blonds tombaient en cascade sur ses épaules et le souvenir d’eux ensemble s’insinua à nouveau dans sa tête. La chaleur de sa peau. La forme de ses hanches. Le goût de sa bouche sur la sienne.
Mais il y avait autre chose. Il comprit qu’il s’agissait de la culpabilité. Kate n’avait pas encore été tuée. Est-ce que nous… est-ce que j’ai… ?
Il chassa cette pensée de sa tête. “Comme je l’ai dit, ce sont les médicaments. Ils embrouillent vraiment mon esprit. Je n’arrive pas à réfléchir.”
“Laisse-moi te ramener chez toi,” proposa Strickland. L’Agent Todd Strickland n’avait que vingt-sept ans, mais il possédait un palmarès impeccable en tant que Ranger de l’Armée et s’était rapidement illustré à la CIA. Il portait toujours une coupe de cheveux de style militaire par-dessus un cou massif et un torse musclé, même s’il était tout aussi capable de se montrer doux et abordable si la situation l’exigeait. Et le plus important était qu’il s’était plus d’une fois comporté comme un ami en cas de besoin.
Même si Zéro savait tout ça, pour le moment il avait besoin d’être seul. Il lui paraissait impossible de réfléchir correctement avec des gens en train de lui parler. “Non, ça va aller. Merci.”
Il voulut se retourner, mais Maria le retint une fois de plus par l’épaule. “Kent…”
“J’ai dit que ça allait !” cria-t-il.
Maria ne broncha pas à son éclat de voix, mais elle plissa légèrement les yeux en plongeant son regard dans le sien, cherchant apparemment à comprendre ce qui lui arrivait.
Le souvenir de leur nuit lui revint involontairement et il sentit la chaleur envahir son visage. Nous étions sur une opération, postés dans un hôtel grec à attendre des instructions. Elle m’a séduit. J’ai été faible. Kate était encore en vie. Elle ne l’a jamais su…
“Je dois y aller.” Il recula de quelques pas pour s’assurer que ses deux amis agents ne tentent pas de lui emboîter le pas à nouveau. “Ne me suivez pas.” Puis, il se retourna et s’éloigna, les laissant plantés là, sur la pelouse de la Maison Blanche.
Il avait presque atteint le portail, quand il sentit une présence derrière lui et entendit un bruissement de pas. Il se retourna d’un coup. “Je vous ai dit de ne pas…”
Une petite brune aux cheveux longs s’arrêta net. Elle portait un blazer bleu marine et un pantalon assorti, avec des talons hauts. Elle leva un sourcil en regardant Zéro de curieuse façon. “Agent Zéro ? Je m’appelle Emilia Sanders,” lui dit-elle. “Assistante du Président Pierson.” Elle lui tendit une carte de visite blanche avec son nom et un numéro de téléphone dessus. “Il veut savoir si vous avez réfléchi à sa proposition.”
Zéro hésita. Pierson lui avait précédemment offert un poste au Conseil de la Sécurité Nationale, ce qui l’avait conduit à suspecter l’implication du président, mais il semblait que l’offre était sincère.
Non pas qu’il en voulait, mais il prit tout de même sa carte.
“Si vous estimez avoir besoin de quoi que ce soit, Agent Zéro, n’hésitez surtout pas à m’appeler,” lui dit Sanders. “Je peux me rendre très utile.”
“J’aimerais bien qu’on me ramène chez moi,” admit-il.
“Bien sûr. Je vous envoie quelqu’un immédiatement.” Elle sortit un téléphone mobile et passa l’appel, tandis que Zéro fourrait la carte de visite dans sa poche. La proposition de Pierson était le dernier de ses soucis. Il n’avait aucune idée de combien de temps il lui restait pour agir, à supposer qu’il reste assez de temps tout court.
Qu’est-ce que je fais ? Il ferma les yeux et secoua la tête, comme s’il essayait de chasser la réponse.
