Daniel Wrinn

La Première Guerre Mondiale


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      Mutinerie sur le front occidental

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      Le mot « mutinerie » évoque des images de violence alcoolique et de descente dans l'anarchie. C'est un mot qui ferait tourner le sang des officiers en bloc de glace. Sans ordre et sans obéissance, un homme ne peut pas donner d’ordres à un autre homme pour effectuer des actions qui entraîneront la mort et des blessures d’autres êtres humains. La mutinerie rend une armée inefficace plus rapidement qu'un barrage de mitrailleuses ou même d'artillerie. Elle peut conduire à une défaite totale en quelques jours, c'est pourquoi ils elle est généralement punie avec une grande sévérité.

      Dans la Rome antique, les mutins de l'armée qui revenaient au régime militaire étaient soumis à la décimation : un homme sur dix était arraché des rangs et exécuté publiquement. Qui aurait pu deviner que cette réaction antique et barbare serait à nouveau employée au XXème siècle pour rétablir l'ordre dans l'armée française.

      Les mutineries françaises de 1917 trouvent leur origine dans la décision de l'armée allemande de mener la guerre en prenant des vies françaises plutôt que des territoires français. En février 1916, les Allemands avaient choisi la forteresse française de Verdun pour mettre leurs plans en action. Pendant 10 mois d’horreur, les Français et les Allemands s’affrontèrent pour le contrôle de la forteresse. La plupart des combats s’étaient déroulés dans des forts de béton humides, éclaboussés de sang, et respirant la terreur des hommes devant affronter le combat au corps à corps.

      Lorsque la bataille se termine en décembre de la même année, plus de 350 000 soldats français et 330 000 soldats allemands auront été tués ou blessés.

      Il n'y avait rien de satisfaisant dans ce massacre.

      Aucun territoire n'avait été gagné ni perdu. Chaque camp avait perdu un nombre presque égal de troupes. Le commandement et les tactiques des Allemands avaient été quelque peu modifiés, mais leur stratégie qui consistait à saigner à blanc l'armée française avait eu plus d'effet qu'ils ne l'avaient réalisé.

      Le peuple français est immensément fier du succès de son armée dans la défense de Verdun, et le cri de guerre des soldats « On ne passe pas » devient le slogan de l'estime nationale. Les généraux français deviennent des héros nationaux. Mais, après la bataille de Verdun, de nombreux soldats français ont l'impression qu'ils n’ont plus rien à donner.

      Une autre grande offensive française est prévue au début du printemps 1917. Le haut commandement français promet à ses troupes une victoire rapide au Chemin des

      Dames sur l’Aisne. On proclame aux soldats français que ce sera la bataille qui leur permettra de gagner la guerre. Le moral est au beau fixe, surtout que les soldats français ont appris que leurs généraux allaient essayer une nouvelle tactique pour épargner leurs vies. Ils marcheraient vers les tranchées allemandes sous la protection du barrage rampant, une grêle d'obus tombant devant eux, avançant comme un mur de feu protecteur.

      Des chars seraient également utilisés, un nouveau type d'arme prometteur pour écraser la défense des barbelés et détruire les nids mortels des mitrailleuses, qui sans cela, balayerait des dizaines d'hommes d'une seule rafale.

      Un million d'hommes participèrent à l'attaque du 16 avril. Elle échoua. Ce fut un autre massacre insensé. Les chars tombèrent en panne et les bombardements de l'artillerie ne réussirent pas à détruire les points forts de l'ennemi. Le temps n'avait pas aidé non plus. Les soldats français avaient dû avancer sous une pluie battante. Après 10 jours, plus de 30 000 hommes avaient été tués, et plus de 20 000 avaient disparus, presque certainement morts. 90 000 autres survivants avaient été blessés. Mais pourtant, les attaques continuèrent.

