H. de Graffigny

Le tour de France en aéroplane


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      —Nous vous montrerons que nous pouvons faire mieux que cela, mon bon Réviliod. C'est votre droit de préférer les vessies gonflées de gaz aux machines volantes, mais nous vous prouverons que celles-ci leur sont supérieures, non en discutant, mais en agissant....

      La Tour-Miranne fut interrompu par Médouville.

      —Dites-moi donc, président, prononça-t-il d'un ton familier, il est près de minuit, si vous leviez la séance que nous puissions passer à un autre genre d'exercices?... A notre prochaine réunion, nous étudierons l'itinéraire du Tour de France, puisque c'est le Tour de France que nous exécuterons pour convaincre l'ami Réviliod.

      —Vous avez raison. Je vous laisse établir le projet de statuts de notre Société, car il faut prévoir que l'exemple que nous donnerons nous attirera de nombreux adhérents. Une fois ces statuts adoptés par nos amis, nous discuterons l'itinéraire.

      —Entendu! A demain les choses sérieuses; nous aurons le temps d'en recauser à Bétheny en regardant voler Blériot et ses émules!

      Les jeunes gens échangèrent une dernière poignée de mains et se séparèrent.

      La semaine d'aviation de Champagne prit fin le dimanche 29 août, après les victoires définitives de Curtis pour la Coupe Gordon-Bennett, de Farman pour le Grand-Prix de Champagne et Latham pour le prix de la hauteur. Tous les fanatiques du nouveau sport n'eurent garde de manquer la moindre des épreuves, et nous retrouvons réunis une dernière fois à Reims avant leur dispersion, les fondateurs de l'Aéro-tourist-club.

       Derrière une table recouverte d'un tapis vert....

      —Vous rentrez à Paris, La Tour-Miranne, demanda Médouville.

      —Je ne fais que le traverser, répondit l'interpellé. Je vais passer quelques jours en famille dans notre villa de Paramé.

      —Nous pourrons nous revoir facilement, dans ce cas, car de mon côté je vais à Saint-Lunaire chez mon excellent cousin Lhier.

      —Bon! je comprends! fit en riant le marquis. Vous allez lui demander de faire partie du club?...

      —Certainement. Il faut qu'il participe d'une façon ou de l'autre à notre entreprise.

      —Enfin, quand nous retrouverons-nous? intervint Breuval qui écoutait.

      Le président réfléchit un instant, puis relevant la tête:

      —Je vous donne rendez-vous à tous, le 10 octobre prochain, à deux heures à l'hôtel de La Tour-Miranne. D'ailleurs je vous rafraîchirai la mémoire quelques jours auparavant par une convocation. Il y aura, j'espère, d'ici là de l'ouvrage de fait, grâce au dévouement et à l'activité du bureau de l'Aéro-tourist. Vous n'aurez plus qu'à approuver les statuts et les plans de notre première caravane de l'année prochaine.

      Jean Outremécourt et Médouville, flattés, se mirent à rire.

      —Entendu pour le 10 octobre, fit Damblin. Toutefois, rien ne nous empêche d'ici là, je pense, de nous occuper de nos futurs moyens de transport pour cette caravane.

      —Certainement. Chacun conserve sa pleine liberté et choisira le système d'aéroplane qui aura ses préférences, répliqua vivement La Tour-Miranne.

      —Est-ce que les dames pourront prendre part au voyage?... questionna un jeune homme qui jusque-là n'avait rien dit.

      —Le Club le décidera. Pour ma part, loin d'y voir un inconvénient, je pense que nos excursions gagneraient en agrément si nous pouvions y faire participer nos soeurs et même nos mères. Ces chères présences modéreraient un peu la fougue et la témérité de ceux d'entre nous qui voudraient répéter les exploits des Latham et autres, que nous venons de voir évoluer. Enfin nous en reparlerons. Pour l'instant, notre groupe demeure compact. Combien sommes-nous de fondateurs de l'Aéro-tourist-club?...

      —Quatorze!... répliqua Médouville.

      —Pardon, treize seulement, déclara de sa voix sèche le Petit Biscuitier.

      —Comment treize!... Il me semblait pourtant....

      —Parce que sans doute vous me comptiez.

      —Eh bien?...

      —Eh bien! vous avez eu tort.

      —Quoi, Réviliod, vous ne voulez plus être des nôtres! demanda La Tour-Miranne.

      —Je n'ai rien fait pour vous laisser supposer que je partageais vos idées, je crois! Au contraire, je les ai combattues de toutes mes forces et en toute occasion. En un mot comme en mille, non, je ne crois pas à la possibilité du tourisme en aéroplane, et comme je ne veux pas me rendre ridicule, je me sépare de votre groupement qui me semble voué à tous les déboires...

      —Oiseau de mauvais augure!... grommela Damblin.

      —Nous aurons donc le regret de rester treize seulement, mon cher camarade, et j'émets le voeu que ce chiffre nous soit, malgré tout, favorable.

      —C'est ce que nous verrons!... murmura Réviliod entre ses dents.

      Cinq semaines plus tard, les treize fondateurs de l'Aéro-tourist-club se trouvaient rassemblés dans l'un des salons de l'hôtel du duc de La Tour-Miranne, rue de Babylone, et pour faire les choses dans les règles, Médouville, qui aimait les usages protocolaires, avait tenu à organiser le bureau de la nouvelle Société. Derrière une table recouverte d'un tapis vert foncé, avaient donc pris place les quatre personnages chargés de veiller aux intérêts de l'entreprise: La Tour-Miranne, président, flanqué de ses deux acolytes Outremécourt et Breuval. Médouville occupait un coin avec ses paperasses de secrétaire général.

      Les statuts, lus article par article, ayant été discutés et finalement adoptés, Médouville conclut:

      —Voilà donc une chose essentielle terminée. Il ne nous reste plus, pour être en règle avec la loi, que de déposer ces statuts à la Préfecture, et cela, j'en fais mon affaire. Occupons-nous donc maintenant de l'organisation de notre première sortie.

      —Du tour de France en aéroplane, ainsi que l'a dit Réviliod, fit en riant un jeune membre du Club.

      —Du Tour de France, parfaitement! affirma La Tour-Miranne.

      —Je demande la parole, dit un auditeur.

      —Parlez, mon cher camarade.

      —Il me semble qu'il conviendra de chercher bientôt un emplacement pouvant servir de parc à la Société, où nous pourrons remiser nos appareils et, plus tard, les expérimenter.

      —C'est là une chose indispensable, en effet, répondit le jeune président, mais je crois connaître ce qu'il nous faut. C'est le haras de mon excellent oncle le prince Muret, dans l'Oise, à moins de dix lieues de Paris. On peut aménager en aérodrome une partie des prairies et y agencer les hangars où nous abriterons nos oiseaux mécaniques. Ce terrain conviendra admirablement pour nos essais, et nous pourrons nous livrer tranquillement à nos expériences sans crainte d'être dérangés par des importuns, ni avoir à mobiliser aucune force de police, comme aux Moulineaux, pour assurer l'ordre. Je ferai ce qu'il conviendra et vous rendrai compte de mes démarches le moment venu.

      —Bon. Dans ce cas, nous avons tout l'hiver pour faire construire nos skis aériens, ajouta Médouville. Pour ma part, je compte commander le mien à un inventeur de génie que j'ai découvert et que je patronne. Martin Landoux, tel est son nom. Je vous engage fort, mes chers amis, à vous adresser également à lui, vous aurez pleine satisfaction.

      —Est-ce que tu toucheras une commission sur ces ventes, Médouville? dit narquoisement, de sa place, Georges Damblin.

      —Ce