le corps, cela pourrait aider, mais rien n’avait été dérangé, du moins de manière visible.
Jessie avança pour regarder la victime de plus près. L’équipe du bureau du médecin légiste, qui avait été sur le point de la mettre dans une housse mortuaire, recula respectueusement d’un pas.
Le visage de Taylor Jansen était bleu et bouffi. Elle avait les yeux fermés. Son abdomen, qu’elle avait visiblement gardé tendu et plat suite à de nombreux efforts, était maintenant détendu à cause des gaz qui s’étaient accumulés dans son corps après la mort. En dépit de son état actuel, Jessie pouvait dire qu’elle avait été belle.
— Est-ce que quelqu’un l’a touchée ? demanda Ryan.
— Personne mis à part les agents qui lui ont pris ses empreintes, leur assura Wayne.
— On dirait qu’elle est morte en faisant une sieste, nota Ryan. Il n’est pas étonnant que l’appel téléphonique d’origine ait évoqué l’hypothèse du suicide. Peut-être toutes ces pilules présentes dans la cuisine n’étaient-elles pas des vitamines. Je suis impatient de consulter le rapport de toxicologie.
Jessie se pencha près du corps et remarqua les contusions ternes que Taylor avait aux poignets et au cou. À cause de la décoloration de la peau et du gonflement, il était difficile de dire à combien de temps elles remontaient. Cependant, au jugé, Jessie aurait dit à beaucoup plus de deux jours.
— Est-ce que cette fenêtre près de la porte de devant est toujours ouverte ? demanda Jessie. Ou alors, est-ce que quelqu’un l’a ouverte après qu’elle a été trouvée ?
— Selon son collègue, elle était légèrement ouverte quand il est arrivé. Il dit qu’il a frappé à la porte et a essayé de l’ouvrir, mais qu’elle était verrouillée et qu’il a donc utilisé la fenêtre pour entrer.
Jessie hocha la tête. Elle se détourna du corps de Taylor et se rendit à son placard. Elle ouvrit la porte coulissante et jeta un coup d’œil à l’intérieur. On aurait dit que trois quarts de sa garde-robe était exclusivement composée de matériel d’entraînement et de lingerie. Jessie se retourna vers Ryan et l’Agent Wayne.
— Il faut vraiment que nous parlions à son collègue, dit-elle.
*
Assis au fond de la voiture de patrouille garée à l’extérieur de l’immeuble, Vin Stacey avait l’air très triste.
— Est-il en détention ? demanda Jessie à l’agent qui s’ennuyait visiblement en montant la garde à côté de la voiture.
— Non. Nous lui avons juste demandé de rester là jusqu’à vous puissiez tous descendre lui parler.
— Est-ce qu’il sait qu’il n’est pas obligé d’attendre dans la voiture ? On dirait qu’il pense qu’il est en détention.
— Nous n’avons pas précisément clarifié la nature de notre demande, admit l’agent, tout penaud. Nous lui avons juste demandé d’attendre dans le véhicule qu’on vienne lui poser d’autres questions.
— Donc, il pense qu’il est en état d’arrestation ? dit Jessie d’un air incrédule.
— Je ne sais pas ce qu’il pense, madame. Nous lui avons juste demandé de rester.
Jessie regarda Ryan, qui était loin d’avoir l’air aussi en colère qu’elle.
— Tu trouves ça normal ? demanda-t-elle.
— Non, dit-il, mais je ne nierai pas que j’ai déjà utilisé cette tactique. Ça permet de s’assurer qu’une personne reste disponible sans avoir à l’arrêter formellement.
— Mais je croyais qu’il n’était plus suspect, rétorqua Jessie.
— Tout le monde est suspect. Tu le sais.
— OK, concéda Jessie, mais, pour l’instant, pendant qu’il est assis là, le monde entier lui passe devant et s’imagine qu’il a été arrêté pour une raison ou pour une autre.
