Anonyme

Les Alcooliques anonymes, Quatrième édition


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      J’ai soudain compris la vraie signification de mon expérience dans la cathédrale. L’espace d’un instant, j’avais eu besoin de Dieu et je L’avais désiré. J’avais timidement souhaité qu’Il soit là, et Il était venu. Mais le sentiment de Sa présence avait été rapidement étouffé par les clameurs du monde, surtout celles qui s’élevaient en moi. Il en avait été ainsi depuis ce temps-là. Comme j’avais été aveugle !

      À l’hôpital, on m’a éloigné de l’alcool pour la dernière fois. Le traitement semblait indiqué car je montrais des signes de delirium tremens.

      Puis, je me suis humblement offert à Dieu tel que je Le concevais alors, Lui demandant de disposer de moi comme Il l’entendait. Je me suis confié à Lui sans réserve pour qu’Il me guide et me protège. Pour la première fois, j’ai admis que seul je n’étais rien ; que sans Lui j’étais perdu. Sans me ménager, j’ai regardé mes fautes en face et consenti à ce que mon tout nouvel Ami les extirpe. Depuis lors, je n’ai plus pris un verre.

      Mon ancien camarade de classe est venu me voir et je lui ai fait part de tous mes problèmes et de tous mes défauts. Nous avons dressé la liste des personnes à qui j’avais causé du tort ou envers qui je nourrissais du ressentiment. Je me suis montré entièrement disposé à rencontrer ces personnes et à admettre mes torts, sans jamais les juger. J’allais redresser tous les torts causés du mieux que je le pouvais.

      Je devais mettre à l’épreuve ma nouvelle conscience de la présence de Dieu en moi. Le bon sens serait le contraire de ce qu’il avait été jusqu’à présent. Dans le doute, je devais m’asseoir, tranquille, et demander seulement que me soient données la force et la lumière pour régler mes problèmes de la façon dont Il le voulait. Jamais je ne devais prier pour moi-même, sauf pour demander de devenir plus utile aux autres. Ainsi, seulement, pouvais-je espérer être exaucé. Mais, dans ce cas, je devais l’être abondamment.

      Mon ami m’a promis que lorsque j’aurais fait ces démarches, je vivrais un nouveau genre de relations avec mon Créateur ; que j’aurais en mains les éléments d’un mode de vie qui apporterait la solution à tous mes problèmes. Essentiellement, il suffisait de croire en la puissance de Dieu et de se montrer disposé, en toute humilité et en toute honnêteté, à établir et à maintenir ce nouvel ordre des choses.

      C’était simple, mais pas facile ; il fallait y mettre le prix. Cela signifiait l’anéantissement de mon égocentrisme. Je devais m’en remettre en toutes choses au Père de lumière qui règne sur nous tous.

      Ces propositions étaient radicales et révolutionnaires, mais à partir du moment où je les ai acceptées, l’effet a été électrisant. J’ai éprouvé une impression de victoire suivie d’une sensation de paix et de sérénité que je n’avais jamais ressentie auparavant. J’étais pleinement confiant. Je me sentais transporté, comme si le grand vent frais des cimes avait soufflé à travers moi. La plupart du temps, Dieu vient aux hommes graduellement, mais dans mon cas, la rencontre a été soudaine et profonde.

      Pendant un instant, je me suis senti inquiet ; j’ai appelé mon ami médecin pour lui demander s’il croyait que j’étais encore sain d’esprit. Il écoutait, étonné, ce que je lui racontais.

      Finalement, complètement dépassé, il m’a dit : « Il t’est arrivé quelque chose que je ne comprends pas. Mais tu fais mieux de t’y accrocher. N’importe quoi est mieux que l’état dans lequel tu étais. » Aujourd’hui, ce bon docteur a souvent l’occasion de rencontrer des hommes qui vivent des expériences comme la mienne. Il sait qu’elles sont vraies.

      Dans mon lit d’hôpital, la pensée m’est venue qu’il y avait des milliers d’alcooliques désespérés qui seraient heureux de bénéficier de ce qui m’avait été donné de façon aussi gratuite. Je pourrais peut-être en aider quelques-uns. Ils pourraient ensuite intervenir auprès d’autres alcooliques.

