Terry Salvini

Masques De Cristal


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de Davide était joyeuse, comme toujours.

      –Excuse-moi pour ce matin…

      –Ça ne fait rien. J'ai été surpris de le voir entrer dans la maison, et un peu embarrassé aussi, comme lui du reste, et j’ai préféré déguerpir de suite. Ça m’ennuie seulement de ne pas avoir pu te saluer.

      –Moi aussi. Mais je ne sais pas encore quoi faire…

      –On en a déjà parlé hier. Je suis sûr que tu prendras la bonne décision.

      Elle ne l’était pas du tout, au contraire.

      –Promets-moi que tu reviendras me voir dès que possible.

      –Bien sûr. Tu peux peut-être venir aussi, ici, chez moi.

      –J'y penserai, je te le jure.

      –Je te prends au mot. On se voit bientôt alors.

      –Bon dimanche, Davide.»

      Elle n’eut pas le temps de clôturer la conversation que John apparut, vêtu d’une tenue de sport grise.

      «Tu es déjà levé? Elle croyait qu’il s’était endormi. Tes parents vont bien?

      –Ils se débrouillent. Maman a ses douleurs habituelles mais rien de grave.

      –Et ta fille? J'imagine qu’elle a sauté de joie de te revoir.

      Il acquiesça en lui souriant.

      –Ça me ferait plaisir que tu m’emmènes un jour avec toi, pour me la présenter.

      Le sourire disparut rapidement du visage de John.

      –Je sors courir un moment, si ça ne te dérange pas.

      Loreley fut déçue, mais s’efforça de ne pas le montrer.

      –Non, vas-y. Tu arriveras à faire un jogging? lui demanda-t-elle étonnée d’autant d’énergie résiduelle.

      Il sourit à nouveau.

      –Bien sûr.

      –On mangera quelque chose quand tu rentreras, et si tu ne t’écroules pas au sol en proie à une crise cardiaque, on pourra aller se promener.

      –Si c’est toi qui cuisines, il est plus probable que je risque une intoxication alimentaire et on ne pourra aller nulle part.»

      Elle prit un coussin sur le canapé et le lui lança.

      John l’esquiva et quitta la maison en riant.

      Une fois seule, Loreley alla dans la cuisine et se mit aux fourneaux, même si elle savait que le résultat ne l’enthousiasmerait pas.

      Elle avait rencontré Johnny à l’époque de son stage. Il était avec Ethan, qui le lui avait présenté comme un vieil ami. Son visage séduisant, ses yeux sombres et sa façon d’être, gentil et effronté en même temps, l’avaient immédiatement touchée; mais il n’avait pas été possible de faire plus ample connaissance avant de le rencontrer de nouveau, un après-midi, dans le parking proche du cabinet d’avocats.

      Elle essayait de faire démarrer sa voiture, qui ne voulait rien savoir. Après quelques tentatives inutiles, elle était sortie du véhicule dans un état de colère avancée, en jurant presque comme un homme. Elle l'avait vu à cet instant: il était appuyé contre le capot arrière de la voiture, les bras croisés, et la regardait d’un air amusé.

      Sans tourner autour du pot, elle lui avait demandé s’il avait l’intention de l’aider ou de rester là à savourer le spectacle. Johnny avait tendu la main, paume vers le haut, comme pour lui demander les clés. Elle l’avait regardé droit dans les yeux et les lui avait données, avec une certaine réticence.

      Quelques minutes plus tard, le moteur tournait.

      «Qu’est-ce que je peux faire pour m’acquitter de ma dette? avait-elle demandé avec soulagement.

      –Tu pourrais mettre ton compte en banque à mon nom, lui avait-il répondu en sortant de la voiture pour lui céder la place.

      –Ou bien?

      Il lui avait renvoyé le regard de celui qui sait qu’il a déjà gagné.

      –Tu viens dîner avec moi, ce soir.»

      Et leur histoire avait commencé à ce moment-là.

      3

      Ethan passa à côté d’elle en courant, comme s’il était pressé de quitter le cabinet. «Eh, Loreley!»

      Occupée à feuilleter un fascicule, elle s’arrêta et le regarda par-dessus ses lunettes à la monture bleue. Il portait un trench sombre sur le bras et son incontournable chapeau à la main, signe qu’il se rendait au tribunal ou chez un client.

      «Le patron te demande dans son bureau, lui dit-il d’un air compatissant.

      –Il y a des problèmes en vue?

      –Je ne sais pas très bien moi-même, mais il avait un sourire bizarre quand il m’a demandé de t’envoyer chez lui…

      –Rien de bon pour moi alors; combien tu paries?

      –Je ne joue que quand je suis sûr de gagner. Je dois filer maintenant. Bonne chance.» Sur ces mots, il lui fit un clin d’œil et quitta la pièce.

      Loreley soupira. Kilmer allait lui tomber dessus sous peu, pensa-t-elle en se dirigeant vers le bureau à côté du sien.

      Lorsqu’elle entra, elle le vit assis derrière son bureau, vêtu d’un costume gris foncé. Il lui fit un demi-sourire qui ressemblait plus à un rictus et lui tendit un dossier qu’elle prit sans quitter son visage des yeux.

      Elle fut prise de rage en lisant les quelques notes imprimées sur les feuilles, mais elle poursuivit en essayant de rester impassible. Elle avait déjà entendu les nouvelles sur le meurtre qui avait eu lieu la veille, près de la résidence de ses parents, et elle avait été surprise et dégoûtée par sa brutalité. Elle connaissait la famille de la victime de vue, un couple d’entrepreneurs pensionnés qui n’avaient qu’une seule fille, et la seule idée de devoir défendre celui qui la leur avait arrachée suffisait à lui retourner l'estomac.

      Le patron la fixait d’un air sévère, presque de défi.

      «Pourquoi je dois m’en occuper moi?

      –Ethan suit une autre affaire et Patrick est malade. En plus, le type qui nous a contactés pour nous confier cette mission te veut toi; ça se voit qu’il préfère les femmes. Il se laissa aller à un léger rire, mais redevint immédiatement sérieux. Je suis désolé…»

      Mais non tu n’es pas désolé!

      Kilmer s’appuya contre le haut dossier de son fauteuil de cuir noir, qui grinça sous son poids.

      «Si tu as besoin d’aide, n’hésite pas à venir vers moi» poursuivit-il d’un ton affable, qui sonna directement faux à ses oreilles.

      Il pouvait oublier! pensa Loreley. Elle referma le dossier et le tint bien serré dans ses mains.

      «Passe me voir si tu finis avant la fermeture du cabinet, qu’on puisse en discuter.»

      Mais pourquoi pas? Compte là-dessus! Elle ferait en sorte de différer, se dit-elle en acquiesçant.

      «Dépêche-toi, ton nouveau client t'attend.»

      Avec le même sourire forcé que celui qu’il lui avait réservé lorsqu’elle était entrée, Loreley quitta la pièce, les épaules droites et la démarche sûre, comme pour se maîtriser; mais elle avait une folle envie de botter son gros cul.

***

      Défendre ce qu’elle considérait comme indéfendable n’avait jamais fait partie de ses plans, et n’était pas non plus un moyen de faire carrière. Par conséquent, l’affaire qui lui avait été confiée était tout bonnement indigeste. Elle aurait voulu refuser, mais elle avait déjà perdu des points en s’abstenant d’assister Leen Soraya Desmond et elle ne pouvait pas se dérober une fois encore. Kilmer serait en rage et sauterait sur