— J’imagine qu’on pourrait arranger ça, dans ce cas, dit mollement Ryan.
Jessie le regarda en fronçant les sourcils puis ouvrit la portière de derrière.
— M. Stacey ? demanda-t-elle d’un ton beaucoup plus doux que celui qu’elle venait d’employer, d’une voix maintenant mielleuse.
— Oui, répondit-il d’une voix tremblante.
— Pourriez-vous sortir du véhicule ? Je suis désolée de vous avoir fait attendre si longtemps. Mon collègue et moi, nous enquêtions en haut. Nous espérions pouvoir vous poser des questions complémentaires, si ça ne vous gêne pas.
— J’ai répondu aux questions de tout le monde, implora-t-il. Je ne sais pas pourquoi j’ai des ennuis.
— Vous n’avez pas d’ennuis, M. Stacey, promit-elle. Sortez. Je m’appelle Jessie Hunt. Je suis profileuse criminelle pour la police de Los Angeles. Voici l’inspecteur Ryan Hernandez. Je vois un café au coin, là-bas. Permettez que nous vous offrions une tasse et nous pourrons parler. Qu’en pensez-vous ?
Il hocha la tête et sortit du véhicule. Ce ne fut qu’à ce moment-là que Jessie se rendit compte à quel point il était grand. Debout, il mesurait facilement un mètre quatre-vingt-sept. Jessie évalua son poids à quatre-vingt-dix-neuf kilos. Il portait un tee-shirt d’entraînement moulant à manches longues qui épousait ses abdos saillants. Ses biceps semblaient capables de déchirer le tissu à tout moment.
Malgré son physique imposant, Jessie sentit de la douceur dans son allure. Quand elle le regarda de plus près, elle remarqua qu’il portait un collier serré magique en arc-en-ciel et qu’il avait les ongles teints en violet scintillant.
— Donc, si je suppose bien, vous êtes aussi coach à la salle de gym de Taylor ? dit-elle en essayant de détendre l’atmosphère pendant qu’ils allaient au café.
Il hocha la tête mais ne répondit pas. Ryan les suivait un pas derrière, sentant visiblement que sa présence risquait de réduire à néant les efforts déployés par Jessie pour créer un lien avec Vin Stacey. Alors qu’ils marchaient, Jessie remarqua que l’homme se frottait les poignets avec précaution.
— Vous allez bien ? demanda-t-elle.
— Je n’arrive toujours pas à y croire. J’ai l’impression qu’on m’a enlevé les intestins. J’ai attendu là-bas, conscient du fait qu’une personne qui avait été si vivace n’était maintenant plus que cet objet froid et sans vie gisant à seulement quelques mètres de moi. Rien qu’y penser me fait mal. Quant à vos collègues, ils ne m’ont aidé qu’à me sentir encore plus mal qu’avant.
— C’est bien dommage, reconnut Jessie.
— Savez-vous que les agents m’ont mis des menottes quand ils sont arrivés chez Taylor ? insista-t-il. J’étais juste assis dehors et je les attendais. Or, l’un d’eux m’a menotté pendant que l’autre avait la main sur l’étui de son arme tout le temps. C’est moi qui ai appelé la police !
— J’en suis vraiment désolée, M. Stacey, dit Jessie pour l’apaiser. Malheureusement, quand des agents arrivent sur la scène du crime, ils doivent prendre des précautions qui peuvent paraître excessives après coup.
— Ils m’ont gardé menotté pendant une demi-heure, longtemps après avoir eu ma carte d’identité, avoir vérifié si j’avais un casier judiciaire, ce qui n’est pas le cas, et après que j’avais confirmé que je travaillais avec Taylor. Pendant ce temps, elle était allongée morte sur son lit. Je crois que nous savons tous les deux que, si vous aviez appelé la police et attendu là, ils vous auraient traitée différemment.
— C’est vrai, dit-elle en hochant la tête avec compassion quand ils entrèrent dans le café.