      Mon ami avait insisté sur l’absolue nécessité de mettre les principes qu’il m’avait enseignés en pratique dans tous les domaines de ma vie. Il était particulièrement important que je m’occupe des autres de la même façon que mon ami l’avait fait pour moi. La foi sans les œuvres est une foi morte, disait-il. Et c’est particulièrement vrai pour un alcoolique ! Car, si un alcoolique néglige d’enrichir et de perfectionner sa vie spirituelle par son action auprès des autres et par le don de soi, il ne pourra pas survivre aux épreuves et aux dépressions qui le guettent. S’il ne se tenait pas ainsi occupé, l’alcoolique boirait sûrement de nouveau et s’il buvait, il mourrait sûrement. Alors, la foi serait morte en effet. C’est ainsi que nous voyons les choses.

      Ma femme et moi avons adhéré avec enthousiasme à l’idée d’aider d’autres alcooliques à trouver une solution à leurs problèmes. Cette orientation était opportune, car mes anciens partenaires commerciaux ont douté de mon rétablissement pendant un an et demi et j’ai trouvé peu de travail pendant cette période. Je ne me sentais pas très bien à ce moment-là et j’étais tourmenté par des accès d’apitoiement et de ressentiment. Ces sentiments ont parfois failli me ramener à l’alcool mais j’ai vite compris que là où toutes les autres méthodes avaient échoué, l’action auprès d’un autre alcoolique sauvait la situation. Il m’est souvent arrivé de retourner, désespéré, à l’hôpital où j’avais été soigné. Là, de parler à un malade me remontait de façon étonnante et je repartais ragaillardi. Ce mode de vie donne des résultats dans les moments difficiles.

      Rapidement nous avons commencé à nous faire des amis et un lien fraternel auquel il fait bon appartenir s’est tissé entre nous. La joie de vivre nous habite vraiment, même dans les situations de tension ou de difficultés. J’ai vu des centaines de familles s’engager sur des voies prometteuses ; j’ai vu les pires situations familiales redressées, des querelles et des rancunes de toutes sortes effacées. J’ai vu des hommes sortir de l’asile et reprendre une place capitale dans la vie de leur famille et de leur communauté. J’ai vu des membres de professions libérales et des hommes d’affaires retrouver leur rang social. Il n’y a quasiment aucune forme de problèmes ou de misère qui n’ait été surmontée par nos membres. Une des villes de l’ouest du pays, incluant son agglomération, compte un millier d’alcooliques avec leur famille. Nous nous retrouvons souvent pour que les nouveaux puissent puiser l’amitié qu’ils cherchent. Ces rencontres informelles réunissent souvent de 50 à 200 personnes. Nous grandissons en nombre et en force.3

      Un alcoolique en pleine cuite est un être déplaisant. L’entreprise de persuasion que nous devons engager auprès des alcooliques est parfois éreintante, parfois drôle ou parfois tragique. L’un d’entre eux s’est suicidé chez moi. Il ne pouvait ou ne voulait pas comprendre notre mode de vie.

      Nous nous amusons aussi énormément. Peut-être que certaines personnes seraient offusquées par ce qui semble être de la frivolité et un manque de sérieux. Sous ces apparences, nous sommes pourtant d’une gravité implacable. La foi doit accomplir son œuvre vingt-quatre heures sur vingt-quatre en nous et par nous, ou nous périrons.

      La plupart d’entre nous croient qu’ils n’ont plus à chercher l’Utopie. C’est ce que nous avons, ici, maintenant. Tous les jours, les propos que mon ami m’a tenus dans notre cuisine sont répétés et transmis pour former un cercle de plus en plus grand, porteur d’un message de paix et de bonne volonté.

      Bill W., un des fondateurs des AA,

      mort le 24 janvier 1971

      3En 2013, on compte 114 600 groupes.

      Chapitre 2

      IL Y A UNE SOLUTION

      Chez les AA, il y a des milliers d’hommes et de femmes qui ont connu un jour le même désespoir que Bill. Presque tous se sont rétablis. Ils ont trouvé une solution à leur problème d’alcool.

      Nous sommes des Américains moyens. Toutes les régions de ce pays et plusieurs métiers et professions sont représentés, de même que plusieurs