Daniel Wrinn

La Première Guerre Mondiale


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arrivés au point de rendez-vous et avons été transférés dans des camions, qui nous ont transportés au front. Une fois sur le front, nous avons été envoyés dans une petite ville juste à côté du Bois de Belleau. Au-dessus des bois, nous avons aperçu des ballons d'observation allemands, que nous avions surnommés « saucisses » en raison de leur forme.

      Ce n'était pas une bonne nouvelle.

      Certainement, nous avions été repérés, et ils nous attendaient. Les Allemands commencèrent à nous bombarder durement et détruisirent pratiquement toute la ville. Un bâtiment sur ma droite brûlait, et les flammes illuminaient le sol autour de moi. Tout ce que je pouvais voir, c’étaient des Marines morts gisant sur cette route étroite.

      Puis ils ont ordonné à mon bataillon d'aller dans le Bois de Belleau. À trois heures, nous sommes partis pour les tranchées du front. Nous étions censés atteindre les lignes de front avant le petit-jour. Les bois étaient si denses qu'il semblait presque impossible de se frayer un chemin. Les branches des arbres nous frappaient incessamment au visage. Les hommes juraient. Après une nuit de marche forcée déprimante, nous avons atteint les tranchées de la ligne de front. Les Allemands continuaient à nous bombarder. Un obus tomba de près notre abri et tua l’un de mes amis du nom de Burke.

      Le morceau de shrapnel l’avait décapité.

      Les tranchées dans lesquelles je me suis retrouvé arrivaient à peine à la taille. Après une journée épuisante, nous avons dû essayer de dormir en étant accroupis dans l'eau jusqu'aux chevilles. Au cours des jours suivants, les Allemands lancèrent des attaques nocturnes sur nos positions. Une fois, un soldat lança une grenade sur des Allemands qui approchaient. Elle rebondit sur un arbre et atterrit dans sa tranchée. Je la vis juste à temps pour plonger au fond de ma tranchée et éviter d'être tué. Je me mis à rire comme un idiot alors que le soldat à côté de moi jurait comme un marin, à l’idée que nous avions failli être tués par l’un de nos propres hommes.

      Le 6 juin, nous avons été impliqués dans un assaut particulièrement lourd dans les bois. On nous a ordonné de charger contre des positions allemandes bien défendues dans un champ ouvert. Nous étions bloqués par un feu nourri pendant cette attaque. Un vétéran des Marines, le sergent Dan Daly, a inventé sa phrase gagnante : « Allez, fils de pute, vous pensez être éternels ? »

      Heureusement, il y avait un journaliste sur place pour capturer le moment. la légende d'immortalité de Daly et la bravoure des Marines furent assurées à partir de ce moment. C'était ce type d’héroïsme face à l'adversité que les Marines étaient censés incarner. Le sergent Daly a survécu à l'attaque et à la guerre, bien qu'il ait été blessé lors des combats du Bois de Belleau.

      La journée de combat qui a suivi cette bataille a été la pire de l'histoire du corps des Marines. Il y eu plus de 1 080 hommes tués ou blessés. La lutte pour la possession du bois avait pris des allures de grisaille claustrophobique. À l'intérieur du champ de bataille combiné, un sous-bois dense obscurcissait le sol entre les arbres avec d'énormes rochers ayant leurs propres petits coins et recoins. Toute la bataille s'est déroulée dans une atmosphère de chaos. Ces bois étaient si denses.

      Les ennemis passaient à quelques centimètres les uns des autres. Nous ne pouvions pas voir nos camarades soldats et devions faire attention à ne pas tirer sur nos propres hommes. Les Allemands et les Américains s’entassaient dans cet endroit confiné. Le sol entre les arbres était jonché de corps tombés. On pouvait voir les débris personnels de ces soldats morts, sacs à dos, lettres, uniformes en lambeaux, tout cela flottait dans le vent. C’étaient les restes pathétiques de leurs jeunes vies et de sombres présages pour ceux qui leur survivaient. Les grenades à main, mitrailleuses, obus explosifs, gaz... avaient dépouillé les arbres de leurs feuilles.

