l'accueillit. Sur le canapé d’angle, où elle trouvait généralement Johnny étendu le soir, les coussins étaient à leur place. Elle l’appela à voix haute. Ne recevant aucune réponse, elle alla contrôler qu’il ne travaillait pas dans son bureau: chaque fois qu’il s’enfermait là, il s’isolait du reste du monde. Elle alluma, mais tout était comme il l’avait laissé le matin, jusqu’au sweat-shirt jeté sur le bras du fauteuil. Elle trouva la chambre à coucher vide également.
Il n’était pas encore rentré.
Elle ramassa une paire de chaussettes noires de Johnny sur le sol et les jeta dans le panier de linge sale: il ne perdrait jamais sa mauvaise habitude de les laisser traîner partout dans la pièce.
Après avoir enfilé un tablier, elle alla à la cuisine pour tenter de préparer un dîner qu’il pourrait considérer comme tel. Elle sortit du poisson du frigo et enleva les écailles sous l’eau courante afin qu’elles ne se répandent pas partout, comme le lui avait appris Mira, sa domestique, qui était chez ses parents ce week-end. Loreley voulait profiter de son absence pour passer une soirée seule avec son compagnon, comme au début de leur relation. Elle pela quelques pommes de terre, les coupa en cubes et les mit dans un plat avec le poisson, espérant ne pas en faire de la purée ou du charbon de bois.
Après avoir tout enfourné, elle prit une douche rapide, mit de la lingerie en dentelle et des bas auto-fixants, et revêtit une courte robe bleue, à la coupe diagonale. Elle coiffa ses cheveux vers l’arrière, sur la nuque, et les coinça dans une barrette ouvragée. Elle termina par une légère touche de maquillage.
Elle dressa soigneusement la table, plaçant un vase en verre et une bougie allumée au centre.
Le temps passait, mais pas l'ombre d’un Johnny. Elle l'attendit patiemment. Le dîner refroidissait et la bougie avait fondu de moitié.
Un message arriva sur son téléphone à huit heures:
Ne m’attends pas, je mange dehors avec Ethan.
Elle soupira: d’habitude, il sortait avec Ethan après le dîner, une fois par semaine pour ne pas “perdre leur amitié”, comme il disait pour justifier ses soirées avec lui. Elle espéra que cette exception ne deviendrait pas une constante. Il n’avait même pas perdu son temps à lui téléphoner avant qu’elle ne se mette aux fourneaux, chose qui lui pesait comme il le savait. Elle devait se résigner à se mettre à table seule. Elle se sentit déçue: pour une fois qu’elle avait l'impression d’avoir préparé un plat correct, Johnny n’était pas là pour l’apprécier.
Loreley ne perdit pas de temps à débarrasser: elle mit le poisson et les pommes de terre dans un récipient, qu’elle rangea dans le frigo, et alla se coucher. Elle était vraiment fatiguée et devait encore récupérer le sommeil perdu la nuit précédente pour étudier l’affaire Wallace.
Le matin qui suivit, elle vit Johnny à côté d’elle, qui dormait en ronflant: cela lui arrivait quand il buvait trop. Étrange qu’elle ne l’ait pas entendu rentrer.
Qui sait à quelle heure il était revenu!
Elle regarda le réveil: neuf heures et demie. Elle repoussa les couvertures et entendit Johnny marmonner un juron avant de se tourner de l’autre côté: il ne travaillait pas le samedi et s’il voulait dormir, il était libre de le faire.
Loreley enfila sa robe de chambre bleue en épais satin et, après s’être rafraîchie le visage, alla à la cuisine. Elle se sentait ralentie dans ses mouvements ce matin, comme si elle était encore sous l’effet du sommeil. Elle avait pourtant beaucoup dormi cette nuit. Elle avait besoin d’une bonne dose de café pour se réveiller complètement.
