Cependant, insistez sur le fait que les alcooliques ont beaucoup en commun et que de toute façon, vous aimeriez garder un lien amical avec lui. Puis, laissez les choses comme elles sont.
Ne vous découragez pas si votre candidat ne répond pas immédiatement. Partez à la recherche d’un autre alcoolique et essayez encore. Vous trouverez certainement un malade assez désespéré pour accepter sans hésiter ce que vous avez à offrir. Insister auprès de quelqu’un qui ne peut ou ne veut pas travailler avec vous, c’est, à notre avis, une perte de temps. Laissé à lui-même, il pourrait, en peu de temps, découvrir qu’il ne peut se rétablir par ses propres moyens. Passer trop de temps sur un cas prive un autre alcoolique de l’occasion de vivre normalement et d’être heureux. Un de nos membres a échoué complètement dans ses six premières tentatives. Il aime répéter que s’il avait poursuivi son action auprès de ces alcooliques, il en aurait peut-être privé beaucoup d’autres, sauvés depuis, de leur chance de se rétablir.
Supposons maintenant que vous rendez une deuxième visite à votre candidat. Il a lu ce livre et se dit prêt à faire les Douze Étapes du programme de rétablissement. Ayant vous-même vécu cette expérience, vous êtes en mesure de lui donner des conseils pratiques. Laissez-lui savoir que vous êtes disposé à recevoir ses confidences lorsqu’il aura décidé de raconter son histoire, mais n’insistez pas s’il préfère consulter une autre personne.
Il peut être sans argent et sans abri. Si c’est le cas, vous pourriez l’aider à se trouver du travail ou lui offrir une petite aide financière. Néanmoins, vous ne devez pas priver votre famille ou vos créanciers de l’argent qui leur revient. Vous aimeriez peut-être le loger chez vous durant quelques jours. Mais agissez toujours avec discernement. Assurez-vous qu’il sera accepté par votre famille et qu’il n’est pas là pour profiter indûment de votre argent, de vos contacts ou de votre hospitalité. Ses abus ne pourraient que lui causer du tort. Vous lui donneriez l’occasion d’être malhonnête et ainsi, vous contribueriez à sa destruction plutôt qu’à son rétablissement.
Ne fuyez jamais devant vos responsabilités mais assurez-vous que vous agissez sagement en les assumant. L’aide aux autres est la pierre angulaire de votre rétablissement. Une bonne action de temps en temps n’est pas suffisante. Vous devez agir en bon Samaritain tous les jours s’il le faut. Cela peut signifier que vous passerez plusieurs nuits blanches et que vos loisirs et vos affaires seront souvent interrompus. Peut-être devrez-vous partager votre argent et votre foyer, conseiller les conjoints et les parents pris de panique, vous présenter de nombreuses fois au poste de police, dans les cliniques, les hôpitaux, les prisons et les centres de soins psychiatriques. Votre téléphone pourra sonner à toute heure du jour et de la nuit. Votre femme se plaindra peut-être que vous la négligez. Un alcoolique soûl peut briser votre mobilier ou brûler un matelas. Vous pourriez devoir vous battre avec lui s’il est violent. Parfois vous devrez appeler un médecin et suivre ses directives pour administrer un sédatif à votre protégé. À d’autres moments, vous pourriez être dans l’obligation d’avoir recours à la police ou d’appeler une ambulance. Occasionnellement, vous ferez face à des situations comme celles-là.
Il est rare que nous permettions à un alcoolique de vivre longtemps chez nous parce que ce n’est pas bon pour lui et que cela entraîne parfois de graves complications dans la famille.
Le refus d’un alcoolique de collaborer à son rétablissement n’est pas une raison pour négliger ses proches. Vous devriez maintenir des liens amicaux avec eux et leur offrir d’adopter votre mode de vie. S’ils acceptaient de mettre en pratique vos principes spirituels, le chef de famille aurait de bien meilleures chances de se rétablir. Et même s’il devait continuer de boire, sa famille trouverait la vie plus supportable.
Quant à l’alcoolique qui peut et veut se rétablir, il n’a guère besoin de charité, au sens ordinaire du mot, ou du moins il n’en demandera pas beaucoup. Les alcooliques qui réclament de l’argent et un abri avant de surmonter leur problème d’alcool font fausse route. Cependant, nous sommes prêts à de grands sacrifices lorsque cette action est justifiée pour nous aider les uns les autres. Cela peut sembler contradictoire mais pour nous, ce ne l’est pas.