      Lorsque nous rencontrions l'ennemi, c'était souvent sous la forme la plus redoutée du combat au corps à corps. Nous nous battions avec des baïonnettes à poing américain dans un dispositif hideux que nous appelions « toad sticker », le crève-crapaud. Il s'agissait d'une longue lame triangulaire attachée à un poing américain. Un de mes amis, un Marine, qui avait été au cœur des combats au corps à corps pendant plus de 15 minutes avant de survivre à tous ses adversaires allemands, raconta dans une lettre à sa famille, les problèmes que la terrible tension psychologique de ce combat avait causé chez lui. Après la fin du combat, il s'était assis pour pleurer. Devoir s'accrocher à la vie un espace aussi confiné était une expérience démoralisante.

      Les obus tombaient régulièrement sur nos positions. Les tirs de mitrailleuses et de fusils fusaient continuellement à travers les arbres, faisant éclater autour de nous des morceaux de roche, de terre et de bois. Les Allemands nous tiraient dessus avec des mortiers de tranchée aux projectiles noirs de plus d'un mètre de long remplis d'explosifs puissants. On les appelait des torpilles aériennes. Des obus à gaz atterrissaient également dans les bois, dégageant des poches de fumées formant un brouillard dense stagnant au ras du sol. Le gaz était souvent inoffensif sur le moment, mais il s'abattait sur les Marines endormis, au repos, couchés dans des tranchées peu profondes, et les faisait étouffer et leur donnait des nausées.

      Un jour, au beau milieu d'une attaque au gaz, un sergent artilleur donna son masque à gaz à un marine blessé. Ce sergent artilleur mourut d'une mort douloureuse quelques jours plus tard, ses poumons ayant été détruits par le gaz. Les explosions d'obus martelaient nos tympans dans les bois jusqu'à ce que mes oreilles chantent dans un bourdonnement constant et désorientant. Mais souvent, les tirs d'obus étaient inefficaces. La concentration d'arbres et de végétation étouffait le souffle des obus. La visibilité était mauvaise, et nous étions à l'orée des bois.

      Nous avons suivi le déroulement de la bataille en suivant l'effroyable cortège de bruits. De temps en temps, il y avait une salve rapide de tirs de mitrailleuses. Cela pouvait signifier que les Marines attaquaient un nid de mitrailleuses. Ils allaient sûrement mourir en s'y précipitant, et l’attaque était suivie d'une pause inquiétante. Ensuite, les mitrailleurs seraient tués par les baïonnettes et les couteaux de tranchées, les armes silencieuses du combat au corps à corps.

      Le 11 juin, nous avions capturé les deux tiers des bois, mais nous étions maintenant proches de l'épuisement physique. Les Allemands contre-attaquèrent et les combats intenses se poursuivirent. Les cadavres s'empilaient dans les bois, et les Marines se frayaient un chemin parmi les corps de l'ennemi.

      De temps à autres, un soldat allemand se cachait dans les tas de morts et se levait par derrière notre groupe pour tirer dans le dos d'un de nos hommes. Le Bois de Belleau était aussi rempli de tireurs d'élite, cachés dans les hauts arbres et les sous-bois. Ces hommes courageux avaient été triés sur le volet pour un travail qui promettait une mort presque certaine, ou un danger toujours présent. Quand les mitrailleuses et les bombardements se taisaient dans les bois, il y régnait un silence sinistre. Comme si cela ne suffisait pas, il était facile de se perdre dans des bois aussi épais. Il y avait peu de points de repère et un homme pouvait perdre tout sens de l'orientation. Les soldats devaient porter une boussole pour s'assurer qu'ils retournaient à leurs propres lignes plutôt qu'à l'ennemi.

      Le 23 juin, nous avons retiré nos troupes et bombardé la forêt pendant 14 heures sans relâche. Puis nous sommes entrés à nouveau en force et avons combattu pendant deux jours de plus pour essayer de débarrasser le Bois de Belleau des troupes allemandes. Les combats étaient si intenses que plus de 200 ambulances ont été nécessaires pour transporter les blessés. Finalement, le 26 juin, le Bois de Belleau est tombé entre nos mains.

      Cela avait pris 25 jours angoissants, mais le Bois de Belleau fut l'une des batailles les plus importantes de la guerre. Si nous n'avions pas arrêté l'avance allemande, ils auraient pu continuer jusqu'à Paris.

      Mais nous avons payé un prix terrible pour cette victoire.

      Un tiers de tous les hommes qui avaient pris part à cette bataille avaient été tués ou blessés. Une compagnie avait perdu 235 de ses 240 hommes. Le Bois de Belleau a montré que l'armée américaine était sérieuse. Nous mènerions une guerre difficile et les pertes