait bien faire pleurer un ange ? demanda Kyoko en voyant des larmes couler sur ses joues.

      Toya vit son sourire s'estomper et réalisa… qu'il pleurait.

      – Je ne pleure pas, dit-il en clignant des yeux remplis de larmes tout en s’essuyant un bras sur la joue. Ne pouvant s’empêcher de pleurer, il dut cependant en essuyer encore plus. Promets-moi que tu ne retourneras plus jamais dans l'eau avant d'avoir appris à nager.

      Il pouvait déjà sentir qu’il disparaissait de ce monde… mais si elle vivait, il s'en fichait.

      Kyoko se dégagea de son emprise et se leva. Regardant l'étang, elle se retourna vers lui.

      – J'avais oublié que je ne savais pas nager, chuchota-t-elle en se demandant comment elle avait pu oublier une chose pareille.

      Toya pouvait voir la lueur de la statue au-dessus de son épaule et savait que le temps lui était compté. Les mains de la jeune fille se mirent à briller encore plus ; et de son côté, il pouvait entendre au loin les monstres de son monde qui essayaient de percer la brèche. La barrière entre les mondes a toujours été la plus faible à chaque endroit où elle se trouvait.

      Puis, sans la prévenir, il lui prit la main et l'entraîna dans une longue étreinte. Frottant sa joue contre ses cheveux auburn, il chuchota avec des trémolos dans la voix :

      – Il faut que je retourne de l'autre côté pour empêcher les démons de venir ici.

      – Tu parles comme grand-père… il sait tout sur les démons, lui dit Kyoko en appuyant son oreille contre sa poitrine pour pouvoir écouter ses battements de cœur. Elle glissa un de ses bras autour de son dos et se demanda pourquoi elle ne pouvait pas sentir ses ailes alors qu'elle savait qu'elles étaient là.

      La regardant en face pour contempler son air innocent, il lui prit le menton et tourna ses étonnants yeux d'émeraude vers les siens.

      – Ne crains pas les démons, Kyoko… tu as le pouvoir