Морган Райс

Le Royaume des Dragons


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le message et s'emparèrent de la corde. Godwin perçut le moment où son fils se joignit à l'effort, tous poussèrent la dépouille du dragon, ahanant sous l'effort.

      La créature s'ébranla lentement, laissant des traces de son passage dans la poussière tandis que tous traînaient la masse imposante. Seul Grey ne fit pas mine de tirer sur la corde, personne ne comptait sur lui d'ailleurs. Le groupe tira peu à peu le dragon jusqu'au fleuve.

      Ils parvinrent à le haler jusque sur la berge, aux abords du fleuve qui symbolisait à la fois la frontière et les défenses du royaume. Il reposait en équilibre parfait, en direction de Godwin, un souffle de vent aurait pu le faire basculer, on aurait presque dit qu'il s'apprêtait à prendre son envol vers des contrées plus méridionales.

      Il appuya sa botte sur son flanc et, au prix d'un immense effort, fit basculer le cadavre dans le vide. “Une bonne chose de faite,” affirma-t-il, tandis que le dragon frappait l'onde.

      Il ne disparut pas pour autant mais flottait, la férocité des ondes argentées auraient pu l'emporter mais le cadavre du dragon se cognait aux rochers et tournoyait au gré du courant. Nul ne résistait à ce flot impétueux, l'immense dragon était devenu un vulgaire fétu de paille, il serait bientôt entraîné vers la lointaine mer, là où les eaux sombres rejoignaient l'immensité salée.

      “Espérons qu'elle n'ait pas pondu,” murmura Grey.

      Le roi Godwin restait là, trop éreinté pour poser une quelconque question, observant le corps de la créature jusqu'à complète disparition. Il voulait simplement s'assurer qu'elle ne reviendrait pas dans son royaume, qu'elle ne leur occasionnerait aucun tracas supplémentaire. Il n'était plus tout jeune et dut reprendre son souffle.

      Il se leurrait. En vérité, l'inquiétude le rongeait. Il régnait sur son royaume depuis fort longtemps mais n'avait jamais rien vu de tel. Un malheur allait forcément se produire.

      Quoiqu'il arrive, Godwin savait d'ores et déjà que son royaume ne serait pas épargné.

      CHAPITRE DEUX

      Dans son rêve, Devin se trouvait très loin de son atelier de forgeron, hors la cité de Royalsport, où il vivait avec sa famille. Il rêvait souvent, allant où bon lui semblait. Son imaginaire avait fait de lui un chevalier.

      Son rêve était étrange, cela dit. Il savait que ce n'était qu'un rêve, mais ce n'était pas toujours le cas. Il pouvait y entrer, le rêve semblait se mouvoir, les paysages évoluaient autour de lui.

      Comme s'il volait au-dessus du royaume. Il pouvait voir la terre se dérouler sous lui, au nord et au sud, parcourue par la Slate, et Leveros, l'île aux moines, à l'extrême est. Plus au nord, aux confins du royaume, à cinq ou six journées de cheval, il apercevait les volcans endormis depuis des siècles et plus à l'ouest, le Troisième Continent, personne n'osait en parler, effrayés qu'ils étaient par les créatures vivant là-bas.

      Il savait qu'il ne s'agissait que d'un rêve, un rêve particulièrement précis concernant le royaume.

      Il ne survolait plus le vaste monde. Il se trouvait dans un endroit sombre, en compagnie de quelque chose : une forme occupait tout l'espace, une odeur de moisi, sèche, de reptile. Un rai de lumière filtrait par les escaliers, dans la semi-pénombre, il entendait comme un bruissement, une respiration mugissante. Dans son rêve, Devin était pétrifié et refermait instinctivement sa main sur la poignée de son épée, dont la lame dardait un éclat métallique d'un noir bleuté.

