Морис Леблан

LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur


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Non… ou du moins oui… mais de vue seulement. Son frère…

      – Il a un frère ?

      – Oui, Alfred Varin… Son frère est venu autrefois me solliciter… je ne sais plus à quel propos…

      – Où demeure-t-il ?

      – Les deux frères demeuraient ensemble… rue de Provence, je crois.

      – Et vous ne soupçonnez pas la raison pour laquelle celui-ci s’est tué ?

      – Nullement.

      – Cependant cette carte qu’il tenait dans sa main ?… Votre carte avec votre adresse !

      – Je n’y comprends rien. Ce n’est là évidemment qu’un hasard que l’instruction nous expliquera.

      Un hasard en tout cas bien curieux, pensai-je et je sentis que nous éprouvions tous la même impression.

      Cette impression, je la retrouvai dans les journaux du lendemain, et chez tous ceux de mes amis avec qui je m’entretins de l’aventure. Au milieu des mystères qui la compliquaient, après la double découverte, si déconcertante, de ce sept de cœur sept fois percé, après les deux événements aussi énigmatiques l’un que l’autre dont ma demeure avait été le théâtre, cette carte de visite semblait enfin promettre un peu de lumière. Par elle on arriverait à la vérité.

      Mais, contrairement aux prévisions, M. Andermatt ne fournit aucune indication.

      – J’ai dit ce que je savais, répétait-il. Que veut-on de plus ? Je suis le premier stupéfait que cette carte ait été trouvée là, et j’attends comme tout le monde que ce point soit éclairci.

      Il ne le fut pas. L’enquête établit que les frères Varin, Suisses d’origine, avaient mené sous des noms différents une vie fort mouvementée, fréquentant les tripots, en relations avec toute une bande d’étrangers, dont la police s’occupait, et qui s’était dispersée après une série de cambriolages auxquels leur participation ne fut établie que par la suite. Au numéro 24 de la rue de Provence où les frères Varin avaient en effet habité six ans auparavant, on ignorait ce qu’ils étaient devenus.

      Je confesse que, pour ma part, cette affaire me semblait si embrouillée que je ne croyais guère à la possibilité d’une solution, et que je m’efforçais de n’y plus songer. Mais Jean Daspry, au contraire, que je vis beaucoup à cette époque, se passionnait chaque jour davantage.

      Ce fut lui qui me signala cet écho d’un journal étranger que toute la presse reproduisait et commentait :

      « On va procéder en présence de l’Empereur, et dans un lieu que l’on tiendra secret jusqu’à la dernière minute, aux premiers essais d’un sous-marin qui doit révolutionner les conditions futures de la guerre navale. Une indiscrétion nous en a révélé le nom : il s’appelle Le Sept-de-cœur. »

      Le Sept-de-cœur ? était-ce là rencontre fortuite ? Ou bien devait-on établir un lien entre le nom de ce sous-marin et les incidents dont nous avons parlé ? Mais un lien de quelle nature ? Ce qui se passait ici ne pouvait aucunement se relier à ce qui se passait là-bas.

      – Qu’en savez-vous ? me disait Daspry. Les effets les plus disparates proviennent souvent d’une cause unique.

      Le surlendemain, un autre écho nous arrivait :

      « On prétend que les plans du Sept-de-cœur, le sous-marin dont les expériences vont avoir lieu incessamment, ont été exécutés par des ingénieurs français. Ces ingénieurs, ayant sollicité en vain l’appui de leurs compatriotes, se seraient adressés ensuite, sans plus de succès, à l’Amirauté anglaise. Nous donnons ces nouvelles sous toute réserve. »

      Je n’ose pas insister sur des faits de nature extrêmement délicate, et qui provoquèrent, on s’en souvient, une émotion si considérable. Cependant, puisque tout danger de complication est écarté, il me faut bien parler de l’article de l’Écho de France, qui fit alors grand bruit, et qui jeta sur l’affaire du Sept-de-cœur, comme on l’appelait, quelques clartés… confuses.