      Tous les soldats ne croyaient pas aux promesses des généraux français d'une victoire facile lors d'une percée décisive. De nombreuses compagnies de soldats, y compris la mienne, marchaient au front en bêlant comme des moutons, criant à qui voulait l’entendre que nous étions des viandes de boucherie sur pied destinées à l'abattoir. C'était un signal d'alarme qui fut ignoré. Le Chemin des Dames devint le lieu où le moral de l'armée française s’effondra définitivement.

      La première mutinerie eu lieu avec le deuxième bataillon du 18ème régiment d'infanterie. Sur 600 hommes, seulement 200 avaient survécu à l’offensive. Après un bref répit derrière les lignes de front françaises, ils reçurent à nouveau l'ordre de retourner dans les tranchées. C'était le 29 avril 1917, en début de soirée. De nombreux hommes étaient ivres du vin rouge bon marché qui était toujours fourni gratuitement aux troupes françaises. Presque tous les hommes refusèrent d’y retourner et se rassemblèrent en groupes protestant contre la guerre, mais tôt le lendemain matin, une fois dessoûlés, les soldats repartirent vers la ligne de front.

      Alors que nous marchions, les officiers du bataillon décidèrent que cette insurrection devait être immédiatement punie. Au hasard, une douzaine d'hommes furent extirpés des rangs et accusés de mutinerie. Ils abattirent cinq d'entre eux. Un autre s’échappa miraculeusement. Alors qu'il était conduit au peloton d'exécution par un groupe de gardes, un bombardement d'artillerie allemand se mit à tomber autour d'eux. Il s’élança dans les bois voisins et ne fut jamais retrouvé.

      Quelques jours plus tard, une autre mutinerie éclata. Cette fois, beaucoup plus importante car elle concernait l’intégralité de la deuxième division. Des milliers d'hommes, presque tous ivres, refusèrent de porter les armes et de se diriger vers les tranchées. Quand l'effet de la boisson se fut dissipé, la plupart des hommes cédèrent et repartirent au front. Ceux qui refusèrent toujours de partir furent rapidement arrêtés et les punitions n'épargnèrent personne d'autre dans la division.

      Ce n'était que le début. Au début du mois de mai, cette rébellion alcoolique s'était répandue dans l'armée, c'était un autre genre de mutinerie. C'était une étrange sorte de mutinerie. Il n’y eu aucun rapport d'attaques ou de meurtres d'officiers ni de revendications politiques. Lorsque les officiers négocièrent avec l'homme qui avait été élu par ses camarades pour les représenter, il leur déclara que les soldats continueraient à défendre leurs tranchées des attaques des Allemands, mais qu’ils refusaient toute avancée vers l’ennemi.

      Alors qu'une mutinerie à grande échelle balayait les rangs de l'armée française, des évènements extraordinaires se produisaient en Russie. Une mutinerie de même ampleur avait conduit au renversement du gouvernement tsariste, alarmant profondément les autres alliés. Les autorités françaises avaient de la chance de ne pas avoir d'équivalents de Lénine et de Trotsky parmi leurs troupes. S'il y en avait eu, l'histoire de la France au cours du XXème siècle, aurait pu être très différente. La rébellion française n'avait pas de chefs évidents, elle n'était dirigée par personne. Mais, malgré cela, la situation se dégradait si rapidement qu'en juin, 54 divisions, soit plus de la moitié de l’ensemble de l'armée française sur le front occidental, sont touchées. Plus de 30 000 hommes quittent leurs postes sur la ligne de front et essayent de rentrer chez eux à pied.

      Les causes de la mutinerie étaient simples. Le simple soldat français avait perdu la foi en ses généraux. Il n’était plus d’accord pour donner sa vie en suivant des ordres auxquels il ne croyait plus. Il y avait également d'autres causes, et celles-ci étaient suffisamment sérieuses pour que l'on se demande pourquoi la mutinerie n'avait pas pris naissance plus tôt.

      Par rapport à leurs homologues britanniques, les soldats français devaient supporter des conditions plus dures en matière de discipline militaire. Leur solde était une misère.