Dès qu’on baisse la garde, elles prennent toute la place. Je ne pouvais plus rester impassible en voyant ça. »
« Et qu’est-ce que ça t’a apporté ? » dit Luke. « La Vice-Présidente d’Hayes est maintenant à la tête du pays. »
Don hocha la tête. « C’est vrai. Et elle a une bien plus grosse paire de couilles que lui. Les gens peuvent parfois te surprendre. Je ne suis pas mécontent avec la présidence de Susan Hopkins. »
« Tant mieux, » dit Luke. « Je ne manquerai pas de le lui dire. Je suis sûr qu’elle sera ravie d’apprendre que Don Morris n’est pas mécontent de sa présidence. » Il se leva du tabouret. Il était prêt à prendre congé.
Don sauta du lit. Il posa à nouveau la main sur l’épaule de Luke. Pendant une fraction de seconde, Luke pensa que Don allait lui lâcher un truc émotionnel, quelque chose qui mettrait Luke mal à l’aise, comme par exemple, « Ne pars pas ! »
Mais Don ne dit rien de tel.
« Ne sous-estime pas ce que je viens de te raconter, » dit-il. « Si c’est vrai, alors on a de sérieux problèmes. Une seule arme nucléaire dans les mains de terroristes serait la pire chose qu’on pourrait imaginer. Ils n’hésiteront pas à l’utiliser. Un seul lancement réussi et c’est le début de l’engrenage. Qui sera la cible ? Israël ? Qui est-ce qu’ils vont frapper en représailles ? L’Iran ? Comment on fait pour mettre un frein à tout ça ? On demande un temps mort ? J’en doute. Et si on est touché par une frappe ? Ou les Russes ? Ou les deux ? Et si les frappes automatiques de représailles sont lancées ? Peur. Confusion. Plus aucune confiance. Des hommes dans des silos, prêts à appuyer sur le bouton. Il y a encore beaucoup d’armes nucléaires sur terre, Luke. Une fois qu’elles commenceront à être lancées, il n’y aura aucune bonne raison de les arrêter. »
CHAPITRE SIX
20 octobre
3h30
Georgetown, Washington DC
Un pickup noir le suivait.
Luke avait pris un vol tard le soir pour rentrer. Il était fatigué – épuisé – mais en même temps, il restait alerte et en éveil. Il ne savait pas quand il allait pouvoir dormir à nouveau.
Le taxi l’avait déposé devant une rangée de jolies maisons en grès. Les rues bordées d’arbres étaient calmes et désertes. Elles étincelaient sous les lumières des réverbères. Le taxi s’éloigna et il resta debout dans la rue, dans la fraîcheur de la nuit. Les arbres commençaient à perdre leurs feuilles – il y en avait un peu partout au sol. Il en vit quelques-unes tomber des branches.
Il était venu directement de l’aéroport jusqu’à l’appartement de Trudy. Les stores étaient baissés mais au moins une lumière était allumée. Personne n’était là – les lampes étaient visiblement réglées sur minuterie. Le rythme en était toujours le même et Trudy devait sûrement l’avoir mis en place avant de partir.
L’appartement lui appartenait toujours – c’était tout ce que Luke savait. Swann avait piraté son compte en banque et elle avait mis en place des ordres permanents pour payer son prêt, les frais de copropriété et l’électricité. Elle avait payé l’équivalent de deux ans de taxe foncière à l’avance.
Elle avait disparu, mais l’appartement était toujours là, à fonctionner tout seul comme si rien ne s’était passé.
Pourquoi est-ce qu’il continuait à revenir ici ? Est-ce qu’il s’attendait à ce qu’elle soit soudain chez elle ? Comme si ces derniers mois n’avaient pas eu lieu ?
Il s’arrêta et tourna le dos au pickup. Mais il le voyait toujours là, derrière lui. Il se rappela ce qu’il avait vu en passant à côté de lui quelques instants plus tôt.