Elle allait le verser dans la tasse quand elle sentit une présence derrière elle. Elle se retourna et vit Johnny; ses cheveux courts étaient dressés sur l’avant de son crâne et le blanc de ses yeux était rougi, entourés de cernes bien visibles qui révélaient une insomnie.
«Tu m’en verses un peu aussi? lui demanda-t-il en se grattant une joue à la barbe naissante.
–Je ne pensais pas que tu te lèverais maintenant.»
Elle l’entendit murmurer quelque chose d’incompréhensible mais évita de lui faire répéter. Il se réveillait parfois de mauvaise humeur et ce devait être le cas ce matin, parce qu’au-delà de son expression sérieuse, il ne lui avait même pas donné le bref et coutumier bisou de bonjour.
Johnny but son café debout et posa brutalement la tasse sur la table.
«Qu’est-ce que tu veux manger? lui demanda-t-elle en le regardant, perplexe.
–Je n’ai pas faim.
–Tu peux me dire ce que tu as ce matin? lui demanda-t-elle en croisant les bras et en se plantant devant lui.
–Problèmes de boulot.
–Je peux savoir?
–Je sais que tu ne me laisseras pas tranquille tant que je ne te l'aurai pas dit. Il se gratta la nuque. Je dois travailler sur un projet, mais pour le faire au mieux, je dois voir l’endroit en personne.
–Et où est le problème?
Il émit un bruit qui ressemblait à un rire sarcastique.
–Où est le problème…, répéta-t-il irrité. Le problème est que cet endroit se trouve à Paris.
Loreley le regarda, alarmée.
–Paris? Ne me dis pas que tu dois de nouveau partir!
–Ce n’est pas certain, mais il y a beaucoup de probabilités que je doive y aller. Et ça ne me va pas du tout de refaire un voyage aussi rapidement après la dernière fois.
–Quand le sauras-tu pour de bon?
–D’ici mercredi. Si ça se passe comme je le pense, je devrai partir le week-end prochain.
–Tu es rentré de Californie depuis quand? Même pas trois semaines… Et tu t’en vas de nouveau!
–Los Angeles n’a rien à voir avec le boulot, tu le sais. Je suis déjà agacé, n’en remets pas une couche!
Loreley tenta de garder son calme.
–Je mets un survêtement et je vais courir: j'ai besoin de me défouler, lui annonça-t-il avec un pied déjà hors de la cuisine.
–Je prépare quelque chose entretemps: j'ai faim, et tu l'auras peut-être aussi en rentrant de ta course.»
Johnny se dirigea vers la chambre et Loreley se concentra sur le petit-déjeuner. Comment faisait-on des pancakes? Ah oui: œufs, farine, sucre… Et quelque chose d’autre. Bon sang, elle ne se rappelait plus très bien! Elle prit son téléphone, fit une recherche sur internet et trouva la recette une minute plus tard. Elle la lut rapidement et se mit immédiatement au travail.
Alors qu’elle grillait le pain, elle entendit la sonnerie de son téléphone privé. Elle éteignit le grille-pain et courut répondre. Elle bondit de joie en reconnaissant la voix de son interlocuteur.
«Salut ma belle. Je t'ai manqué?
–Hans, comment tu vas? Tu es où? Elle s’assit sur un tabouret, à côté du comptoir de la cuisine.
–Je vais bien, ne t'inquiète pas. Ester et moi sommes rentrés à la maison.
–Vraiment? Il était temps!
Elle imagina qu’il souriait.
–Ne sois pas jalouse…
–Je ne le suis pas. Et Ester, où est-elle?
–Près de moi, elle te salue.
–Moi aussi. Je suis contente que vous soyez de nouveau en ville.
–Nous un peu moins, mais c’est comme ça. Je t’ai appelée pour te dire que maman voudrait qu’on aille manger chez elle, demain. Ça lui ferait plaisir de nous revoir tous ensemble.
–Si ça va pour toi, aucun problème pour moi: je le dis à Johnny et je tiens au courant.
–J'espère