София де Сегюр

Les vacances / Каникулы. Книга для чтения на французском языке


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Diart s’empressa de les servir.

      «Allons, la grosse, cria-t-elle à une lourde servante qui apportait deux seaux pleins de lait, donne du lait tout chaud à ces messieurs. Passe-le.... Plus vite donc! Est-elle pataude! Pardon, messieurs, elle n’est pas prompte, voyez-vous.... Pose tes seaux; j’aurai plus tôt fait que toi.... Cours chercher un pain dans la huche.... Voilà, messieurs; à votre service tout ce qu’il vous plaira de demander.»

      Léon et Jean remercièrent la fermière et se mirent à manger avec délices ce bon lait tout chaud et ce pain de ménage, à peine sorti du four et tiède encore.

      «Assez, assez, Jean, dit Léon. Si nous étouffons, nous ne serons plus bons à rien. N’oublie pas que nous avons nos cabanes à commencer. Nous aurons fini les nôtres avant que ce petit vantard de Jacques[17] ait pu seulement commencer la sienne.

JEAN

      Hé! hé! Je ne dis pas cela, moi. Jacques est fort; il est très vif et intelligent; il est résolu, et, quand il veut, il veut ferme.

LÉON

      Laisse donc! ne vas-tu pas croire qu’il saura faire une maison à lui tout seul, aidé seulement par Sophie et Marguerite?

JEAN

      Je n’en sais rien; nous verrons.

LÉON

      C’est tout vu d’avance, mon cher. Il fera chou blanc[18].

JEAN

      Ou chou pommé[19]. Tu verras, tu verras.

LÉON

      Ce que tu dis là est d’une niaiserie pommée. Ha! ha! Un petit gamin de sept ans architecte, maçon.

LEAN

      C’est bon! tu riras après; en attendant, viens chercher nos cousines; il va être huit heures.»

      Ils coururent à la maison, allèrent frapper à la porte de leurs cousines, qui les attendaient et qui leur ouvrirent avec empressement. Ils se demandérent réciproquement des nouvelles de leur nuit, et descendirent pour courir à leur jardin et commencer leur cabane. En approchant, ils furent surpris d’entendre frapper comme si on clouait des planches.

CAMILLE

      Qui est-ce qui peut cogner dans notre jardin?

MADELEINE

      C’est sans doute[20] dans le bois.

CAMILLE

      Mais non, les coups semblent venir du jardin.

LÉON

      Ah! voici Marguerite; elle nous dira ce que c’est.»

      Au même instant, Marguerite cria très haut: «Léon, Jean, bonjour; Sophie et Jacques sont avec moi.

      – Ne crie donc pas si fort, dit Jean en souriant, nous ne sommes pas sourds.»

      Marguerite courut à eux, les arrêta pour les embrasser tous, puis ils prirent le chemin qui menait au jardin, en tournant un peu court dans le bois.

      Quelle ne fut pas leur surprise en voyant Jacques, le pauvre petit Jacques, armé d’un lourd maillet et clouant des planches aux piquets qui formaient les quatre coins de sa cabane. Sophie l’aidait en soutenant les planches.

      Jacques avait très bien choisi l’emplacement de sa maisonnette; il l’avait adossé à des noisetiers qui formaient un buisson très épais et qui l’abritaient d’un soleil trop ardent. Mais ce qui causa aux cousins une vive surprise, ce fut la promptitude du travail de Jacques et la force et l’adresse avec lesquelles il avait placé et enfoncé les gros piquets qui devaient recevoir les planches avec lesquelles il formait les murs. La porte et une fenêtre étaient déjà indiquées par des piquets pareils à ceux qui faisaient les coins de la maison.

      Ils s’étaient arrêtés tous quatre; leur étonnement se peignait si bien sur leurs figures que Jacques, Marguerite et Sophie ne purent s’empêcher de sourire, puis d’éclater de rire. Jacques jeta son maillet à terre pour rire plus à son aise.

      Enfin Léon s’avança vers lui.

LÉON, avec humeur

      Pourquoi et de quoi ris-tu?

JACQUES

      Je ris de vous tous et de vos airs étonnés.

JEAN

      Mais, mon petit Jacques, comment as-tu pu faire tout cela, et comment as-tu eu la force de porter ces lourds piquets et ces lourdes planches?

JACQUES, avec malice

      Marguerite et Sophie m’ont aidé.»

      Léon et Jean hochèrent la tête d’un air incrédule; ils tournèrent autour de la cabane, regardèrent partout d’un air méfiant, pendant que Camille et Madeleine s’extasiaient devant l’habileté de Jacques et admiraient la promptitude avec laquelle il avait travaillé.

CAMILLE

      À quelle heure t’es-tu donc levé, mon petit Jacques?

JACQUES

      À cinq heures, et à six j’étais ici avec mes piquets, mes planches et tous mes outils. Tenez, mes amis, prenez les outils maintenant: chacun son tour.

LÉON

      Non, Jacques, continue, nous voudrions te voir travailler, pour prendre des leçons de ton grand génie.»

      Jacques jeta à Marguerite et à Sophie un coup d’œil d’intelligence et répondit en riant:

      «Mais nous travaillons depuis longtemps, et nous sommes fatigués. Nous allons à présent courir après les papillons.

LÉON avec ironie

      Pour vous reposer sans doute?

MADELEINE

      Précisément, pour nous reposer les mains et l’esprit.»

      Et ils partirent en riant et en sautant.

      Léon les regarda s’éloigner et dit:

      «Ils ne ressemblent guère à des gens fatigués.»

      Au même instant Camille et Madeleine se rapprochèrent avec inquiétude de Léon et de Jean.

CAMILLE

      J’ai entendu les branches craquer dans le buisson.

MADELEINE

      Et moi aussi; entendez-vous? On s’éloigne avec précaution.»

      Pendant que Léon reculait en s’éloignant prudemment du buisson et des bois, Jean saisissait le maillet de Jacques et s’élançait devant ses cousines pour les protéger.

      Ils écoutèrent quelques instants et n’entendirent plus rien. Léon alors dit d’un air mécontent:

      «Vous vous êtes trompées; il n’y a rien du tout. Laisse donc ce maillet[21], Jean; tu prends un air matamore[22] en pure perte; il n’y a aucun ennemi pour se mesurer avec toi.

MADELEINE

      Merci, Jean; s’il y avait eu du danger, tu nous aurais défendues bravement.

CAMILLE

      Léon, pourquoi plaisantes-tu du courage de Jean? Il pouvait y avoir du danger, car je suis sûre d’avoir entendu marcher avec précaution dans le fourré, comme si on voulait se cacher.

LÉON, d’un air moqueur

      Je préfère la prudence du serpent au courage du lion.

JEAN

      Il est certain que c’est plus sûr.»

      Camille, qui pressentait une dispute, changea la conversation en parlant de leur cabane. Elle demanda qu’on choisît l’emplacement; après bien des incertitudes, ils décidèrent qu’on la bâtirait en face de celle de Jacques. Ensuite ils allèrent chercher des pièces de bois et les planches nécessaires pour la construction. Ils firent leur choix dans un grand hangar où il y avait du bois de toute espèce. Ils chargèrent leurs planches et leurs piquets sur une petite charrette à leur usage; Léon et Jean s’attelèrent au brancard, Camille et Madeleine poussaient derrière, et ils partirent au trot, passant en triomphe devant Jacques, Marguerite et Sophie, qui couraient dans le pré après les papillons;