faites en sorte d’être seul avec lui. Au début, vous pouvez parler de sujets généraux. Après un moment, amenez la conversation sur un aspect particulier de l’alcoolisme. Parlez-lui suffisamment de vos habitudes de buveur, des symptômes que vous aviez, de vos expériences, pour l’encourager à parler de lui. S’il veut se confier, laissez-le faire. Vous aurez ainsi une meilleure idée sur la méthode à adopter dans son cas. S’il se montre peu communicatif, donnez-lui un aperçu de ce qu’était votre vie d’alcoolique jusqu’au moment où vous avez cessé de boire. Mais pour l’instant, ne dites rien sur la façon dont cela s’est produit. S’il est d’humeur sérieuse, insistez sur les ennuis que l’alcool vous a causés en prenant bien garde de ne pas le sermonner ni de discourir. S’il est d’humeur légère, racontez-lui des histoires drôles rattachées à vos escapades. Tâchez de l’amener lui aussi à raconter certaines de ses aventures.
Une fois qu’il se sera rendu compte que l’alcool n’a pas de secret pour vous, commencez à vous décrire comme alcoolique. Dites-lui combien vous avez été déconcerté et comment vous avez finalement appris que vous étiez malade. Décrivez-lui les luttes que vous avez menées pour arrêter de boire. Montrez-lui quelles contorsions mentales nous conduisent à ce premier verre qui débouche sur une cuite. Nous vous suggérons de procéder comme nous l’indiquons dans le chapitre sur l’alcoolisme. S’il est alcoolique, il comprendra immédiatement. Il reconnaîtra ses illogismes dans les vôtres.
Si vous avez la certitude que c’est un véritable alcoolique, insistez sur la nature incurable de cette maladie. Démontrez-lui comment, en puisant dans votre propre expérience, l’étrange condition mentale qui précède le premier verre empêche la volonté de fonctionner normalement. À ce stade, évitez de faire allusion à ce livre, à moins qu’il ne l’ait déjà vu et qu’il désire en parler. Prenez garde de ne pas le qualifier d’alcoolique. Laissez-le tirer ses propres conclusions. S’il s’accroche à l’idée qu’il peut encore maîtriser sa consommation d’alcool, dites-lui que c’est possible s’il n’est pas trop alcoolique. Mais essayez de lui faire comprendre que s’il est gravement atteint, il a peu de chance de s’en sortir seul.
Continuez de parler de l’alcoolisme comme d’une maladie, une maladie fatale. Parlez des conditions physiques et mentales qui l’accompagnent. Dirigez continuellement son attention sur votre expérience personnelle. Expliquez-lui que plusieurs seront condamnés sans jamais s’être rendu compte de la gravité de leur misérable état. On comprend que les médecins répugnent à exposer aux patients alcooliques le fond du problème, à moins qu’ils n’aient de bonnes raisons pour le faire. Mais vous, vous pouvez parler de l’aspect irrémédiable de l’alcoolisme parce que vous proposez une solution. En peu de temps, votre ami aura reconnu qu’il présente plusieurs, sinon toutes les caractéristiques de l’alcoolique. Si son médecin est d’accord pour lui apprendre qu’il est alcoolique, tant mieux. Même si votre protégé n’a pas reconnu sa condition, il peut toutefois se montrer curieux de savoir comment vous vous êtes rétabli. Laissez-le vous poser la question s’il le désire. Dites-lui exactement ce qui vous est arrivé. Insistez en toute liberté sur l’aspect spirituel. Si votre candidat est athée ou agnostique, expliquez-lui clairement qu’il n’est pas obligé d’être d’accord avec votre conception de Dieu. Il peut concevoir Dieu comme il lui plaît, à la condition que cette conception ait une signification pour lui. L’important est qu’il veuille croire en une Puissance supérieure à lui-même et qu’il vive selon des principes spirituels.
Lorsque vous traitez avec une telle personne, vous avez intérêt à utiliser le langage de tous les jours pour décrire les principes spirituels. Il est inutile de soulever les préjugés qu’il pourrait avoir contre certaines conceptions ou terminologies théologiques qui sèment peut-être déjà la confusion dans son esprit. Évitez d’aborder ces sujets, quelles que soient vos propres convictions.
