fait: soufflez de l'air dans la bouche, frottez le corps d'alcali, mettez des sinapismes, tâchez de ranimer les battements du coeur; mais je crois que tout sera inutile, car l'enfant est mort, sans aucun doute.»
En disant ces mots, jetant à la mère désolée un regard de compassion, il quitta la chambre et alla voir d'autres malades. Mme Renou, désolée de cet arrêt du médecin et de son prompt départ, s'écria:
«Un peu de courage encore! On a vu faire revenir des noyés après deux heures de soins; nous n'avons pas réussi jusqu'à présent, mais nous serons peut-être plus heureux en continuant.»
Mme Renou, aidée des voisins charitables qui n'avaient cessé de donner tous leurs soins à la mère et à l'enfant, recommença ce qui avait été vainement essayé depuis une heure. La pauvre mère reprit quelque espoir en voyant continuer les secours que l'arrivée du médecin avait interrompus.
Pendant plus d'une heure encore, on ne cessa de frictionner, réchauffer l'enfant, mais sans obtenir aucun bon résultat. Quand Mme Renou vit l'inutilité de leurs efforts, elle enveloppa l'enfant dans des linges qui devaient être son linceul, et elle le le laissa sur le lit de la chambre où il avait été transporté.
«Mon enfant, mon cher enfant! s'écria la mère en voyant revenir Mme Renou, vous l'avez abandonné.
—Tout est fini, ma pauvre femme, dit Mme Renou. Le Bon Dieu a repris votre enfant pour son plus grand bonheur; il est au ciel, où il prie pour vous et pour ses frères et soeurs.
—Mon enfant, mon cher petit enfant! cria la pauvre mère en sanglotant; le perdre ainsi! le voir mourir sous mes yeux, à dix pas de moi! Oh! c'est trop affreux! J'aurais été moins désolée de le voir mourir dans son lit.
—Ma pauvre femme, pensez que si votre enfant était mort dans son lit, c'eût été par maladie, et que vous l'auriez vu souffrir cruellement pendant plusieurs jours; c'eût été plus terrible encore; le bon Dieu vous a épargné cette douleur.»
Pendant longtemps encore, Mme Renou resta près de la pauvre femme sans pouvoir calmer son désespoir. Elle la quitta enfin, la laissant aux mains des voisines, dont les consolations furent des plus rudes, mais des plus efficaces.
«Voyons, ma bonne Marie, lui dit l'une, vous n'êtes pas raisonnable; puisque le bon Dieu le veut, vous ne pouvez l'empêcher.
—A quoi vous sert de vous désoler ainsi, dit l'autre; ce ne sont pas vos cris ni vos pleurs qui feront revivre l'enfant.
—Soyez raisonnable, dit la troisième, et voyez donc qu'il vous reste encore quatre enfants; il y en a tant qui n'en ont pas.
—Et le pauvre innocent qui, en se réveillant, aura besoin de votre lait; quelle nourriture vous lui donnerez en vous chagrinant comme vous le faites!
—On fera de son mieux pour vous soulager, ma pauvre Marie; tenez, voyez Mme Désiré qui prend votre enfant et qui va le nourrir avec le sien.»
En effet, Mme Désiré Thorel, bonne et gentille jeune femme qui demeurait tout près, et qui avait un enfant au maillot, était accourue à la première nouvelle du malheur arrivé à Marie. Elle avait aidé avec bonté et intelligence Mme Renou dans les soins donnés à l'enfant noyé; au réveil du petit, qu'Hélène avait endormi, elle le prit, l'enveloppa de langes et l'emporta chez elle pour le nourrir et le soigner avec le sien; elle ne le reporta que plusieurs heures après, lorsque la mère, revenant un peu à elle et au souvenir de ses autres enfants, demanda ce dernier petit, le seul qui pût être près d'elle; les autres étaient à l'école ou dans une ferme, où on les employait à garder des dindes et des oies.
Pendant plusieurs jours, elle fut inconsolable; le temps agit enfin sur son chagrin comme il agit sur tout: il l'usa et le diminua insensiblement. Mme Renou et Hélène allèrent tous les jours et plusieurs fois par jour lui donner des consolations, adoucir sa douleur et pourvoir à ses besoins et à ceux de sa famille. Hélène s'occupait des enfants, les peignait, les lavait; elle rangeait les vêtements épars, mettait de l'ordre dans le ménage, pendant que Mme Renou causait avec Marie et cherchait à lui donner la résignation d'une pieuse chrétienne soumise aux volontés de Dieu.
Jules profitait des absences plus fréquentes d'Hélène pour multiplier ses sottises, dont le pauvre Blaise était toujours l'innocente victime, comme on va le voir dans les chapitres suivants.
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