coups de couteau, ça paraissait très personnel.
Pourtant, comme on le lui avait souvent rappelé lors de la formation de dix semaines qu’elle avait suivie à l’Académie du FBI, l’intuition ne pouvait pas se substituer aux preuves. Ce n’était pas parce qu’une personne ou un scénario paraissait louche que cela prouvait quelque chose en soi. Pour Jessie, qui avait brillé à presque tous les tests qu’on lui avait fait passer à Quantico, la plus grande difficulté avait été d’assimiler ce point précis.
Quand elle arriva à son bureau à 7 h 33, il y avait encore peu de monde dans la grande salle du poste. Comme elle savait que cela changerait dans environ une demi-heure, elle se mit au travail. D’abord, elle appela le Bureau du Médecin Légiste de la Vallée pour leur demander s’ils avaient des résultats. Maggie Caldwell n’était pas encore arrivée mais, selon Jimmy, qui répondit à Jessie, elle lui avait ordonné de communiquer toutes les nouvelles à la personne qui appellerait du Poste Central. Au moins, Caldwell ne semblait pas être complice de l’opération escargot que le sergent Costabile dirigeait.
Selon Jimmy, Michaela avait subi une agression sexuelle avant de mourir mais, apparemment, l’assaillant avait utilisé un préservatif puis nettoyé Michaela avec une sorte de désinfectant qui empêchait le prélèvement d’ADN exploitable. Ils attendaient de voir si des tests plus approfondis apporteraient quelque chose, mais il n’y croyait guère.
Ensuite, Jessie appela l’hôpital pour qu’on lui dise comment allait Lizzie. Pendant qu’elle attendait qu’on lui réponde, elle repensa à Hannah. Les similitudes entre elle et Michaela Penn n’avaient pas échappé à Jessie. Les deux filles avaient dix-sept ans. Elles avaient fréquenté toutes les deux des écoles privées de la Vallée de San Fernando. Elles semblaient toutes les deux avoir été forcées de grandir plus vite qu’elles n’auraient dû. Jessie ne pouvait s’empêcher de se demander quelles autres caractéristiques elles partageaient.
Une infirmière arriva au téléphone et arracha Jessie à ses pensées. Apparemment, Lizzie était encore sous sédatifs. L’infirmière dit qu’elle devrait se réveiller en milieu de matinée et suggéra attendre jusqu’à ce moment-là pour venir la voir.
Quand elle eut appelé le poste de Van Nuys, elle demanda à parler à l’agent Burnside, qui avait monté la garde devant l’immeuble d’appartements. De tous les policiers qu’elle avait rencontrés la nuit dernière, c’était celui qui paraissait le plus dérangé par la situation. Elle espérait qu’elle pourrait lui soustraire quelques informations. On lui dit que son service venait de se terminer, car il allait de 19 h à 7 h du matin. Par la gentillesse, Jessie arriva à convaincre le sergent du bureau de lui donner son numéro de téléphone portable. Son espoir de le trouver éveillé et encore au volant fut récompensé quand il prit la communication à la deuxième sonnerie.
– Allô ? dit-il timidement.
– Agent Burnside ? C’est Jessie Hunt. Nous nous sommes rencontrés hier soir à la scène de meurtre de Michaela Penn.
– Je sais qui vous êtes, dit-il d’une voix prudente.
Sentant sa grande méfiance, Jessie se demanda s’il fallait essayer de le mettre à l’aise ou juste accepter que la situation allait être désagréable. Elle décida que la franchise était la meilleure idée.
– Écoutez, monsieur l’agent, je sais que vous n’avez pas très envie de répondre à cet appel et je ne veux pas vous placer dans une situation difficile, donc, je serai brève.
Elle s’interrompit mais, comme l’agent Burnside ne disait rien, elle poursuivit.
– Je me demandais si vous aviez reçu des nouvelles du téléphone ou de l’ordinateur portable de Michaela. Quelqu’un a-t-il appelé ce téléphone ? Savez-vous si quelqu’un a essayé de mettre au clou le téléphone ou l’ordinateur ?