C’était le genre de gros pickup qu’on voyait généralement sur les sites de construction. Les vitres de la cabine étaient fumées et il était impossible de voir grand-chose à l’intérieur. Mais même comme ça, il avait eu l’impression de discerner deux silhouettes derrière les vitres. Les phares du pickup étaient éteints au moment où il était passé à côté et c’était toujours le cas. Mais ce n’était de toute façon pas les phares qui avaient attiré son attention. C’était le bruit. Il pouvait entendre le moteur ronronner.
Il y avait une station-service et un petit magasin en bas de la côte. L’endroit où se trouvaient les pompes était illuminé, mais le petit magasin avait l’air fermé. Luke se mit à descendre au milieu de la route, en direction de la lumière.
Il regarda autour de lui en évitant de tourner la tête. Des deux côtés, des voitures de luxe étaient garées l’une derrière l’autre au bord du trottoir. Il n’y avait aucun espace entre elles. C’était un quartier peuplé et il n’y avait pas beaucoup de places de parking. Il ne voyait aucun moyen de quitter facilement la route pour se mettre à l’abri sur le trottoir.
Il se mit soudain à piquer un sprint.
Il le fit sans crier gare. Ce n’était pas une accélération progressive. À un moment donné, il marchait, puis une fraction de seconde plus tard, il se mettait à courir aussi vite que possible. Derrière lui, le pickup démarra. Ses pneus crissèrent sur l’asphalte, brisant le silence de la nuit.
Luke plongea sur sa droite, en se jetant tête la première au-dessus du capot d’une Lexus. Il glissa de la voiture jusqu’au trottoir et atterrit sur son dos. En un seul mouvement, il roula en position assise, tout en sortant son Glock de l’étui accroché à son épaule.
La Lexus se mit à se désintégrer derrière lui. Le pickup s’était arrêté et la vitre du côté passager s’était ouverte. Un homme portant un masque de ski s’était mis à tirer à l’aide d’une mitraillette équipée d’un énorme silencieux. Un chargeur était accroché au bas de la mitraillette, contenant probablement plus de dix douzaines de cartouches. Luke assimila toutes ces informations en une fraction de seconde, avant même que son esprit s’en rende compte.
Les vitres de la Lexus volèrent en éclats, les pneus explosèrent et la voiture s’affaissa sur le sol. TUNK, TUNK, TUNK – des balles transpercèrent le véhicule de part en part. De la fumée s’éleva de son capot. L’homme du pickup l’arrosait littéralement de sa mitraillette.
Luke se mit à courir, la tête baissée. Les balles le suivirent, en faisant exploser la voiture suivante. Il sentit des morceaux de verre voler de toute part.
Une alarme de voiture se déclencha pendant quelques secondes, mais elle fut stoppée net au moment où l’homme du pickup transperça le véhicule de balles, en détruisant le système d’alarme.
Luke continua à courir. Il atteignit la station-service et traversa à toute vitesse l’espace à découvert. Les lampes jetaient une lumière lugubre et les pompes à essence ressemblaient à des ombres fantomatiques. Il entendit les pneus du pickup crisser sur le parking derrière lui. Luke jeta un coup d’œil par-dessus son épaule et vit que le pickup était monté sur le trottoir pour continuer à le suivre.
Il se rua dans une rue latérale, avant de tourner à gauche dans une ruelle. C’était une ancienne rue pavée. Il trébucha en courant sur la surface irrégulière. Il entendit le bruit du moteur rugir derrière lui. Luke ne se retourna pas mais il entendit le pickup rebondir sur les pavés de la ruelle.
Luke le sentait juste là, dans son dos – à une seconde à peine derrière lui.
Son cœur se mit à battre à tout rompre. Ça ne servait à rien de courir. Il tourna la tête et vit que le pickup gagnait du terrain. Son énorme calandre se rapprochait à toute allure. On aurait dit une énorme bouche grimaçante. Le capot du pickup lui arrivait presque au niveau de la tête.
À la gauche de Luke, il y avait une benne à ordures. Il ne la vit pas vraiment mais il sentit sa présence. Il plongea derrière, heurta les pavés de tout son poids et atterrit