L’inconnu Tsarévitch Alexis. Souvenirs de la famille de Filatov au Tsesarevitch Alexis
ne fut jamais achevee. Toutefois, sur la base des recherches effectuees, les experts ont pu parvenir a la conclusion suivante:
En etudiant les radiographies frontales et laterales d’une section cervicale des colonnes vertebrates d’Oleg, Olga et Irina, effectuees dans le cadre de l’expertise medico-legale de la mort en 1918—1920 des membres de la dynastie Romanov, quatorze traits structuraux similaires furent decouverts, ce qui tendrait a indi- quer, a notre avis, une parente entre les individus concemes […]. Une recherche independante menee par l’institut de medecine legale de l’universite Heinrich Heine recourant a l’analyse d’ADN confirma les resultats obtenus. Ces resultats montrent done que ces individus apparentes presentent une similitude de structure anatomique dans la section cervicale de la colonne vertebrale. Ces resultats ont une signification pratique importante dans la mesure ou ils nous permettent d’etablir, soit independamment, soit en association avec les methodes de Гапаlyse genetique, une parente entre les sujets analyses.
Vu le volume des donnees compilees sur les restes des Romanov exhumes a Iekaterinbourg, on peut penser que l’achevement de ces recherches ne demanderait guere de travail, d’autant plus que 1’absence de resultats negatifs au stade initial laisse supposer des resultats positifs a l’etape finale. Popov recapitule les resultats de ses recherches:
Le 9 septembre 1994, mon collegue Kovaliov et moi-meme rencontrames les enfants de Vassili Filatov: Oleg, Olga et Irina, qui pensent que leur pere pourrait tres bien avoir ete le tsarevitch Alexis. Leurs avis se fondent sur l’erudition de celui-ci, son niveau d’education et de culture, et les histoires qu’il raconta dans leur enfance, correspondant a la teneur et a la chronologie des evenements d’avant la revolution et aux faits desormais connus concernant le sort des derniers Romanov. Vassili Filatov ne fit jamais ouvertement part de ses origines a ses enfants et eludait systematiquement les questions directes sur ce sujet. Il passa les dernieres annees de sa vie a Astrakhan ou il mourut en 1988. Il demanda que ses cendres demeurent ou elles seraient deposees et pria ses enfants d’aller vivre a Saint-Petersbourg. Apres sa mort, ils accomplirent sa volonte.
Les enfants Filatov ont manifesto leur desir de se rapprocher de la verite et se sont declares prets a faire exhumer la depouille de leur pere afin que l’on precede a une recherche d’identification qu’ils financeraient; mais pour cela, il leur fallait des echantillons provenant de Romanov connus, a des fins de compa- raison. Qui accepterait de leur donner des fragments des reliques provenant du site d’ensevelissement de Iekaterinbourg? Qui parmi les Romanov encore de ce monde donnerait de son sang pour une analyse genetique? [Etant donne l’ampleur des informations genetiques existant sur les Romanov, les auteurs ne pensent pas que cela soit necessaire]. Leurs appels adresses a la commission gouvernementale n’ont pas encore requ de reponse, d’ou leur decision, logique, de recourir a des experts independants. Des specialistes russes, americains et britan- niques prenaient deja part a l’enquete, aussi resolurent-ils de requerir une assistance supplemental aupres d’experts en medecine legale en Allemagne et en Finlande, qui offirirent d’entreprendre des recherches genetiques afin d’etablir l’eventuelle parente entre les Filatov et les Romanov. A l’evidence, seule une analyse genetique comparative portant sur les tissus biologiques de leur pere et les restes des Romanov exhumes a Iekaterinbourg, ou le sang de descendants de la dynastie, pourrait constituer une preuve scientifique.
Les scientifiques allemands ont done suggere aux Filatov de se soumettre a des prelevements de sang. Mais que donnerait une comparaison du sang des enfants d’un heritier presume (un heritier de sexe masculin et non feminin!) avec les resultats de l’analyse britannique? II у avait peu de chances que cela aboutisse a quoi que ce soit puisque les informations genetiques hereditaires sont transmises par la lignee feminine. Par consequence, il fallait necessairement proceder a une etude genetique des restes de leur pere, Vassili Filatov.
On ne peut qu’etre d’accord avec la methodologie employee par Popov et Kovaliov. Plus discutable est leur pessimisme quant aux elements d’identification deja existants des restes des Romanov, qui jette un doute injustifie sur la qualite des informations genetiques deja compilees.