Après une période de silence, Burnside répondit finalement.
– Je crois que vous devriez plutôt passer par les canaux officiels, Mme Hunt.
Il avait l’air embarrassé de le dire et Jessie décida de profiter de cette gêne.
– Je crois que nous savons tous les deux que ça ne marcherait pas, monsieur l’agent. On me baladerait de service en service pendant des heures. Écoutez, je ne vous demande pas de me dire pourquoi cette scène de crime a été gérée avec aussi peu de professionnalisme. Je ne vous demande pas d’expliquer pourquoi presque tous les policiers présents sur la scène du crime avaient l’air de se sentir coupables de quelque chose. Tout ce que je vous demande, c’est si le téléphone ou l’ordinateur portable ont été retrouvés.
Elle attendit et entendit presque le cerveau de Burnside fonctionner dans le silence qui suivit.
– Je ne vous ai rien dit, OK ? insista-t-il.
– Bien sûr que non.
– Nous n’avons pas encore retrouvé l’ordinateur portable. Nous attendons encore. Nous n’avons pas non plus retrouvé le téléphone, mais nous avons localisé son dernier emplacement, à quelques pâtés de maison de distance. Nous avons trouvé la carte SIM dans une ruelle, ou du moins ce qu’il en restait. Elle avait été écrasée et, apparemment, brûlée.
– Cela paraît être d’une minutie inhabituelle pour un voleur, vous ne croyez pas ? fit remarquer Jessie. On dirait que le voleur tenait plus à cacher les données de l’appel de Michaela qu’à garder son téléphone.
– Je ne sais pas quoi vous dire, Mme Hunt, répondit Burnside.
– Non, bien sûr. Comme cette conversation n’existe pas officiellement, que pouvez-vous me dire d’autre sur ce qui s’est passé la nuit dernière ?
Il y eut une période de silence pendant que Burnside préparait sa réponse.
– Je n’ai rien d’autre à vous révéler sur la nuit dernière, dit-il finalement, mais je peux vous dire que, dorénavant, il vaudra mieux que vous abandonniez cette affaire, Mme Hunt. Je vous le conseille. Je connais votre réputation et je sais que vous n’abandonnez pas facilement mais, dans ce cas-là, vous devrez peut-être changer d’habitude.
– Pourquoi ?
– Il faut que j’y aille, Mme Hunt, mais je vous adresse mes meilleurs vœux. Prenez soin de vous.
Avant qu’elle ait pu répondre, Burnside avait raccroché. Alors que Jessie se demandait si elle devait le rappeler, elle vit Garland Moses entrer dans la grande salle et se diriger vers l’escalier qui menait vers son minuscule bureau du deuxième étage. Comme d’habitude, le profileur légendaire avait l’image d’un professeur d’université négligé et distrait. Ses cheveux gris étaient décoiffés, ses lunettes risquaient de lui tomber du nez et sa veste de sport lui donnait l’air encore plus rachitique qu’il ne l’était déjà. Jessie se leva et le suivit.
– Bonjour, Garland, dit-elle en le rejoignant au bas de l’escalier et en montant avec lui. Vous ne devinerez jamais qui j’ai croisé hier.
– Vous ne devriez pas me défier comme ça, Mme Hunt, répondit-il en clignant de l’œil. Je gagne ma vie en devinant des trucs, vous savez.
– OK, dans ce cas, devinez, dit-elle pour le taquiner.
– Je dirais la docteure Janice Lemmon, dit-il nonchalamment.
– Comment le savez-vous ?
– C’est facile. Vous savez que je la connais et, quand vous l’avez appris, cette information a semblé beaucoup vous plaire. De plus, votre ton actuel d’écolière bavarde suggère que cette personne a selon vous une sorte de lien personnel avec moi. Cela limite énormément les possibilités. Donc, la docteure Lemmon.
– C’est très impressionnant, admit-elle.
– De plus, elle m’a appelé et m’a averti que vous aviez cherché à avoir des informations, dit-il d’une voix facétieuse.
– Je