capitaine leva les yeux et Royce regarda Gwylim, se demandant une nouvelle fois à quel point la créature semblable à un loup le comprenait. Il regarda le capitaine d’un air insistant, espérant que cela suffirait. Il n’arrêtait pas de regarder à travers les yeux d’Ember, laissant le navire s’approcher de la terre ferme et attendant sa chance…
— Maintenant ! ordonna Royce, et le bhargir bondit, frappant le capitaine à la poitrine alors même que Royce attrapait la barre et entrainait le navire vers une série de récifs.
Le navire se cabra brutalement, et à ce moment même, Royce se dirigeait déjà vers ses amis. Drogué comme il l’était, il avait l’impression de se déplacer au ralenti, les sons et sa vision déformés en entendant le bruit d’une bagarre vicieuse qui venait de loin, ou tout près de lui. Il ne pouvait pas espérer se joindre à ce combat, aussi instable qu’il l’était, mais il pouvait essayer de libérer ses amis. Il tira l’épée de cristal, se penchant pour couper les cordes qui tenaient les mains de Matilde.
— Merci, dit-elle en se frottant les poignets. Je vais… derrière toi !
Royce se retourna en un éclair et enfonça sa lame dans la poitrine d’un marin qui courait vers lui. Même instable, à peine capable de tenir debout, Royce avait la force de traverser un homme de son épée de cristal. L’épée du marin tomba, et Royce sentit quelque chose rebondir sur son armure alors que le marin s’était immobilisé durant un moment, avant de s’effondrer.
Royce continua à libérer les autres, et un autre marin se jeta sur eux. Cette fois-ci, Ember se précipita pour lui lacérer le visage, le retenant encore assez longtemps pour que Bolis puisse le faire passer par-dessus bord.
Puis le navire heurta les rochers dans un crissement de bois comme si une forêt se faisait déraciner, et tout le pont bascula latéralement.
Les hommes criaient en tombant dans les eaux en contrebas. Royce vit une chose s’élever de cette eau, longue et ressemblant à un serpent, avec des nageoires en éventail et des dents semblables à des couteaux. La créature sortit de l’eau, se dressa comme une tour de siège, un homme prisonnier de sa gueule criant pendant que ses dents pointues le serraient. Un autre était emprisonné dans ses anneaux, et Royce entendit le craquement des os quand le mouvement du monstre marin l’écrasa.
Royce eut un moment pour simplement apprécier la sauvagerie de cette mort, avant de glisser lui aussi le long du pont vers le vide, droit dans la gueule du serpent géant qui attendait.
Il s’agrippa comme il le put, réussissant à peine à supporter son propre poids. À ses côtés, Mark, Matilde, Bolis et Neave s’étaient également agrippés pour leur vie, tandis que le navire continuait à se déchirer.
— Quel était exactement ton plan ? demanda Mark.
— C’est à peu près tout, admit Royce.
Échouer le vaisseau et essayer de voir ce qu’il fallait faire ensuite. C’était une manœuvre fondée sur rien de plus que l’espoir, et maintenant cela les avait conduits sur un navire qui se brisait lentement en deux, risquant de les faire tomber sur les rochers, ou pire, de les entraîner dans les profondeurs.
— Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? demanda Neave. Elle avait un bras enroulé autour d’une traverse du bastingage, l’autre autour de Matilde.
— Je pense… dit Royce, essayant de réfléchir à travers le brouillard qui alourdissait ses pensées. Je pense que nous devons sauter !
— Sauter là-dedans ? s’exclama Bolis. Vous êtes fou ?
— Si nous restons, nous serons prisonniers de l’épave et entraînés vers le fond, assura Royce. Il faut que nous nous éloignions, et la seule façon de le faire, c’est de sauter !
Il y avait également une autre raison de sauter. Les hommes avançaient le long du pont, et ils étaient trop nombreux pour qu’il espère avoir le dessus dans son état. Gwylim était là, la gueule recouverte de sang pendant qu’il grognait, mais qu’est-ce qu’une créature comme lui pourrait faire dans une telle situation ?
Il ne restait plus qu’un seul choix, alors Royce le fit pour ses amis. Sans hésiter, il poussa Bolis et Mark par-dessus bord. Matilde avait l’air de vouloir rester, mais Neave l’entraîna avec elle. Gwylim les suivit, le bhargir grondant avant de bondir.
Il ne restait plus qu’une chose à faire. Royce se leva sur la balustrade, regardant vers le bas où l’eau moussait et tourbillonnait en bas. Il remit l’épée de cristal dans son fourreau, espérant que l’armure qu’il avait trouvée dans la tour était aussi légère qu’il le sentait…
…et il sauta.
CHAPITRE QUATRE
Raymond se tenait avec ses frères à un croisement à la frontière du territoire du vieux duc, sachant qu’il devait continuer, mais ne voulant pas en même temps se séparer des autres pour le moment. Bientôt, Lofen, Garet et lui allaient devoir partir et entreprendre les choses dont Royce avait besoin, dont ils avaient tous besoin.
— Nerveux ? demanda-t-il aux autres.
— Bien sûr que non, dit Lofen, la bravade était évidente.
Lofen était toujours prêt à se battre, et peut-être que cela lui servirait dans son entreprise de rallier les Pictis, malgré tout, Raymond pensait qu’il aurait été mieux loti s’il avait eu plus qu’une carte et une idée générale.
— Je ferai ce qu’il faut, dit Garet, essayant évidemment d’avoir l’air aussi courageux que ses frères.
Raymond voulait lui dire qu’il ne doutait pas un seul instant de son courage ; il avait vu à quel point les autres avaient été forts quand ils avaient été pris au piège dans le donjon d’Altfor.
— Je persuaderai les Bannerets de nous rejoindre, ajouta-t-il.
— Je trouverai davantage de gens susceptibles de vous aider, dit Moira, son cheval à côté de celui de Garet.
Raymond ne savait pas trop quoi penser de sa présence là-bas. Le fait qu’elle était une noble aiderait à mettre les gens de sa classe de leur côté, et elle s’était portée volontaire pour aider, mais Raymond avait déjà remarqué la façon dont Garet la regardait, et il savait que cela allait être compliqué.
— Fais attention à toi, dit Raymond à son frère cadet.
Il se tourna vers Moira. On ne pouvait nier qu’elle était belle, et il n’allait pas lui en vouloir d’avoir été enlevée par les nobles, malgré cela, il y avait quelque chose dans la façon dont elle s’était portée volontaire pour cette équipée qui le rendait mal à l’aise.
— Veille à ce qu’il soit en sécurité.
— Je ne suis pas un enfant, se vexa Garet. Je suis un homme, et j’agirai comme tel.
— Tant que tu nous trouves les gens dont on a besoin, conclut Raymond.
— J’ai la partie facile, insista Garet. C’est toi qui dois persuader les gens de se soulever.
Raymond hocha la tête.
— Ils se soulèveront. Ils le feront pour Royce.
Il avait vu comment son frère avait réussi à persuader les gens à se battre plus fort et comment Royce avait réussi à vaincre les ennemis les plus dangereux. Il avait abattu un maître d’arme comme Lord Alistair et avait rallié les forces du comte Undine. Les gens se lèveraient au nom de Royce.
— Je suppose que c’est un au revoir alors, dit Lofen essayant de ne montrer aucune émotion.
Mais Raymond savait qu’elle était là, derrière le visage impassible de son frère. Raymond espérait juste qu’il pourra faire un plaidoyer plus émouvant quand il s’adressera aux Pictis. Il espérait aussi que son frère