Чарльз Дарвин

De l'origine des espèces


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155): «La proposition à laquelle on peut s'arrêter après de nombreuses considérations est que les diverses séries d'êtres animés, depuis les plus simples et les plus anciens jusqu'aux plus élevés et aux plus récents, sont, sous la providence de Dieu, le résultat de deux causes: premièrement, d'une impulsion communiquée aux formes de la vie; impulsion qui les pousse en un temps donné, par voie de génération régulière, à travers tous les degrés d'organisation, jusqu'aux Dicotylédonées et aux vertébrés supérieurs; ces degrés sont, d'ailleurs, peu nombreux et généralement marqués par des intervalles dans leur caractère organique, ce qui nous rend si difficile dans la pratique l'appréciation des affinités; secondement, d'une autre impulsion en rapport avec les forces vitales, tendant, dans la série des générations, à approprier, en les modifiant, les conformations organiques aux circonstances extérieures, comme la nourriture, la localité et les influences météoriques; ce sont là les adaptations du théologien naturel.» L'auteur paraît croire que l'organisation progresse par soubresauts, mais que les effets produits par les conditions d'existence sont graduels. Il soutient avec assez de force, en se basant sur des raisons générales, que les espèces ne sont pas des productions immuables. Mais je ne vois pas comment les deux «impulsions» supposées peuvent expliquer scientifiquement les nombreuses et admirables coadaptations que l'on remarque dans la nature; comment, par exemple, nous pouvons ainsi nous rendre compte de la marche qu'a dû suivre le pic pour s'adapter à ses habitudes particulières. Le style brillant et énergique de ce livre, quoique présentant dans les premières éditions peu de connaissances exactes et une grande absence de prudence scientifique, lui assura aussitôt un grand succès; et, à mon avis, il a rendu service en appelant l'attention sur le sujet, en combattant les préjugés et en préparant les esprits à l'adoption d'idées analogues.

      En 1846, le vétéran de la zoologie, M. J. d'Omalius d'Halloy, a publié (Bull. de l'Acad. roy. de Bruxelles, vol. XIII, p.581) un mémoire excellent, bien que court, dans lequel il émet l'opinion qu'il est plus probable que les espèces nouvelles ont été produites par descendance avec modifications plutôt que créées séparément; l'auteur avait déjà exprimé cette opinion en 1831.

      Dans son ouvrage Nature of Limbs, p. 86, le professeur Owen écrivait en 1849: «L'idée archétype s'est manifestée dans la chair sur notre planète, avec des modifications diverses, longtemps avant l'existence des espèces animales qui en sont actuellement l'expression. Mais jusqu'à présent nous ignorons entièrement à quelles lois naturelles ou à quelles causes secondaires la succession régulière et la progression de ces phénomènes organiques ont pu être soumises.» Dans son discours à l'Association britannique, en 1858, il parle (p. 51) de «l'axiome de la puissance créatrice continue, ou de la destinée préordonnée des choses vivantes.» Plus loin (p. 90), à propos de la distribution géographique, il ajoute: «Ces phénomènes ébranlent la croyance où nous étions que l'aptéryx de la Nouvelle-Zélande et le coq de bruyère rouge de l'Angleterre aient été des créations distinctes faites dans une île et pour elle. Il est utile, d'ailleurs de se rappeler toujours aussi que le zoologiste attribue le mot de création a un procédé sur lequel il ne connaît rien.» Il développe cette idée en ajoutant que toutes les fois qu'un «zoologiste cite des exemples tels que le précédent, comme preuve d'une création distincte dans une île et pour elle, il veut dire seulement qu'il ne sait pas comment le coq de bruyère rouge se trouve exclusivement dans ce lieu, et que cette manière d'exprimer son ignorance implique en même temps la croyance à une grande cause créatrice primitive, à laquelle l'oiseau aussi bien que les îles doivent leur origine.» Si nous rapprochons les unes des autres les phrases prononcées dans ce discours, il semble que, en 1858, le célèbre naturaliste n'était pas convaincu que l'aptéryx et le coq de bruyère rouge aient apparu pour la première fois dans leurs contrées respectives, sans qu'il puisse expliquer comment, pas plus qu'il ne saurait expliquer pourquoi.

