Guéshé Rabten

Les états de la conscience


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Gonsar Tulkou Rimpoché

      Directeur spirituel

      Rabten Choeling

      Le Mont-Pèlerin, juillet 2001

Gueshe Rabten

      Introduction

      Par expérience nous savons que si nous désirons collaborer avec quelqu’un, nous devons comprendre la nature de cette personne. Nous allons donc adapter notre comportement envers elle en fonction de cette compréhension et éviterons ainsi tout conflit ou toute déception, etc. Si cette compréhension nous fait défaut, nous pourrons facilement être trompés et déçus.

      Depuis notre naissance, nous avons accompli toutes nos différentes actions par les trois portes, c’est-à-dire le corps, la parole et l’esprit. Des trois, l’esprit est le plus important : il est en quelque sorte le directeur. C’est pourquoi nous devons clairement comprendre sa nature. Ainsi nous saurons comment travailler avec lui et agir sans erreur. En résumé, par la compréhension de la nature de notre esprit, nous deviendrons capables de le contrôler, ce qui nous permettra d’éviter des difficultés et des souffrances.

      Lorsque l’esprit n’est pas maîtrisé, des facteurs mentaux perturbateurs surgissent, provoquant toutes sortes d’erreurs. Etant donné que l’esprit est la source de toutes les actions du corps et de la parole, il s’ensuit tout naturellement des erreurs physiques et verbales dont nous devons supporter les conséquences malgré nous.

      Divers systèmes de psychologie

      Bien des personnes s’en sont rendu compte et ont élaboré divers systèmes de psychologie pour tenter d’analyser l’esprit.

      Certains essaient d’améliorer leur compréhension de l’esprit en analysant les expériences et les comportements des autres. Ils constatent que la conscience apparaît presque toujours en dépendance des organes des sens et en concluent que ceux-ci constituent la partie principale de l’esprit.

      D’autres interviennent délibérément sur le système nerveux de leurs patients et tirent ensuite des conclusions à partir des modifications subséquentes de la personnalité des individus traités. Grâce à ces méthodes, ils peuvent facilement affirmer que ­l’esprit est une partie physique subtile du corps, peut-être le système nerveux lui-même.

      D’autres comparent les transformations mentales à celles que subissent les forces des éléments du corps et considèrent simplement l’esprit comme une de ces forces ou énergies.

      D’autres encore affirment que, comme une activité mentale intense occasionne des maux de tête, le cerveau doit être l’esprit.

      Les gens ordinaires jugent les états mentaux des autres au vu de leurs attitudes physiques et des expressions de leur visage dont ils font des interprétations hasardeuses.

      Toutes ces conclusions ont été faites, après analyse, par des personnes sensées et nous ne pouvons pas dire qu’elles sont totalement fausses. Certes les investigations de ces chercheurs ont pénétré le domaine de l’esprit. Nous pourrions dire que certaines de leurs intuitions sont correctes, mais les théories et systèmes qu’ils en ont tirés sont erronés.

      Dans le premier cas, ceux qui affirment que ­l’esprit est un organe des sens ont bien saisi l’étroite relation existant entre les deux phénomènes. Cependant, ils franchissent un pas sans justification en soutenant qu’ils sont d’une seule nature.

      Dans le deuxième cas, ceux qui soutiennent que l’esprit est une partie physique subtile du corps, ont bien vu que l’esprit et les vents subtils1 sont inséparables, mais là aussi leur conclusion est fausse.

      De la même façon, comme les éléments du corps sont extrêmement puissants, il est facile d’affirmer que l’esprit n’est qu’une force ou une énergie faisant partie de ces éléments. Cependant, si nous poursuivons notre investigation dans cette direction, nous verrons qu’il n’y a pas de raison de restreindre notre analyse aux seuls éléments du corps. Nous serons donc forcés d’attribuer un esprit à toutes sortes d’autres choses. De grandes complications vont s’ensuivre.

      La relation entre la tête et l’esprit est expliquée de la façon suivante : lorsque l’esprit est engagé dans une activité intense les forces mentales doivent être rassemblées, concentrées ce qui crée une certaine pression dans les canaux où circulent les vents2 ; ces derniers peuvent ensuite monter à la tête et produire une tension physique. C’est pour cette raison que les personnes qui méditent beaucoup se plaignent souvent d’une sensation de pression ou, au contraire, de resserrement dans la tête.

      Les traités de médecine bouddhiste expliquent que notre corps physique est constitué de flegme, de bile et de vent3. Le flegme se trouve plus particulièrement dans les poumons et le cerveau. Lorsque les vents montent et rencontrent le flegme dans le cerveau, il en résulte des vertiges et des maux de tête.

      De plus, la pression des vents qui augmente lorsque l’esprit est concentré, affecte la pression sanguine, ce qui peut provoquer des maux de tête, des maux de dos et même des attaques cardiaques.

      Notre corps comprend plusieurs centres4 : aux niveaux du nombril, du cœur, de la gorge et de la tête notamment. Ce dernier a une relation très importante avec l’esprit ainsi qu’avec les effets secondaires, occasionnels et déplaisants de la con­centration.

      Pour étudier l’esprit, nous devons comprendre que rien de tout cela n’est de la nature de la conscience. Néanmoins la relation de tous ces éléments à la conscience avec laquelle ils sont interdépendants est extrêmement subtile. Observer ces phénomènes de près et comparer les diverses thèses et théories de la psychologie, pourra, si nous en sommes capables se révéler fort bénéfique.

      Il y a même aujourd’hui des gens pour qui ­l’esprit est semblable à l’espace ou à quelque force cosmique fondamentalement indivisible. Mais, en réalité, chacun de nous est doté d’un continuum mental individuel, distinct de celui des autres.

      La nature de l’esprit

      Nous pouvons comprendre facilement que l’esprit est ce qui pense, se souvient, fait des projets, etc. Mais il nous est nettement plus difficile de comprendre clairement sa vraie nature.

      Comme pour tous les phénomènes, l’esprit a deux natures : une nature conventionnelle ou relative et une nature ultime ou finale. Nous allons maintenant parler de la première5.

      Sur le plan conventionnel, l’esprit est totalement dépourvu de matière ou de forme physique : il est dit «clair»6. Cependant, il est également transitoire7 car, contrairement aux phénomènes permanents tels que l’espace vide8, il est un flux, changeant constamment d’instant en instant. Nous pouvons poser notre livre et voir les changements innombrables qui se produisent dans notre propre esprit en quelques minutes seulement : maintenant nous sommes en train de regarder par la fenêtre, maintenant nous pensons au passé, maintenant nous faisons des projets. Il y a d’innombrables états d’esprit différents et tous sont transitoires : ils ne demeurent qu’un instant.

      De plus, l’esprit n’est pas défini comme changeant seulement par rapport à son objet principal mais aussi en terme de sentiments différents : bonheur, chagrin, indifférence, etc. Ces derniers apparaissent constamment, se succédant les uns aux autres. Comme un drapeau sans cesse agité par le vent, notre esprit est continuellement agité par le flot des circonstances changeantes.

      Outre sa clarté, l’esprit a encore une autre caractéristique : il existe dans la nature de la connaissance, ce qui signifie qu’il a la capacité d’être conscient de tout objet avec lequel il entre en contact. Par exemple, notre esprit est totalement capable de prendre