En outre, est-il besoin de le souligner, la recherche genetique nest qu’une partie, au demeurant substantielle, des etudes d’identification. Une proposition globale afin d’etablir l’identite entre Alexis Romanov et Vassili Filatov fut faite en 1996 par le professeur Vadim Petrovitch Petrov, docteur en medecine. Il commenqa a travailler sur le projet, et son fils – Vadim Vadimovitch Petrov, lui aussi detenteur d’un dipldme de haut niveau en medecine et qui poursuit ses etudes au centre de recherches scientifico-juridiques de la faculte de droit de l’universite de Saint-Petersbourg” – continua apres sa mort.
Etant donne l’absence de resultats negatifs des tests genetiques et vu la similitude de la structure anatomique des sections cervicales de la colonne vertebrate indiquant des parents proches, les resultats positifs des recherches graphologiques et photographiques permettent de tirer la conclusion preliminaire qu’Alexis Romanov et Vassili Filatov sont une seule et meme personne.
Cette conclusion n’est contredite par aucune autre observation.
Selon le temoignage de sa femme et de ses enfants, Vassili Filatov etait atteint d’une hemiparesie des muscles de la jambe gauche: il chaussait du 42 au pied droit et du 40 au pied gauche, et sa jambe gauche etait plus courte que la droite. Il en soufffait beaucoup mais ne fit aucune adaptation a sa botte gauche (alors qu’il etait fils de cordonnier et qu’il avait travaille comme apprenti dans un atelier de cordonnerie pendant pres de neuf ans!). Nous savons que la jambe gauche d’Alexis Romanov subit un traumatisme en 1912 et qu’une grave hemorragie interne provoqua un engourdissement temporaire des nerfs associe a une perte de sensation, que le tsarevitch recupera finalement apres un long traitement.
Toujours selon le temoignage des siens, lorsque Vassili Filatov se cognait accidentellement au bras ou a la jambe, cela provoquait une enflure; il presentait des signes d’hemorragie interne et avait de la fievre. Le processus de resorption (la recuperation dans le flux sanguin de substances prealablement eliminees du sang) s’accompagnait de douleurs aigues et durait generalement plusieurs jours. Or l`article 19, qui etait mentionne a l’origine sur les papiers d’exemption militaire de Vassili Filatov, a trait a l’hemophilie selon le registre des maladies du NKO (Commissariat du peuple a la Defense), en 1942.
Alexis Romanov, comme l’on sait, soufffait d’hemophilie. Cependant, avant les annees trente, aucune methode diagnostique claire n’existait pour differencier une veritable hemo- phflie d’autres maladies du sang montrant les symptomes de l’hemorragie. Il est possible que les pronostics pessimistes des medecins au debut du siecle, selon lesquels Alexis souflrait « d’une maladie qui mettait sa vie en danger”, aient ete serieusement exageres. Dans les annees 1980, l’esperance de vie moyenne des hemophiles depassait soixante ans, et l’on connait aujourd’hui des cas qui vecurent la Deuxieme Guerre mondiale.
Se souvenant de Vassili Filatov, ses enfants evoquent son amour pour sa famille, son erudition, sa passion pour la musique, l’art et la litterature. Le soir, il aimait lire a haute voix entoure des siens et jouer de la musique. « Ce qui m’etonne le plus, ecrit Oleg, c’est qu’un orphelin ait pu apprendre a jouer des instruments a clavier […]. Il jouait de l’orgue, du piano et du clavecin et savait aussi les accorder. Il adorait la balalaika. Il jouait aussi du concertina, du hayan, de l’accordeon et nous initia a ses instruments […]. Il avait un attachement tout particulier pour la musique dassique, les Mazurkas et les Vaises n° 6 et 7 de Chopin, la Polonaise, Beethoven, Tchaikovski… II interpretait des valses russes au piano […]. Il connaissait les marches de tous les regiments du tsar […]. Il nous apprit a chanter sans forcer la voix et a obtenir un son doux sans tension. Il chantait avfc calme, serenite et beaucoup d’expression, des ballades, des arias et de longues chansons folkloriques russes. Il connaissait quantite de tchastushki (chansonnettes humoristiques).”
Toute la famille Filatov se preparait longuement, assidument, pour le Nouvel An, leur fete preferee, cousant des costumes et fabriquant des masques pour les productions theatrales maison. Ils confectionnaient des jouets, des guirlandes, des bateaux, des flocons de neige en papier colore, et s’offraient des dessins accompagnes de poemes. Olga ecrit: « A la veille du Nouvel