      Ce discours a été prononcé après la lecture du mémoire de M. Wallace et du mien sur l'origine des espèces devant la Société Linnéenne. Lors de la publication de la première édition du présent ouvrage, je fus, comme beaucoup d'autres avec moi, si complètement trompé par des expressions telles que «l'action continue de la puissance créatrice», que je rangeai le professeur Owen, avec d'autres paléontologistes, parmi les partisans convaincus de l'immutabilité de l'espèce; mais il paraît que c'était de ma part une grave erreur (Anatomy of Vertebrates, vol. III, p. 796). Dans les précédentes éditions de mon ouvrage je conclus, et je maintiens encore ma conclusion, d'après un passage commençant (ibid., vol. I, p. 35) par les mots: «Sans doute la forme type, etc.», que le professeur Owen admettait la sélection naturelle comme pouvant avoir contribué en quelque chose à la formation de nouvelles espèces; mais il paraît, d'après un autre passage (ibid., vol. III, p. 798), que ceci est inexact et non démontré. Je donnai aussi quelques extraits d'une correspondance entre le professeur Owen et le rédacteur en chef de la London Review, qui paraissaient prouver à ce dernier, comme à moi-même, que le professeur Owen prétendait avoir émis avant moi la théorie de la sélection naturelle. J'exprimai une grande surprise et une grande satisfaction en apprenant cette nouvelle; mais, autant qu'il est possible de comprendre certains passages récemment publiés (Anat. of Vertebrates, III, p. 798), je suis encore en tout ou en partie retombé dans l'erreur. Mais je me rassure en voyant d'autres que moi trouver aussi difficiles à comprendre et à concilier entre eux les travaux de controverse du professeur Owen. Quant à la simple énonciation du principe de la sélection naturelle, il est tout à fait indifférent que le professeur Owen m'ait devancé ou non, car tous deux, comme le prouve cette esquisse historique, nous avons depuis longtemps eu le docteur Wells et M. Matthew pour prédécesseurs.

      M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, dans des conférences faites en 1850 (résumées dans Revue et Mag. de zoologie, janvier 1851), expose brièvement les raisons qui lui font croire que «les caractères spécifiques sont fixés pour chaque espèce, tant qu'elle se perpétue au milieu des mêmes circonstances; ils se modifient si les conditions ambiantes viennent à changer». «En résumé, l'observation des animaux sauvages démontre déjà la variabilité limitée des espèces. Les expériences sur les animaux sauvages devenus domestiques, et sur les animaux domestiques redevenus sauvages, la démontrent plus clairement encore. Ces mêmes expériences prouvent, de plus, que les différences produites peuvent être de valeur générique.» Dans son Histoire naturelle générale (vol. II, 1859, p. 430), il développe des conclusions analogues.

      Une circulaire récente affirme que, dès 1851 (Dublin Médical Press, p. 322), le docteur Freke a émis l'opinion que tous les êtres organisés descendent d'une seule forme primitive. Les bases et le traitement du sujet diffèrent totalement des miens, et, comme le docteur Freke a publié en 1861 son essai sur l'Origine des espèces par voie d'affinité organique, il serait superflu de ma part de donner un aperçu quelconque de son système.

      M. Herbert Spencer, dans un mémoire (publié d'abord dans le Leader, mars 1852, et reproduit dans ses Essays en 1858), a établi, avec un talent et une habileté remarquables, la comparaison entre la théorie de la création et celle du développement des êtres organiques. Il tire ses preuves de l'analogie des productions domestiques, des changements que subissent les embryons de beaucoup d'espèces, de la difficulté de distinguer entre les espèces et les variétés, et du principe de gradation générale; il conclut que les espèces ont éprouvé des modifications qu'il attribue au changement des conditions. L'auteur (1855) a aussi étudié la psychologie en partant du principe de l'acquisition graduelle de chaque aptitude et de chaque faculté mentale.

      En 1852, M. Naudin, botaniste distingué, dans un travail remarquable sur l'origine des espèces (Revue horticole, p. 102, republié en partie dans les Nouvelles Archives du Muséum, vol. I, p. 171), déclare que les espèces se forment de la même manière que les variétés cultivées, ce qu'il attribue à la sélection exercée par l'homme. Mais il n'explique pas comment agit la sélection à l'état de nature. Il admet, comme le doyen Herbert, que les espèces, à l'époque de leur apparition, étaient plus plastiques qu'elles ne le sont aujourd'hui. Il appuie sur ce qu'il appelle le principe de finalité, «puissance mystérieuse, indéterminée,