      De grands yeux dorés s'ouvrirent soudain dans le noir, un éclat de lumière lui parvint. Il aperçut une forme gigantesque, il n'en avait jamais vu d'aussi grande, des ailes repliées et une gueule grande ouverte dont s'échappait de la lumière. Devin mit un moment avant de comprendre que la lumière provenait de la gueule de la créature, des flammes l'entourèrent tout à coup, l'encerclaient, brûlant tout sur leur passage …

      Les flammes s'écartèrent, il se retrouva assis dans une pièce circulaire, probablement au sommet d'une tour. L'endroit était tapissé, du sol au plafond, d'un bric-à-brac de diverses provenances ; des soieries recouvraient les murs, les étagères étaient encombrées d'objets en cuivre dont Devin ignorait le sens.

      Un homme était assis, jambes croisées, dans le peu d'espace restant, au centre d'un cercle tracée à la craie et entouré de bougies. Il était chauve et fixait Devin d'un air sérieux. Sa robe richement rebrodée arborait des écussons et bijoux décorés de motifs mystiques.

      “Vous me connaissez ?” demanda Devin en s'approchant.

      Un long silence s'ensuivit, si long que Devin se demanda s'il lui avait effectivement posé la question.

      “Dans mes rêves, les étoiles m'ont dit que tu viendrais si j'attendais,” finir par dire la voix. “Tu es l'élu.”

      Devin comprit de qui il s'agissait.

      “Vous êtes Maître Grey, le sorcier du roi.”

      Il déglutit péniblement. On racontait que cet homme pouvait percevoir des choses qu'aucun homme sain d'esprit n'aurait voulu voir ; qu'il avait prédit au Roi la mort de sa première femme, les gens lui avait ri au nez jusqu'à ce qu'elle s'évanouisse et se fracasse le crâne sur un pont en pierres. On racontait qu'il pouvait lire dans l'âme d'un homme et raconter ce qu'il y avait vu.

      Tu es l'élu.

      Que voulait-il dire par là ?

      “Vous êtes Maître Grey.”

      “Tu es né à une époque improbable. J'ai remué ciel et terre pour te trouver, et te voilà.”

      Le cœur de Devin s'emballa, le sorcier du roi connaissait son identité. Pourquoi un homme si éminent s'intéressait-il donc à lui ?

      Il comprit à cet instant précis que son rêve n'en était pas un.

      Il s'agissait d'une épreuve initiatique.

      “Qu'attendez-vous de moi ?” demanda Devin.

      “Ce que j'attends ?” sa question prit le sorcier de court, si tant est que ce soit possible. “Je voulais te voir en personne. Te voir en ce jour, avant que ta vie ne change à tout jamais.”

      Devin mourait d'envie de le questionner mais Maître Grey se pencha pour moucher l'une des bougies à l'aide de deux longs doigts, en murmurant des paroles inaudibles.

      Devin voulut s'approcher, comprendre ce qui se passait mais une force formidable le tira en arrière, à l'extérieur de la tour, dans le noir …

      ***

      “Devin !” l'appela sa mère. “Lève-toi sans quoi tu peux faire une croix sur ton petit déjeuner.”

      Devin pesta en ouvrant les yeux. L'aurore pointait déjà par la fenêtre de la petite maison familiale. Il n'arriverait pas à temps à la forge s'il ne se hâtait pas, et n'aurait le temps de rien, hormis se mettre immédiatement au travail.

      Allongé dans son lit, le souffle court, il tentait de s'extraire des rêves si réels qui lui collaient à la peau.

      Peine perdue. Ses rêves étaient plus pesants qu'une chape de plomb.

      “DEVIN !”

      Devin secoua la tête.

      Il sauta à bas du lit et se dépêcha de s'habiller. Ses vêtements ordinaires étaient reprisés à certains endroits. Certains, hérités de son père, ne lui allaient pas très bien ; à seize ans, Devin était encore mince, pas plus costaud que la moyenne des garçons de son âge, bien que légèrement plus grand. Il repoussa une mèche brune devant ses yeux, ses mains portaient les marques de brûlures et coupures, stigmates de son travail à la forge, ce serait encore pire l'âge aidant. Le vieux Gund, rompu au dur labeur, ne bougeait pratiquement plus ses doigts.

      Devin s'habilla et se dépêcha de rejoindre la cuisine de la maisonnette. Il s'installa à table et mangea