Il se peut que votre candidat appartienne à une religion et que son éducation et sa formation religieuses soient supérieures aux vôtres. Si c’est le cas, il ne verra pas ce que vous pourriez ajouter à ses connaissances. Cependant, il sera intrigué de savoir pourquoi ses propres convictions ne l’ont pas aidé alors que les vôtres semblent si efficaces. Il peut être un exemple que la foi seule est insuffisante. Pour que la foi soit vivante, elle doit s’accompagner du don de soi, d’une action constructive et désintéressée. Faites-lui comprendre que vous n’êtes pas là pour l’instruire sur la religion. Tout en admettant qu’il en sait sans doute plus long que vous sur ce sujet, attirez son attention sur le fait suivant : si profondes que soient sa foi et ses connaissances, il ne les a sûrement pas mises en pratique, sinon il ne boirait pas. Le récit de votre expérience pourrait l’aider à découvrir où il n’a pas mis en œuvre les préceptes qu’il connaît si bien. Nous ne représentons aucune croyance ni confession religieuse particulière. Nous ne faisons qu’exposer des principes généraux communs à la plupart des religions.
Exposez-lui le programme d’action en lui expliquant comment vous avez effectué votre auto-critique, comment vous avez redressé les torts de votre passé et pourquoi, maintenant, vous cherchez à lui venir en aide. C’est important pour lui de bien comprendre que vos efforts pour lui communiquer le message sont un élément vital de votre propre rétablissement et que, en fait, il peut vous aider plus que vous ne l’aidez. Expliquez-lui clairement qu’il n’a aucune obligation envers vous et que vous espérez seulement qu’il tentera de venir en aide à d’autres alcooliques quand il se sera sorti de ses difficultés. Tâchez de lui faire voir à quel point il se doit de placer le bien-être des autres avant le sien. Donnez-lui l’assurance que vous n’exercez aucune pression sur lui et que vous ne le reverrez plus si tel est son désir. Ajoutez que vous ne serez pas offusqué s’il ne veut plus entendre parler de vous, car il vous a aidé plus que vous ne l’avez aidé vous-même. Si vous avez parlé avec calme et bon sens et que vous vous êtes montré humain et compréhensif, vous vous êtes probablement fait un ami. Il se peut que la question de l’alcoolisme l’ait dérangé. Tant mieux ! Plus il se sentira désespéré, mieux cela vaudra. Il y a ainsi davantage de chance qu’il suive vos suggestions.
Votre candidat peut trouver des raisons pour lesquelles il pense n’avoir pas besoin de suivre le programme au complet. Il peut se rebeller à l’idée de faire un examen de conscience qui requiert une discussion avec d’autres personnes. Il vaut mieux ne pas le contredire. Dites-lui au contraire que vous avez ressenti la même chose, mais que vous doutez aujourd’hui que vous auriez fait autant de progrès si vous n’aviez pas consenti à passer à l’action. Lors de votre première visite, entretenez-le du mouvement des Alcooliques anonymes. S’il montre quelque intérêt, laissez-lui votre exemplaire de ce livre.
À moins que votre ami ne veuille parler davantage de lui, ne mettez pas sa patience à l’épreuve. Donnez-lui la chance de réfléchir. Si vous restez, laissez-le orienter la conversation. Il peut arriver qu’un nouveau, empressé, veuille s’engager tout de suite et que vous soyez tenté de le laisser faire. C’est parfois une erreur. S’il éprouvait des difficultés par la suite, il pourrait vous reprocher de l’avoir bousculé. Vous réussirez mieux auprès des alcooliques en évitant de vous présenter comme un croisé ou un réformateur passionné. Ne parlez jamais à un alcoolique du haut de votre grandeur morale ou spirituelle ; contentez-vous de lui présenter les outils spirituels pour qu’il les examine. Démontrez-lui comment ils vous ont servi. Offrez-lui l’amitié et la fraternité. Dites-lui que s’il désire se rétablir, vous ferez n’importe quoi pour l’aider.
Si votre solution ne l’intéresse pas, s’il attend de vous seulement que vous le sortiez de ses difficultés financières comme un banquier, ou si tout ce qu’il cherche est une infirmière pour l’aider dans ses moments de cuite, il vaut mieux renoncer à l’aider jusqu’à ce qu’il ait changé d’idée. Ce changement d’attitude se produira lorsqu’il aura souffert davantage.
Si votre candidat démontre un intérêt sincère et qu’il veut vous revoir, demandez-lui de lire ce livre avant votre prochaine visite. Ensuite, il décidera de lui-même s’il veut poursuivre sa démarche. Il ne doit jamais être pressé ni bousculé ni par vous ni par sa femme ou ses amis. S’il doit trouver