726. Ce nombre tournoya rapidement dans sa tête. C’était le numéro d’un coffre-fort dans une banque du centre-ville d’Arlington où il gardait la trace de ses investigations : photos, documents, transcriptions d’appels téléphoniques de ceux qui menaient cette cabale en secret. Il avait payé d’avance pour cinq ans afin d’être tranquille.
“Par ici, Agent.” L’assistante présidentielle, Emilia Sanders, lui fit signe de le suivre alors qu’elle se dirigeait à pas rapides vers un garage et une voiture qui attendait là. Alors qu’ils marchaient, Zéro repensa aux regards méfiants du Général Rigby et du Directeur Mullen. C’était de la paranoïa, rien de plus… du moins, c’était ce qu’il essayait de se dire. Mais même s’il n’y avait qu’une infime chance qu’ils sachent ce qu’il mijotait, ils allaient mettre tous les moyens en œuvre pour l’arrêter. Et pas seulement lui.
Zéro dressa rapidement une liste dans sa tête :
Mettre les filles en sécurité.
Récupérer le contenu du coffre-fort sécurisé.
Arrêter la guerre avant qu’elle ne commence.
Tout ce que Zéro avait à faire était de trouver comment stopper un groupe composé des personnes les plus puissantes au monde, celles qui avaient les bras les plus longs et qui avaient préparé cet événement depuis plus de deux ans avec le soutien de presque toutes les agences gouvernementales dont les États-Unis disposaient et qui avaient tout à perdre.
Juste une journée comme les autres dans la vie de l’Agent Zéro, pensa-t-il amèrement.
CHAPITRE DEUX
À bord de l’USS Constitution, Golfe Persique
16 avril, 18h30
La guerre était bien la dernière chose que le Lieutenant Thomas Cohen avait à l’esprit.
Assis devant un ensemble de radars à bord de l’USS Constitution, en train de regarder les petites formes lumineuses qui serpentaient paresseusement à l’écran, il pensait à sa petite-amie Melanie, chez eux, à Pensacola. Il restait moins de trois semaines avant qu’il soit en permission et puisse rentrer chez lui. Il avait déjà la bague. Il l’avait achetée une semaine plus tôt lors d’une escale d’une journée au Qatar. Thomas doutait qu’il reste encore quelqu’un sur le bateau à qui il ne l’ait pas montrée avec fierté.
Le ciel au-dessus du Golfe Persique était clair et ensoleillé, sans le moindre nuage. Mais Thomas n’allait pas pouvoir en profiter, retiré qu’il était dans un coin du pont avec les épaisses fenêtres blindées obscurcies par la console radar. Il ne pouvait s’empêcher d’envier légèrement celui qui se trouvait sur le pont et avec qui il communiquait par radio, le jeune homme ayant visuellement en ligne de mire les bateaux qui, pour Thomas, n’étaient que des tâches à l’écran.
Soixante milliards de dollars, songea-t-il avec un sourire amusé. Voilà le montant annuel que les États-Unis dépensaient pour maintenir une présence dans le Golfe Persique, la Mer d’Arabie et le Golfe d’Oman. La Cinquième Flotte de l’US Navy considérait Bahreïn comme son QG et était constituée de plusieurs forces opérationnelles avec des routes spécifiques de patrouilles le long des côtes d’Afrique du Nord et du Moyen Orient. Le Constitution, un bateau de type destroyer, faisait partie de la Force Opérationnelle Combinée 152, qui patrouillait dans le Golfe Persique depuis son extrémité nord jusqu’au Détroit d’Hormuz, entre Oman et l’Iran.
Chez lui, les amis de Thomas trouvaient ça tellement cool qu’il travaille sur un destroyer de l’US Navy. Il ne les contredisait pas. Mais, en réalité, il vivait seulement une étrange existence répétitive et relativement ennuyeuse. Il était assis dans une merveille d’ingénierie équipée de la meilleure technologie et d’assez d’armes pour dévaster la moitié d’une ville. Pourtant, leur seul but se résumait essentiellement à ce que Thomas était en train de faire en ce moment-même : surveiller des tâches sur un écran radar. Toute cette puissance de frappe, tout cet argent et tous ces hommes pour