      Le voici, tel qu’il parut sous la signature de Salvator :

      L’AFFAIRE DU « SEPT-DE-CŒUR »

      UN COIN DU VOILE SOULEVÉ.

      « Nous serons brefs. Il y a dix ans, un jeune ingénieur des mines, Louis Lacombe, désireux de consacrer son temps et sa fortune aux études qu’il poursuivait, donna sa démission, et loua, au numéro 102, boulevard Maillot, un petit hôtel qu’un comte italien avait fait récemment construire et décorer. Par l’intermédiaire de deux individus, les frères Varin, de Lausanne, dont l’un l’assistait dans ses expériences comme préparateur, et dont l’autre lui cherchait des commanditaires, il entra en relations avec M. Georges Andermatt, qui venait de fonder le Comptoir des Métaux.

      « Après plusieurs entrevues, il parvint à l’intéresser à un projet de sous-marin auquel il travaillait, et il fut entendu que, dès la mise au point définitive de l’invention, M. Andermatt userait de son influence pour obtenir du ministère de la Marine une série d’essais.

      « Durant deux années, Louis Lacombe fréquenta assidûment l’hôtel Andermatt et soumit au banquier les perfectionnements qu’il apportait à son projet, jusqu’au jour où, satisfait lui-même de son travail, ayant trouvé la formule définitive qu’il cherchait, il pria M. Andermatt de se mettre en campagne.

      « Ce jour-là, Louis Lacombe dîna chez les Andermatt. Il s’en alla, le soir, vers onze heures et demie. Depuis on ne l’a plus revu.

      « En relisant les journaux de l’époque, on verrait que la famille du jeune homme saisit la justice et que le parquet s’inquiéta. Mais on n’aboutit à aucune certitude, et généralement il fut admis que Louis Lacombe qui passait pour un garçon original et fantasque, était parti en voyage sans prévenir personne.

      « Acceptons cette hypothèse… invraisemblable. Mais une question se pose, capitale pour notre pays : que sont devenus les plans du sous-marin ? Louis Lacombe les a-t-il emportés ? Sont-ils détruits ?

      « De l’enquête très sérieuse à laquelle nous nous sommes livrés, il résulte que ces plans existent. Les frères Varin les ont eus entre les mains. Comment ? Nous n’avons encore pu l’établir, de même que nous ne savons pas pourquoi ils n’ont pas essayé plutôt de les vendre. Craignaient-ils qu’on ne leur demandât comment ils les avaient en leur possession ? En tout cas cette crainte n’a pas persisté, et nous pouvons en toute certitude affirmer ceci : les plans de Louis Lacombe sont la propriété d’une puissance étrangère, et nous sommes en mesure de publier la correspondance échangée à ce propos entre les frères Varin et le représentant de cette puissance. Actuellement le Sept-de-cœur imaginé par Louis Lacombe est réalisé par nos voisins.

      « La réalité répondra-t-elle aux prévisions optimistes de ceux qui ont été mêlés à cette trahison ? Nous avons, pour espérer le contraire, des raisons que l’événement, nous voudrions le croire, ne trompera point. »

      Et un post-scriptum ajoutait :

      « Dernière heure. – Nous espérions à juste titre. Nos informations particulières nous permettent d’annoncer que les essais du Sept-de-cœur n’ont pas été satisfaisants. Il est assez probable qu’aux plans livrés par les frères Varin, il manquait le dernier document apporté par Louis Lacombe à M. Andermatt le soir de sa disparition, document indispensable à la compréhension totale du projet, sorte de résumé où l’on retrouve les conclusions définitives, les évaluations et les mesures contenues dans les autres papiers. Sans ce document, les plans sont imparfaits ; de même que, sans les plans, le document est inutile.

      « Donc il est encore temps d’agir et de reprendre ce qui nous appartient. Pour cette besogne fort difficile, nous comptons beaucoup sur l’assistance de M. Andermatt. Il aura à cœur d’expliquer la conduite inexplicable qu’il a tenue depuis le début. Il dira non seulement