un moment, ça devint vraiment ennuyeux. L’argent était bien réel, apparemment. Brown se retourna vers Jamal.
« OK, je te crois. Ça fait bien deux millions. »
Jamal haussa les épaules. Il ouvrit sa veste et en sortit une grande pochette en velours. « Deux millions cash et deux millions en diamants, comme prévu. »
« Clean, » dit Brown.
Monsieur Clean se mit debout et prit la pochette. Clean était l’expert en argent et en objets précieux. Il sortit un autre appareil électronique de sa poche – un petit carré noir avec une pointe d’aiguille. L’appareil était équipé de lumières sur le côté et il servait à tester la dispersion de la chaleur et la conductibilité électrique des pierres.
Clean sortit une pierre après l’autre de la pochette et appuya délicatement la pointe d’aiguille sur chacune d’entre elles. À chaque fois qu’il en touchait une, un timbre chaleureux se faisait entendre. Il en avait déjà vérifié une douzaine avant que Brown lui adresse à nouveau la parole.
« Clean ? »
Clean regarda Brown et lui sourit.
« Pour l’instant, elles sont toutes bonnes, » dit-il. « Ce sont toutes des diamants. »
Il en testa une autre, puis encore une autre. Et ainsi de suite.
Brown se tourna vers Jamal, qui faisait déjà signe à ses hommes de retirer les bâches et de monter à bord des véhicules.
« Ça a été un plaisir de faire des affaires avec vous, Jamal. »
Jamal le regarda à peine. « De même. » Toute son attention était concentrée sur ses hommes et sur les véhicules. L’étape suivante de leur voyage avait déjà commencé. Faire entrer deux plateformes de lancement de missile nucléaire au Moyen-Orient ne devait pas être une mince affaire.
Brown leva le bras. « Hé, Jamal ! »
L’homme mince se retourna dans sa direction et eut un geste impatient de la main. « Quoi ? »
« Si vous vous faites prendre avec ces trucs… »
Jamal sourit, cette fois-ci. « Je sais. On ne s’est jamais rencontré. » Il se retourna et se dirigea vers le véhicule qui se trouvait le plus près de lui.
Brown se tourna vers monsieur Jones et monsieur Clean. Jones avait un genou à terre et il remettait les liasses de billet dans les sacs en toile. Clean était toujours occupé à tester les diamants. Il les manipulait l’un après l’autre, en tenant toujours son appareil en main.
C’était vraiment le jackpot. Les choses s’amélioraient finalement, après le fiasco qui avait forcé Brown à quitter son propre pays. Il sourit.
Et tout ça en une journée de travail.
Mais il y avait tout de même quelque chose qui dérangeait Brown dans tout ça. Ses hommes n’étaient pas assez attentifs – ils étaient distraits par tout cet argent. Ils avaient baissé leur garde. Et lui aussi. Dans une toute autre situation, ça aurait pu mal tourner. Car tout le monde n’était pas aussi fiable que Jamal.
Il se retourna pour regarder à nouveau les Arabes.
Jamal était debout à côté du véhicule et il tenait une Uzi en main. Deux de ses hommes se tenaient à côté de lui et ils pointaient le canon de leur arme sur Brown et ses hommes.
Jamal sourit.
« Clean ! » hurla Brown.
Jamal se mit à tirer et ses hommes en firent de même. Brown entendit les rafales venant des mitraillettes et il eut l’impression d’être aspergé par une lance d’incendie. Il sentit les balles le transpercer de part en part et son corps entra dans une sorte de transe contre laquelle il lutta, mais en vain. C’était comme si les balles le maintenaient debout, le faisant se trémousser sur place.
Pendant un instant, il perdit connaissance. Un voile noir lui couvrit les yeux. Puis il se retrouva couché sur le dos, sur le sol en béton de l’entrepôt. Il sentit le sang couler de son corps. Le sol commençait à être humide et une flaque de sang commençait à se former. Il ressentit une vive douleur.
Il regarda en direction de monsieur Clean et de monsieur Jones. Ils étaient tous les deux morts, le corps criblé de balles. Seul Brown était encore vivant.
Il se rendit compte qu’il avait toujours été un survivant. Il avait toujours fini par s’en sortir. Après plus de deux décennies de combat, il était hors de question qu’il meure maintenant et de cette manière. C’était impossible. Il était trop bon dans ce qu’il faisait. Tellement d’hommes avaient essayé de le tuer et ils avaient toujours échoué. Sa vie n’allait pas se terminer de cette façon.
Il essaya de mettre la main à l’intérieur de sa veste pour prendre son arme, mais son bras lui répondit à peine. Puis il remarqua que, malgré la douleur, il ne sentait plus ses jambes.
Il ressentit une douleur intense au niveau de l’abdomen, à l’endroit où il avait été touché. Il avait également une douleur à l’arrière du crâne, à l’endroit où il avait violemment heurté le sol. Il souleva légèrement la tête pour regarder ses pieds. Ses jambes étaient toujours bien là et attachées à son corps – mais il ne les sentait plus.
Les balles m’ont sectionné la colonne vertébrale.
Cette pensée l’horrifia. Il imagina à quoi allait ressembler son avenir – se retrouver dans une chaise roulante, essayer de se hisser sur le siège conducteur de sa voiture pour handicapés, vider la poche de stomie qui drainait les selles de son système digestif.
Non. Il secoua la tête. Ce n’était pas le moment de penser à ça. Il devait agir. L’arme de Clean devait se trouver quelque part au-dessus de sa tête. Il tendit le bras, en ressentant une vive douleur en le faisant, mais il ne trouva rien. Il se mit à ramper vers le haut, en traînant ses jambes derrière lui.
Quelque chose attira son regard. Il leva les yeux et il vit Jamal, qui fanfaronnait en le regardant. Le connard avait même un sourire aux lèvres.
En s’approchant, il leva le canon de son arme, qu’il pointa sur Brown. Deux des ses hommes se trouvaient à ses côtés.
« N’essaye pas de faire quoi que ce soit, Brown. Contente-toi de rester tranquille. »
Les hommes de Jamal prirent les deux sacs en toile avec l’argent et la pochette contenant les diamants. Puis ils retournèrent vers les véhicules et grimpèrent dans la cabine du véhicule de tête. Les phares s’allumèrent. Brown entendit le moteur démarrer et il vit une fumée noire sortir de la cheminée qui se trouvait du côté conducteur.
« Je t’aime bien, » dit Jamal. « Mais les affaires sont les affaires, tu comprends ? Sur ce coup-ci, on ne laisse rien derrière nous. Désolé… vraiment. »
Brown essaya de dire quelque chose, mais il semblait ne plus avoir de voix. Seuls des gargouillements sortirent de sa bouche.
Jamal leva à nouveau le canon de son arme.
« Tu veux que je te laisse une minute pour prier ? »
Brown faillit se mettre à rire. Il secoua la tête. « Tu sais quoi, Jamal ? Tu me fais rire. Ta religion, c’est de la foutaise. Si je veux prier ? Prier qui ? Dieu n’existe pas et tu t’en rendras compte dès que tu… »
Brown vit un éclair sortir du canon de la mitraillette et il se retrouva allongé sur le dos, les yeux écarquillés et rivés sur le plafond de l’entrepôt.
CHAPITRE CINQ
21h45 – Heure avancée des Rocheuses (23h45 – heure d’été de l’Est)
Prison fédérale ADX Florence (Supermax) – Florence, Colorado
« On y est, » dit le gardien. « Bienvenue dans notre petit nid douillet. »
Luke