Nous ne remettons pas en cause le don lui-même, mais plutôt le moment et la manière de donner. C’est souvent là qu’est la différence entre la réussite et l’échec. À partir du moment où notre action est essentiellement d’ordre matériel, l’alcoolique commence à compter sur notre assistance plutôt que sur celle de Dieu. Il réclame ceci et cela, prétextant son incapacité à maîtriser l’alcool si ses besoins matériels ne sont pas satisfaits. C’est un non-sens. Certains d’entre nous ont dû encaisser de rudes coups avant de comprendre ceci : avec ou sans emploi, avec ou sans conjoint, nous ne cessons tout simplement pas de boire tant que nous faisons passer notre dépendance des autres avant notre dépendance envers Dieu.
Il faut graver dans l’esprit de chaque alcoolique qu’il peut se rétablir indépendamment de qui que ce soit. La seule condition est de mettre sa confiance en Dieu et de mettre de l’ordre dans sa vie.
Voyons maintenant les problèmes au foyer. Il se peut qu’il y ait divorce, séparation ou simplement des relations tendues. Lorsque votre candidat aura redressé, autant qu’il le peut, les torts causés aux siens et qu’il leur aura bien expliqué les nouveaux principes selon lesquels il vit, il devra commencer à mettre ceux-ci en pratique à la maison. Nous parlons évidemment de ceux qui ont la chance d’avoir un foyer. Il ne doit pas tenir compte du fait que sa famille puisse avoir de nombreux torts. Il doit se concentrer sur sa propre spiritualité. Les discussions et les réprimandes doivent être évitées à tout prix. Cela est difficile à faire dans nombre de foyers, mais c’est indispensable si l’on veut obtenir des résultats. Si la famille persiste dans ses efforts pendant quelques mois, elle en retirera un grand bienfait. Les personnalités moins compatibles finissent par découvrir des terrains d’entente. Avec le temps, chaque membre de la famille peut en venir à voir ses propres défauts et à les admettre. Tous sont alors davantage en mesure d’en discuter dans une atmosphère d’entraide amicale.
Lorsque la famille aura constaté les résultats tangibles de la méthode, elle se montrera peut-être disposée à faire de même. Cela se fera naturellement et en temps voulu, pourvu que l’alcoolique continue, quoi que l’on fasse et quoi que l’on dise, de démontrer qu’il peut demeurer abstinent, serviable et attentif envers les autres. Bien sûr, il nous arrive à tous, et même souvent, de nous écarter de ces règles de conduite. Nous devons alors tenter de réparer immédiatement le tort causé, sinon nous le paierons par une rechute.
Dans une situation de divorce ou de séparation, le couple ne devrait pas montrer une hâte excessive à se retrouver. L’alcoolique doit être sûr de son rétablissement. De son côté, la femme doit parfaitement comprendre son nouveau mode de vie. Si la relation doit reprendre, les bases de cette nouvelle union devront être différentes puisque les précédentes n’ont pas tenu. Cela exige un changement total d’esprit et d’attitude. Parfois, il vaut mieux pour tous les intéressés que le couple demeure séparé. De toute évidence, aucune règle ne peut être établie à ce sujet. Il faut laisser l’alcoolique poursuivre son programme jour après jour et quand le temps des retrouvailles sera venu, ce sera clair pour les deux personnes en cause.
Il faut détromper l’alcoolique qui dit ne pouvoir se rétablir sans avoir retrouvé sa famille. C’est faux. Dans certains cas, pour une raison ou pour une autre, le conjoint ne revient jamais. Il faut rappeler à ce candidat que son rétablissement ne dépend pas des autres. Il dépend de sa relation avec Dieu. Nous connaissons des hommes qui se sont rétablis sans n’avoir jamais retrouvé leur famille. Par ailleurs, d’autres ont rechuté à cause de leur retour prématuré.
Il faut que, jour après jour, votre protégé et vous marchiez ensemble sur le chemin du progrès spirituel. Si vous persistez, des choses remarquables se produiront. En jetant un regard sur le passé, nous constatons que ce qui nous est arrivé au moment où nous avons remis notre sort entre les mains de Dieu était mieux que tout ce que nous avions escompté. Si vous suivez les directives d’une Puissance supérieure, vous finirez par vivre